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Les jeux vidéo, acteurs du lien social

Les jeux vidéo, acteurs du lien socialAlors que les jeux vidéo furent longtemps considérés comme vecteur d’isolement, de déconnexion à la réalité, d’appauvrissement intellectuel ou même de violence, de nouvelles études menées durant le confinement donnent tort à toutes ces représentations. Après quasi une année de confinements successifs et d’isolement, ces études scientifiques montrent que la pratique vidéo ludique a des effets positifs sur la santé mentale et les liens sociaux, d’autant plus en cette période où les contacts physiques et les expériences culturelles sont des plus limitées.

C’est une étude de l’université d’Oxford[1] qui confirme ce que les adeptes de jeux vidéo soupçonnaient depuis longtemps. En s’associant avec les studios de développement Electronic Arts et Nintendo, les chercheurs ont pu mettre en relation le temps de jeu réel et le bien-être ressenti par les personnes jouant à deux jeux vidéo, Plant vs Zombies et Animal Crossing. Ainsi, contrairement à une croyance bien ancrée, les résultats de cette enquête suggèrent que les personnes jouant même un grand nombre d’heures par jour déclarent éprouver plus de bien-être que celles qui ne jouent pas.

Parmi ces résultats, l’étude révèle notamment que le bien-être du joueur est influencé positivement par des qualités internes au jeu, comme l’autonomie et l’identification aux personnages, et négativement par des facteurs extérieurs, comme le fait de vouloir échapper à des problèmes ou se sentir obligé de jouer. Pourtant, c’est ici un autre de ces constats qui retient notre attention, celui selon lequel le jeu vidéo permettrait au joueur d’entretenir une forme de socialisation, en particulier en cette période de plus grand isolement.

Du lien social virtuel et pourtant bien réel

En effet, les deux jeux étudiés, bien que de style différent, comportent tous les deux une dimension sociale[2]. De nombreux jeux vidéo actuels donnent la possibilité de jouer les un.es avec les autres ou les un.es contre les autres. En cette année de confinement et de distanciation, le succès d’un jeu vidéo semble plus que jamais lié à sa capacité de créer du lien[3]. Pour les joueurs, les possibilités sont nombreuses : compétition de kart, de danse ou de tennis en famille dans le salon, Battle Royale ou conquêtes avec des joueurs en ligne dans le monde entier : l’important est de rassembler.

Dans ce même esprit, ces derniers mois ont vu s’envoler la popularité des versions virtuelles de certains jeux de société traditionnels. Même les clubs de football et les équipes cyclistes bien réelles se sont illustrés virtuellement en cette année où les rassemblements sont impossibles. En permettant de jouer aussi bien avec des inconnus qu’avec ses proches, à distance comme à la maison, les jeux vidéo actuels défient une fois de plus les idées reçues faisant des joueurs des personnes recluses et déconnectées des autres. D’après l’un des chercheurs à l’origine de l’étude d’Oxford, participer à un jeu en ligne avec d’autres personnes serait un moyen satisfaisant de garder le contact en cette période où il est impossible de se rencontrer[4]. A Infor-Drogues nous savons bien qu’il est fondamental pour nous les humains de créer, de conserver et d’entretenir nos liens avec les autres. L’isolement et la solitude sont difficilement supportables. Dans ces conditions, quand quelqu’un apparait comme dépendant de sa pratique de jeu vidéo, c’est très souvent parce que cette pratique lui sert à maintenir des liens sociaux.

Parler ensemble du jeu vidéo

Afin de favoriser le plus tôt possible le dialogue entre les joueurs et leur entourage, Infor-Drogues a développé le projet et le site J’arrête quand je veux (à partir de 10 ans). En effet, la communication est primordiale dans la façon d’aborder la gestion des jeux vidéo dans la cellule familiale. Pour cela, il est important que le parent s’intéresse à ce que fait l’enfant, que celui-ci puisse se sentir en confiance pour en parler à son tour sans craindre l’interdiction et si nécessaire de construire ensemble un encadrement de l’activité qui fasse du sens. Ne jamais perdre de vue les besoins relationnels des enfants et des adolescents est fondamental et devrait guider le regard sur leurs pratiques video ludiques.

Le fait de passer plus de temps ensemble à la maison est une occasion parfaite de partager cette activité et avoir ces conversations, d’autant que de plus en plus de parents ont eux aussi eu ou ont toujours une pratique vidéo ludique. Un fait qui, comme les études scientifiques qui commencent à voir le jour, contribuent à un nouveau regard sur les jeux vidéo. Même l’OMS, qui a pourtant alerté sur les potentiels troubles que pouvaient provoquer l’utilisation prolongée de contenus vidéos ludiques en 2018[5], a recommandé leur pratique pour inciter à rester à la maison pendant la pandémie[6].

À Infor-Drogues, nous pensons que quel que soit son rapport aux jeux vidéo, le plus important est de pouvoir mettre des mots sur son activité, ou de permettre aux plus jeunes de le faire pour leur propre pratique. Dans l’idéal, le jeu vidéo doit rester une activité parmi d’autres. En cette période, il est cependant devenu un acteur relationnel et culturel majeur avec lequel il est inévitable de composer. Un phénomène qui reviendra sans doute à un équilibre lorsque les films, pièces de théâtre, concerts, évènements sportifs et autres activités sociales feront leur retour après la crise.

 


[1]  Video game play is positively correlated with well-being / Niklas Johannes, Matti Vuorre, Andrew Przybylski, PsyArXiv (web), novembre 2020.

[2]  Video games ‘good for well-being’, says University of Oxford study / Zoe Kleinman, BBC (web), novembre 2020.

[3]  Comment le jeu vidéo crée (aussi) du lien social / Grégoire Duhourcau, Europe 1 (web), avril 2019.

[4]  Jouer aux jeux vidéo peut être bon pour la santé mentale / Belga, novembre 2020.

[5]  L’OMS entérine la reconnaissance d’un « trouble du jeu vidéo » / William Audureau, Le Monde (web), mai 2019.

[6]  Confinement – Le jeu vidéo est-il enfin devenu d’utilité publique ? / La Première (web), mai 2020.

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En mille morceaux, une prévention relationnelle des consommations de psychotropes

En mille morceauxEn avril 2015, Nicolas Ancion et Infor-Drogues présentaient « En mille morceaux ». Un roman et un site internet destinés aux 15-17 ans. Aujourd’hui, ce projet se complète de pistes pédagogiques destinées aux enseignants du secondaire supérieur souhaitant travailler le roman dans leurs classes.

L’idée forte du projet est de confronter les adolescents à des personnages de fiction auxquels ils pourront s’identifier. À travers ces personnages, leurs parcours, leurs relations, leurs familles, leurs espoirs et leurs difficultés, le lecteur découvre comment chacun d’entre eux se débrouille : avec excès… ou pas. Le pari du livre est de faire découvrir les relations entre le personnage de fiction, son environnement et son comportement.

« Il nous semble particulièrement important de travailler la dimension éducative des consommations en faisant réfléchir à leur sens. Nous autres, humains, agissons bien souvent en fonction de nos relations c’est-à-dire de ce que nous voulons qu’ils pensent de nous, de la qualité des rapports que nous voulons avoir avec eux, etc. Dès lors, pour comprendre des comportements tels que la consommation de psychotropes (mot qui désigne les produits “qui donnent une direction à la pensée” c’est-à-dire les drogues légales et illégales), il nous faut réfléchir aux relations humaines » souligne Antoine Boucher, chargé du projet à Infor-Drogues.

Les pistes pédagogiques partent toutes du roman et des personnages de fiction pour que les élèves les utilisent sans devoir parler d’eux-mêmes. Parler et faire des liens leur procurera une connaissance ancrée dans la réalité, c’est-à-dire véritablement utile.

La brochure est diffusée gratuitement dans toutes les écoles secondaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Pour obtenir la brochure physique, un renseignement ou un accompagnement, le service de prévention d’Infor-Drogues est joignable au 02 227 52 61.

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« En mille morceaux » un roman et un site internet pour les 15-17 ans

En mille morceauxPour les parents et les éducateurs au sens large, les adolescents d’aujourd’hui ont parfois, souvent, passionnément… des comportements excessifs : trop d’internet, de Facebook, de jeux, d’alcool, de cannabis, etc.

C’est vrai que ces différents objets sont très présents et parfois bien difficiles à gérer, même par les adultes. Infor-Drogues a demandé à Nicolas Ancion d’écrire un roman pour les 15-17 ans qui décrirait les vies croisées de quelques jeunes de notre époque.

À travers leurs parcours, leurs relations, leurs familles, leurs espoirs et leurs difficultés, on découvre comment chacun d’entre eux se débrouille : avec excès… ou pas. Le site internet enmillemorceaux.be prolonge cette logique en proposant de nouvelles situations avec lesquelles le lecteur ou l’internaute pourra construire des relations entre le personnage de fiction, son environnement et son comportement. En effet, pour agir sur des comportements, il est important d’en comprendre le sens.

Ce projet constitue la suite logique de l’outil « J’arrête quand je veux ! » centré sur l’utilisation des jeux vidéo et destiné aux enfants de fin de primaire. « Avec le roman J’arrête quand je veux ! et le site internet (www.jarretequandjeveux.org), on a vraiment senti qu’on touchait un sujet très actuel et qu’on répondait à une demande de beaucoup d’instituteurs » rappelle Antoine Boucher, porteur du projet pour Infor-Drogues. Nicolas Ancion, déjà lui, avait su capter les lecteurs avec l’histoire de Théo, un « grand » de 12 ans qui découvre un jeu vidéo auquel il ne résistera pas… Le site internet proposait des pistes pour les enfants, les parents et les instituteurs. « Le succès fut tel qu’on a naturellement eu envie de poursuivre la collaboration avec Nicolas, mais en visant cette fois un public adolescent avec une thématique qui leur parle » ajoute Antoine Boucher.

Des thématiques multiples et une difficulté à se dire

« J’ai visité plusieurs classes d’adolescents pour tenter de découvrir l’objet ou la prise de risque autour duquel bâtir mon roman » se souvient Nicolas Ancion. « Mais, très vite, je me suis rendu compte que je ne pourrais pas baser mon intrigue sur un objet unique. Les jeunes de cet âge-là ont des pratiques beaucoup plus diverses qu’en primaire. Déjà entre garçons et filles, c’est très différent. » ajoute-il. En mille morceaux présente donc plusieurs personnages sans vraiment de héros principal. Cela permet de diversifier les situations, les contextes et donc les prises de risques.

« J’ai aussi été confronté à de lourds silences. C’est un âge où il est assez difficile d’évoquer certains comportements personnels, surtout en groupe » ajoute l’auteur. Face à ce constat, Infor-Drogues a dès lors privilégié un outil qui pourra être utilisé de façon individuelle. Antoine Boucher explique :« Nous n’avions pas envie de mettre des enseignants dans une situation difficile en leur proposant des activités de discussions collectives sur des sujets difficiles. »

Que proposer aux élèves ?

Il poursuit : « Le site pourra être utilisé par des enseignants du cours de français pour travailler la compréhension à la lecture ou les caractéristiques des personnages. Le site donne des clés supplémentaires, va plus loin que le roman par exemple en sondant directement le visiteur. » En mille morceaux propose en fait un modèle de prévention assez éloigné des romans habituellement lus pour « faire de la prévention en classe ». « A Infor-Drogues, nous entendons très régulièrement des jeunes (ou des moins jeunes) nous parler de romans tels L’herbe bleue ou Moi, Christiane F. 13 ans droguée, prostituée qu’ils ont dû lire à l’école. Ces romans veulent faire peur en présentant une réalité très effrayante. Mais la réalité décrite dans ces romans est très éloignée de celle de la grande majorité des jeunes. Ils ne peuvent que très difficilement se mettre à la place des personnages pour comprendre leurs comportements. Dès lors, la vertu préventive est très faible selon nous. »

Comprendre l’effet et la motivation, est-ce préventif ou incitatif ?

A travers les personnages et leurs prises de risques, En mille morceaux va tenter de faire comprendre que les motivations sont plus souvent relationnelles (pour faire plaisir, pour séduire, pour faire partie du groupe, pour paraître ceci ou cela, etc.). Dans notre société habituée à ne parler des drogues qu’en termes de conséquence négatives sur la santé, tout autre discours est parfois présenté comme « banalisant » voire « incitant ». Est-ce vrai ?

« J’ai écrit En mille morceaux pour aider les lecteurs à prendre du recul et à se poser des questions, explique Nicolas Ancion. Pour moi, à partir du moment où on se pose des questions, c’est déjà gagné ! » Même si cela peut paraître difficile à croire, la plupart de nos comportements ne sont pas le fruit d’une décision consciente et raisonnée qui aurait longuement pesé le pour et le contre. Si un humain est « pris » par un comportement qu’il répète, c’est souvent qu’il n’a pas conscience de la motivation profonde de ce comportement. Infor-Drogues entend de nombreux témoignages de personnes ne comprenant pas leur prise de produit. De nombreux fumeurs n’ont, par exemple, pas du tout conscience qu’ils commencent à fumer pour paraître plus âgés. Cette influence inconsciente est par contre très maîtrisée par les publicités.

Ainsi, un axe essentiel de la prévention sera de faire prendre conscience des motivations liées aux consommations de drogues, d’alcool ou aux prises de risques. Toute la difficulté est que cela doit être découvert par le public lui-même ! Le dire de façon extérieure est presque toujours invalidé par le sujet. C’est ici que l’utilisation de personnages de fiction attachants et proches auxquels le public peut s’identifier peut se révéler une piste très intéressante.


Ci-après, vous trouverez une vidéo de présentation du roman dans l’émission Livrés à domicile, diffusée sur la Une en mai 2015 :

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