Depuis quelques années, loot boxes et microtransactions sont devenues monnaie courante dans les jeux vidéo. Des mécaniques qui invitent les joueur·euses de tous âges à dépenser de l’argent dans leurs jeux préférés, parfois sans même savoir ce qu’iels obtiendront au final. Proche des jeux d’argents et de hasard, cette pratique plus que douteuse rapporte gros aux éditeurs de jeux vidéo, au détriment des joueurs.
De FIFA1 à Star Wars en passant par Fortnite, les loot boxes, ou coffres à butin en français, sont présents dans de nombreux jeux vidéo malgré la controverse qui les entoure depuis leur apparition. Sorte de pochette surprise, les loot boxes sont des avantages et améliorations qu’un·e joueur·euse peut acheter dans le jeu. Problème : impossible de savoir à l’avance ce que contiendront effectivement ces packs. C’est le hasard qui décide.
Afin d’obtenir ces boites, lea joueur·euse peut explorer méticuleusement le jeu, mais iel peut également les débloquer instantanément en dépensant son argent bien réel. Dans certains cas, il est même impossible de gagner la partie sans mettre la main au portefeuille. Cela fait partie de ce qu’on appelle les microtransactions, des achats de contenu supplémentaire à celui proposé dans le jeu de base. Des petites sommes qui peuvent vite s’accumuler et faire grimper l’addition. Les éditeurs l’ont bien compris et en profitent très largement. En 2020, les loot boxes ont à elles seules rapporté à l’industrie du jeu vidéo près de 15 milliards d’euro2.
Pour Infor-Drogues, tout comme l’OMS et l’ensemble du secteur toxicomanie, les jeux de hasard et les jeux vidéo comportent des risques d’addiction, au même titre que la consommation de drogues légales ou illégales. Rapprocher ces deux pratiques est donc particulièrement préoccupant. Car les jeux vidéo et coffres à butin jouent en effet sur un besoin fondamental de tout être humain : celui de valoriser son identité. Pour bon nombre d’adeptes, le jeu vidéo est un mode d’expression, une façon de montrer qui iels sont. C’est particulièrement vrai dans les jeux en ligne, ou lea joueur·euse est visible des autres. Pour être lea meilleur·e, avec le meilleur équipement, la meilleure équipe ou les meilleures statistiques, certain·es cèdent aux raccourcis que sont les loot boxes. A travers son succès virtuel, lae joueur·euse se sent valorisé·e. Une sensation qui peut facilement faire oublier le prix à payer pour l’obtenir.
Car les loot boxes sont extrêmement proches des jeux d’argent et de hasard. En effet, on parle bien ici de dépenser de l’argent pour avoir une chance de gain, sans savoir en quoi il consistera, ni quelles sont les chances d’obtenir un gain intéressant. Il peut y avoir du bon ou du mauvais, il peut aussi y avoir des doublons. Dans le cerveau des joueur·euses ce sont les mêmes systèmes de récompense qui s’activent, la même montée d’adrénaline et de dopamine qui se produit qu’au casino ou sur les sites de jeu en ligne.
Des connexions cérébrales qui se font aussi chez les joueur·euses les plus jeunes. Pourtant actuellement, aucune restriction d’accès n’est mise en place pour protéger les mineurs. Une facilité d’accès qui peut avoir de lourdes conséquences. Selon une étude de Sheldon Evans, professeur de droit à l’université St. John de New-York3, les plus jeunes ont davantage de difficultés à se représenter la valeur réelle des sommes qu’iels dépensent dans ces jeux. De l’argent qu’iels tendent à dépenser en plus grande quantité et de plus en plus tôt. De leur côté, les éditeurs de jeux vidéo encouragent ces pratiques en rendant ce contenu plus attirant.
Bien que, même parmi les adaptes des jeux vidéo, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer cette pratique, il est peu probable qu’elle disparaisse tant qu’elle rapportera autant d’argent. Face à ce constat, certains Etats tentent de prendre les choses en main. Ainsi en Belgique et aux Pays-Bas, les loot boxes sont interdites depuis plusieurs années4, mais cette interdiction est très difficile à faire respecter5. Quelques titres se sont bien pliés à l’exigence en retirant la mécanique visée pour certains, ou en ne mettant simplement pas le jeu en vente dans les pays concernés. Mais d’autres n’hésitent pas à braver l’interdit et sont disponibles sans aucune restriction ni avertissement. Pour les entreprises qui produisent ces titres, les profits générés par les loot boxes est simplement bien supérieur à l’éventuelle amende qu’ils encourent. Entre le profit et le bien-être des joueurs, le choix est visiblement vite fait.
1 Jules « Cael » Seigneur, FIFA 23 : pourquoi vous ne devez pas céder aux lootboxes, La Crème du Gaming (web), octobre 2022.
2 Maxime Pernet, « Loot boxes » dans les jeux vidéo : où en est leur régulation en France ?, Le Monde (web), juin 2022.
3 Sheldon Evans, Pandora’s Loot Box, St. John’s Legal Studies Research Paper No. 20-0015, George Washington Law Review, novembre 2020.
4 Jeux vidéo: la fin des « loot boxes » pour les joueurs belges, RTBF (web), février 2019
5 Interdiction des loot boxes en Belgique, pas vraiment appliqué selon une étude…, La Crème du Gaming (web), aout 2022.
Aujourd’hui, il y a entre six et sept écrans dans chaque foyer, et le télétravail est plus que jamais une réalité. De plus en plus présents dans nos vies, et en particulier dans celles des plus jeunes, les mondes numériques et les jeux vidéos offrent de nombreuses possibilités, aussi bien en matière de relation, que de divertissement, d’emploi, etc. Mais comme tout comportement, chaque pratique peut vouloir dire différentes choses pour différents individus et peut commencer à prendre plus de place. Comme toute nouveauté technologique, elle peut susciter la crainte de ceux qui ne la connaissent pas.
Qu’est ce qui pousse certains à autant s’investir dans le virtuel ? Comment savoir quand et s’il prend trop de place, ou juste assez ? Est-ce que ce que vous pensez savoir de ces espaces et ses pratiques est faux ? Comment s’adapter à ces nouvelles pratiques et construire ensemble de nouveaux repères où la société prend en compte cette transition numérique ? Thomas Gaon, Psychologue clinicien à l’hôpital Marmottan à Paris, en discute avec Sarah Uijt Den Bogaard, formatrice au sein de notre service prévention.
Si les enfants ne consomment pas de drogues, ce n’est pas pour autant qu’ils ne s’interrogent pas ou ne sont pas confrontés à certains comportements qui s’y rapportent. C’est pour coller à cette réalité qu’Infor-Drogues a collaboré avec avec un auteur jeunesse afin de leur proposer des livres et supports pédagogiques qui traitent ces sujets de manière adaptée à leur tranche d’âge.
C’est ainsi que sont nés les livres J’arrête quand je veux et En mille morceaux il y a près de 10 ans, et qu’ils continuent à être mis au programme de nombreuses classes de primaire et de secondaire. Leur auteur, Nicolas Ancion, était avec nous afin de discuter de ces romans – qui abordent le sujet des dépendances – et de ses nombreuses interventions auprès des jeunes qui les lisent.
Alors que les jeux vidéo furent longtemps considérés comme vecteur d’isolement, de déconnexion à la réalité, d’appauvrissement intellectuel ou même de violence, de nouvelles études menées durant le confinement donnent tort à toutes ces représentations. Après quasi une année de confinements successifs et d’isolement, ces études scientifiques montrent que la pratique vidéo ludique a des effets positifs sur la santé mentale et les liens sociaux, d’autant plus en cette période où les contacts physiques et les expériences culturelles sont des plus limitées.
C’est une étude de l’université d’Oxford[1] qui confirme ce que les adeptes de jeux vidéo soupçonnaient depuis longtemps. En s’associant avec les studios de développement Electronic Arts et Nintendo, les chercheurs ont pu mettre en relation le temps de jeu réel et le bien-être ressenti par les personnes jouant à deux jeux vidéo, Plant vs Zombies et Animal Crossing. Ainsi, contrairement à une croyance bien ancrée, les résultats de cette enquête suggèrent que les personnes jouant même un grand nombre d’heures par jour déclarent éprouver plus de bien-être que celles qui ne jouent pas.
Parmi ces résultats, l’étude révèle notamment que le bien-être du joueur est influencé positivement par des qualités internes au jeu, comme l’autonomie et l’identification aux personnages, et négativement par des facteurs extérieurs, comme le fait de vouloir échapper à des problèmes ou se sentir obligé de jouer. Pourtant, c’est ici un autre de ces constats qui retient notre attention, celui selon lequel le jeu vidéo permettrait au joueur d’entretenir une forme de socialisation, en particulier en cette période de plus grand isolement.
En effet, les deux jeux étudiés, bien que de style différent, comportent tous les deux une dimension sociale[2]. De nombreux jeux vidéo actuels donnent la possibilité de jouer les un.es avec les autres ou les un.es contre les autres. En cette année de confinement et de distanciation, le succès d’un jeu vidéo semble plus que jamais lié à sa capacité de créer du lien[3]. Pour les joueurs, les possibilités sont nombreuses : compétition de kart, de danse ou de tennis en famille dans le salon, Battle Royale ou conquêtes avec des joueurs en ligne dans le monde entier : l’important est de rassembler.
Dans ce même esprit, ces derniers mois ont vu s’envoler la popularité des versions virtuelles de certains jeux de société traditionnels. Même les clubs de football et les équipes cyclistes bien réelles se sont illustrés virtuellement en cette année où les rassemblements sont impossibles. En permettant de jouer aussi bien avec des inconnus qu’avec ses proches, à distance comme à la maison, les jeux vidéo actuels défient une fois de plus les idées reçues faisant des joueurs des personnes recluses et déconnectées des autres. D’après l’un des chercheurs à l’origine de l’étude d’Oxford, participer à un jeu en ligne avec d’autres personnes serait un moyen satisfaisant de garder le contact en cette période où il est impossible de se rencontrer[4]. A Infor-Drogues nous savons bien qu’il est fondamental pour nous les humains de créer, de conserver et d’entretenir nos liens avec les autres. L’isolement et la solitude sont difficilement supportables. Dans ces conditions, quand quelqu’un apparait comme dépendant de sa pratique de jeu vidéo, c’est très souvent parce que cette pratique lui sert à maintenir des liens sociaux.
Afin de favoriser le plus tôt possible le dialogue entre les joueurs et leur entourage, Infor-Drogues a développé le projet et le site J’arrête quand je veux (à partir de 10 ans). En effet, la communication est primordiale dans la façon d’aborder la gestion des jeux vidéo dans la cellule familiale. Pour cela, il est important que le parent s’intéresse à ce que fait l’enfant, que celui-ci puisse se sentir en confiance pour en parler à son tour sans craindre l’interdiction et si nécessaire de construire ensemble un encadrement de l’activité qui fasse du sens. Ne jamais perdre de vue les besoins relationnels des enfants et des adolescents est fondamental et devrait guider le regard sur leurs pratiques video ludiques.
Le fait de passer plus de temps ensemble à la maison est une occasion parfaite de partager cette activité et avoir ces conversations, d’autant que de plus en plus de parents ont eux aussi eu ou ont toujours une pratique vidéo ludique. Un fait qui, comme les études scientifiques qui commencent à voir le jour, contribuent à un nouveau regard sur les jeux vidéo. Même l’OMS, qui a pourtant alerté sur les potentiels troubles que pouvaient provoquer l’utilisation prolongée de contenus vidéos ludiques en 2018[5], a recommandé leur pratique pour inciter à rester à la maison pendant la pandémie[6].
À Infor-Drogues, nous pensons que quel que soit son rapport aux jeux vidéo, le plus important est de pouvoir mettre des mots sur son activité, ou de permettre aux plus jeunes de le faire pour leur propre pratique. Dans l’idéal, le jeu vidéo doit rester une activité parmi d’autres. En cette période, il est cependant devenu un acteur relationnel et culturel majeur avec lequel il est inévitable de composer. Un phénomène qui reviendra sans doute à un équilibre lorsque les films, pièces de théâtre, concerts, évènements sportifs et autres activités sociales feront leur retour après la crise.
[1] Video game play is positively correlated with well-being / Niklas Johannes, Matti Vuorre, Andrew Przybylski, PsyArXiv (web), novembre 2020.
[2] Video games ‘good for well-being’, says University of Oxford study / Zoe Kleinman, BBC (web), novembre 2020.
[3] Comment le jeu vidéo crée (aussi) du lien social / Grégoire Duhourcau, Europe 1 (web), avril 2019.
[4] Jouer aux jeux vidéo peut être bon pour la santé mentale / Belga, novembre 2020.
[5] L’OMS entérine la reconnaissance d’un « trouble du jeu vidéo » / William Audureau, Le Monde (web), mai 2019.
[6] Confinement – Le jeu vidéo est-il enfin devenu d’utilité publique ? / La Première (web), mai 2020.
Dix ans après sa première parution, le roman « J’arrête quand je veux ! », fruit d’une collaboration entre l’auteur liégeois Nicolas Ancion et Infor-Drogues, s’apprête à faire sa rentrée avec un nouveau look. Axé sur la gestion des jeux vidéo, le roman jeunesse s’accompagne d’un projet éducatif qui permet depuis de nombreuses années d’introduire les 10-12 ans au concept de dépendance au virtuel. Une nouvelle vie pour un sujet des plus actuels, en pleine rentrée des classes post-confinement.
Avec le confinement et la fermeture des écoles pendant de long mois, les jeux vidéo ont sans doute pris une plus grande place que d’habitude dans la vie des plus jeunes. Un changement de rythme et de comportement qui a pu inquiéter certains parents, ne sachant souvent pas trop comment aborder le sujet avec leurs enfants. Alors que ces derniers reprennent le chemin de l’école, difficile de trouver un meilleur moment que ce mois de septembre pour sortir la réédition de « J’arrête quand je veux ! ». Fort de 9000 exemplaires écoulés en grande partie dans les écoles, ce livre a depuis longtemps fait ses preuves auprès des élèves de fin de primaire et du premier degré du secondaire.
« J’arrête quand je veux ! » associe avec habilité littérature jeunesse et la vision de l’ASBL à partir d’un sujet pourtant complexe. Plus qu’un roman, c’est tout un projet éducatif qui a été mis en place autour de l’histoire de Théo, passionné de jeux vidéo, qu’il pratique avec un excès qui pourrait le mener à un décrochage scolaire. Cet ouvrage de prévention permet de parler d’assuétude à partir d’un sujet que les enfants connaissent et comprennent, ce qui n’est pas le cas pour les drogues licites ou illicites. Un processus de réflexion que les élèves pourront plus tard transposer aux autres produits.
« J’arrête quand je veux ! » est un roman publié dans la collection Zone J des éditions Mijade, spécialisée dans la littérature jeunesse. L’ouvrage est accompagné d’un site internet et d’une brochure proposant de nombreuses pistes de réflexions et activités à réaliser en classe ou à la maison sur base de différentes parties du livre. Originaire de Liège, Nicolas Ancion est un auteur pluridisciplinaire de romans, nouvelles, poésies, feuilletons web, théâtre et radio, et bien d’autres supports. Très impliqué, il se rend régulièrement dans des écoles pour participer à des activités autour de ses livres. Infor-Drogues est une association d’aide, d’accueil et d’écoute axée sur l’information, la prévention et la réduction des risques liés aux drogues. Au travers de ses formations auprès des enseignants, l’équipe de prévention développe régulièrement les pistes et les thèmes abordés dans « J’arrête quand je veux ! ».