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Interdire le smartphone à l’école pour mieux éduquer à son utilisation ?

smartphones école drogues addictions interdireLa presse a largement fait écho à la volonté du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles d’interdire les smartphones ou leur utilisation à l’école. Ceci en raison de leur «impact sur la santé, la concentration et le harcèlement». Si Infor Drogues & Addictions s’intéresse à la question du smartphone c’est parce que chacun peut observer à quel point cet objet est devenu indispensable aujourd’hui. Au point que ne pas en posséder fait de nous un exclu de toute une série de cercles : comment communiquer ?, comment payer ?, comment réserver un concert ?, comment prendre des photos ?, etc. Dès lors, pour certaines personnes (jeunes ou adultes) il est tout simplement inconcevable d’imaginer la vie sans smartphone. Pour elles, il s’agit d’une dépendance à cet appareil.

Alors, interdire le smartphone, une bonne ou une mauvaise idée ? Si cette interdiction mobilise une grande part de l’énergie des enseignant.e.s pour faire appliquer cette règle, cela réduira l’énergie et le temps disponibles pour les apprentissages. Cette interdiction ne doit pas non plus servir à camoufler la vraie question sous-jacente, celle des besoins des élèves (et plus globalement des humains). Au contraire, l’interdiction, et sa nécessaire motivation auprès des élèves, devrait être l’occasion, pour les établissements scolaires, de s’emparer du débat et de guider les élèves vers un apprentissage de l’autonomie face au smartphone.

Ce qui fait qu’une dépendance s’installe ou pas, c’est la manière dont chacun.e va répondre aux besoins humains essentiels : besoin de liens sociaux, besoin d’identité, besoin de gérer ses émotions. Par exemple, si le smartphone est le SEUL moyen pour rester en lien avec sa famille (parce qu’elle est loin) ou avec son groupe d’amis, en être complètement privé sera difficile. De même, certains élèves vont construire une identité «améliorée» d’eux sur les réseaux sociaux. Toujours positifs, souriants, dans la réussite de leurs projets… Une identité positive peut aussi passer par la réussite à l’école, bien sûr. Mais malheureusement cette dernière renforce les inégalités au lieu de les réduire[1]. Certains élèves sont donc éloignés de la possibilité de réussite scolaire. Cette quête identitaire nécessiterait-elle d’avoir son smartphone allumé en permanence ?  En théorie, non mais l’autonomie des enfants a drastiquement chuté en un siècle de temps[2]. Aujourd’hui, un enfant est quasiment 24h/24 sous la surveillance d’un adulte, ce qui n’aide pas le développement de l’estime de soi. Ce qui va compter, pour certain.e.s jeunes, c’est une sorte de validation permanente de leur «existence sociale positive»: comptage de likes, lecture de messages, notifications… Ce sont ces indices-là qui les rassurent. Rester quelques heures sans est trop insécurisant pour elles/eux.

Par ailleurs, si le smartphone amplifie et accélère les possibilités de harcèlement, il ne crée pas le besoin de harcèlement. En fonction des élèves, harceler un.e camarade répond à un stress, à une anxiété, à une compétition entre élèves, à une identité insécure à renforcer… On abaisse l’autre dans une tentative de s’élever soi.

Ce sont toutes ces possibilités qui font du smartphone un outil extrêmement performant voire, pour certains, indispensable. Tant que l’objet est présent, accessible, consommable le manque ne se fait pas ressentir, chacun à l’impression de «gérer» cette utilisation. C’est pareil pour le smartphone comme pour les drogues illégales ou légales comme l’alcool ou le café. Par contre, en cas d’absence, le manque se fait ressentir s’il n’existe pas d’autre manière de répondre à nos besoins. Si on n’a pas d’autre solution pour entrer en relation, pour avoir des amis, une identité positive… comment s’en passer ?

Tout apprentissage passe par le sens. Eduquer à la gestion d’objets passe par la compréhension des enjeux liés à cet objet. Attention, il ne s’agit pas ici de leçons pour bien utiliser les fonctions du smartphone ou faire attention aux dangers d’internet (de tels cours ont leur intérêt mais ne poursuivent pas l’objectif d’autonomisation). Un des enjeux du smartphone, est qu’il peut nous «enfermer» dans une identité. Même si c’est nous-même qui l’avons construite. C’est pareil pour la voiture et bien d’autres produits de consommation. Personne n’achète une voiture QUE pour se déplacer. La voiture c’est presque toujours une affirmation identitaire. Les publicités nous font croire que notre identité se confond avec ce qu’on achète (on est sportif si on a une voiture sportive, on est cool si on porte telle marque, etc.) et nous incitent à juger les autres sur cette base.

L’éducation au smartphone devrait donc, selon Infor Drogues & Addictions, se centrer sur la prise de conscience des besoins que cet outil rempli. Il s’agit de passer d’un discours centré sur le produit («j’ai besoin de mon smartphone») à un discours centré sur l’élève et ses besoins («quel est mon besoin rempli par le smartphone, la cigarette, le jeu video, la moto, le judo, etc. ?»). Comme ce ou ces besoins sont essentiels, cela veut dire que les élèves devront quand même les satisfaire même si le smartphone est interdit. Il sera donc très important d’anticiper des propositions alternatives pour remplir ces besoins. Les intervenants en prévention peuvent accompagner les équipes éducatives dans leur réflexion à ce propos.

L’utilisation du smartphone est un enjeu de société complexe. Se contenter de l’interdire dans les écoles, c’est prendre le risque de camoufler de réelles difficultés. Sa nécessaire gestion passe par un apprentissage collectif qu’il s’agit de mettre en place.

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Contact presse : Antoine Boucher 02 227 52 65 / 0493 17 96 36

[1] https://inegalites.be/L-ecole-en-Belgique-renforce-les

[2] https://www.tousapied.be/articles/nos-enfants-ont-ils-perdu-le-droit-de-jouer-et-de-se-deplacer-librement/

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Rapport d’activité 2023

Infor Drogues & Addictions présente son rapport d’activité pour l’année civile 2023.

Ce rapport décrit le bilan institutionnel interne et externe de l’asbl et revient en chiffres et détails explicatifs sur les actions du service ambulatoire, du service prévention/Promotion de la Santé et du service communication.

Retrouvez notre rapport d’activité pour l’année 2023 ici : Télécharger

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[YouTube – LIMIT] Notre société nous rend addicts…

En qualité de représentant d’Infor Drogues & Addictions, Antoine Boucher s’est longuement entretenu avec Vinz pour le format TALK, de la chaîne LIMIT. Pendant plus d’une heure, la discussion s’est attardée sur des sujets variés :

  • Pourquoi et comment la consommation de cocaïne est-elle en hausse ?
  • Quels sont les liens entre société de consommation et addiction ?
  • Comment comprendre l’addiction au travers le besoin d’identité et de reconnaissance ?
  • Et, bien sûr, quel est le rôle de la prévention et de l’accompagnement dans le domaine des assuétudes, comme le pratiquent Infor Drogues & Addictions et d’autres associations du secteur ?

En donnant la parole à un acteur du milieu des assuétudes actif à Bruxelles et en Wallonie, LIMIT fait écho à cette « autre écoute » que s’attache à proposer notre institution depuis 1971.

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[Infor Drogues & Addictions TV] Entretien avec Transit : Gate, salle de consommation à moindre risque

Entretien Infor Drogues Addictions Transit Gate salle de consommation à moindre risqueDes usagers y consomment des stupéfiants en toute sécurité, accompagnés par du personnel spécialisé et aucune drogue ne leur est fournie sur place. Ici, discrétion et écoute sont les mots d’ordres, pas d’obligation de cure… Gate, la salle de consommation à moindre risque bruxelloise a vu le jour en mai 2022, quatre ans après sa sa consœur liégeoise en 2018.

Nous nous sommes entretenus avec Bruno Valkeneers, chargé de Communication de l’ASBL Transit, une des associations grâce à laquelle la salle de consommation à moindre risque Gate a vu le jour. Il nous explique le fonctionnement d’un tel dispositif.

 

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Foot et bière, potes inséparables ! Vraiment ?

foot football bière publicitéRegarder un match de foot sans bière, vous n’y pensez pas ? L’Euro 2024 nous le rappelle encore. La RTBF aussi avec son émission « Wunder’Bar » (« merveilleux », en allemand), qui débriefe, avant et après les matches, le tournoi autour d’un bar, et qui a reçu quelques critiques[1]. Certes, on ne trouve aucune référence explicite à des produits alcoolisés dans ce bar : les étiquettes des bouteilles sont floutées et on n’y sert que de l’eau et des questions sur le foot. Il n’empêche, en sous-texte et quelle que soit son intention initiale, on ne peut que constater que la RTBF relaie encore un peu plus cette coutume déjà si bien ancrée qu’un match de football se regarde dans un bar, si pas au moins une chope à la main.

Pas très malin, sûrement, mais peu surprenant dans un pays où le championnat national porte le nom d’une célèbre bière depuis des années. L’équipe nationale a elle-même pour sponsor cette même marque houblonnée et va jusqu’à inciter, sur ses réseaux sociaux, à collectionner toutes les cannettes portant l’effigie de nos chers Diables rouges[2].

Mais l’histoire d’amour entre bière et football ne se limite certainement pas à la Belgique. La Ligue des Champions et le championnat anglais, les deux compétitions les plus suivies en Europe, sont également sponsorisées par des brasseurs, comme l’ont été ou le sont encore certains des clubs les plus populaires au monde. Le Qatar s’était d’ailleurs attiré les foudres de nombreux supporters en prenant la décision d’interdire la bière (à l’exception de la bière sans alcool) dans ses stades lors d’une Coupe du Monde 2022 par ailleurs déjà tant décriée pour des raisons humaines et écologiques.

Il y a pourtant quelque chose d’assez contradictoire dans l’association de la consommation d’alcool avec la pratique d’un sport. Alors, pourquoi bière = foot et foot = bière ?

1. Un sport et une boisson populaire, mais aussi un marché à prendre

La bière est un des alcools les moins coûteux à la production et à l’achat. En Belgique, on peut même trouver certaines pils à moins de 1€ le litre. Elle est une boisson facile à produire, bon marché, et qu’on trouve partout. C’est pareil pour le football. Un ballon, quatre cailloux ou vêtements pour délimiter les deux buts, et c’est parti. Le football est un sport autant accessible, et donc populaire, que l’est la bière en tant qu’alcool. Être LA boisson emblématique du sport le plus populaire au monde, c’est aussi un immense marché à saisir pour les industriels. Un match de foot, c’est un évènement qui rassemble des millions de téléspectateurs devant leur écran et quelques dizaines de milliers dans le stade. Quoi de plus normal que d’investir autant dans le sponsoring. Pourrait-on même parler d’un intérêt partagé entre brasseurs et acteurs du monde footballistique ?

2. Les hommes, la bière et le foot

publicité bière foot football hommes virilitépublicité bière foot football barbecue virilitéOn a déjà entendu, après un duel viril entre deux joueurs, un supporter clamer que « ça va, le football, c’est un sport d’hommes », ou dans sa version plus grossière, « c’est pas un sport de gonzesses ». Et comme les stéréotypes ont souvent la peau dure et que les publicitaires adorent les renforcer, on a aussi entendu un brasseur nous affirmer que « les hommes/supporters savent pourquoi ». Jouer au football ou le regarder à la TV, ça s’accompagne d’une bière avant, pendant et/ou après le match. Les deux sont depuis toujours associés à la virilité. Les représentations sociales vont presque systématiquement dans ce sens et les publicitaires le martèlent depuis des années.

3. Le football, c’est la fête, et la fête sans bière, c’est moins fun

Au-delà de simplement supporter son équipe favorite et d’espérer célébrer sa victoire, regarder un match de football, c’est très souvent un moment convivial. En tant qu’évènement festif, il s’accompagne généralement de l’alcool, notre désinhibiteur social préféré. On crie de joie quand notre équipe inscrit un but, de rage quand l’arbitre l’annule pour un hors-jeu pas si évident à nos yeux de fervents supporters, et pour se sentir plus à l’aise pour exprimer toutes ces émotions en public, rien de mieux que de se désinhiber avec un peu de bière.

4. Une fierté nationale

Il y a enfin quelque chose d’identitaire dans la consommation de bière et le football, dont la Belgique est un parfait exemple. On pourrait le résumer par : « je supporte mon pays ; l’équipe nationale belge, c’est la meilleure du monde ; la bière belge, c’est la meilleure du monde ! » Les publicitaires ont parfaitement compris ce chemin de pensée et, en s’associant directement avec l’Union belge, ils continuent de faire de cet amalgame une croyance partagée par beaucoup[3]. Dans une Belgique à l’identité nationale souvent questionnée, quoi de plus fédérateur qu’une équipe nationale installée dans les hauteurs du classement des meilleures nations au monde ? Quoi de plus valorisant qu’une culture de la bière réputée à l’internationale ? Donc, quoi de plus logique que d’associer les deux ?

5. Quelles pistes pour la suite ?

L’association bière et football paraît tellement normée qu’il semble difficile de s’en détacher dans un futur proche. Réguler la publicité pour l’alcool afin qu’elle cesse de nourrir cette idée que le foot doit obligatoirement se regarder une chope à la main serait sans doute une bonne première étape. Comme le serait le fait d’éviter de lier les deux pratiques dans les médias et autres discours sociaux.

Néanmoins, si détricoter le fil qui lie foot et bière ne semble pas être une mince affaire, l’identifier et le comprendre permet déjà d’offrir des pistes à celui qui voudrait questionner son rapport à la chose. Comme Infor Drogues & Addictions le rappelle régulièrement, les consommations de produits et les addictions répondent à des besoins. Ces besoins peuvent être :

  • Sociaux : je veux faire partie du groupe, je consomme de l’alcool pour me désinhiber devant un match avec des amis.
  • Identitaires : je m’identifie à mon équipe, « nous avons marqué », je suis supporter de mon pays, je consomme la bière de mon pays.

Plutôt que d’adopter une approche répressive ou moralisatrice, il est utile d’essayer de comprendre à quels besoins répond la consommation. Pourquoi se retrouve-t-on toujours avec une bière en main devant un match des Belges ? Posons-nous la question. Car ce n’est pas tant le fait de s’en boire en regardant le foot qui est questionnable, ni même le fait le prendre du plaisir en buvant une blonde ou en soutenant son équipe, c’est ce lien artificiellement construit et si profond entre les deux. Tout ça dans un intérêt de pousser encore davantage à la (sur)consommation alors que 14 % des Belges boit déjà de l’alcool en excès[4]. Est-ce que cette relation fusionnelle bière/foot va aider les gens à mieux gérer leur consommation ?

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[1] https://www.lesoir.be/596181/article/2024-06-19/euro-2024-il-nest-pas-normal-que-la-rtbf-fasse-ce-choix-de-decor-de-bar

[2] « Gotta collect ‘em all » sur Facebook et Instagram : https://www.instagram.com/p/C8B7kRDoaXI/?img_index=4

[3] Nous abordions déjà le sujet en 2018 : La Belgique ? C’est de la bière (infordrogues.be)

[4] Selon l’enquête santé 2018 de Sciensano, citée ici par Le Soir : https://www.lesoir.be/598084/article/2024-06-28/ventes-dalcool-de-nouvelles-restrictions-des-le-1er-juillet

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