Un vaccin qui permettrait d’arrêter la consommation de cocaïne est actuellement développé au Brésil[1]. Visant à empêcher le produit d’agir sur le circuit de la récompense présent dans le cerveau, et donc d’apporter les effets positifs recherchés par les consommateur·rice·s, ce potentiel traitement suscite déjà beaucoup d’intérêt. Mais un vaccin peut-il vraiment être efficace s’il ne prend pas en compte les nombreux éléments qui entrent en jeu dans les cas de dépendances ?
C’est une des questions à laquelle nous avons répondu pour Bel RTL dans une interview que vous pouvez retrouver ci-dessous.
Car consommer des drogues, c’est avant tout chercher à remplir un besoin. Et être dépendant, c’est ne pas pouvoir adresser ce besoin autrement que via la consommation. Contrairement aux idées reçues, le produit ne possède pas de pouvoir absolu, rendant toustes les consommateur·rice·s accros. C’est la situation et le contexte dans lequel se trouve une personne à un moment donné qui fait la différence. C’est ainsi qu’une grande partie de celleux qui prennent des drogues ne sont pas dépendant·e·s de leur consommation, car iels ont par ailleurs d’autres moyens de remplir leurs besoins. Cela explique aussi le développement de dépendances comportementales que peuvent être les jeux vidéo, les jeux de hasard, le sexe, etc. Des cas dans lesquels aucun produit n’entre en jeu.
Avec la cocaïne, les consommateur·rice·s veulent généralement faire preuve d’une certaine force, se montrer performant·e·s ou plus sûr d’elleux. Iels sont souvent des travailleur·euse·s qui ont un métier physique et exigeant, dans lequel la cocaïne les aide à tenir le rythme. On peut donc comprendre que maintenir cette identité soit très important pour ces personnes. Un vaccin ou un autre traitement pourrait peut-être booster les chances d’arrêter certain·e·s. Mais il ne saurait remplacer la nécessité de travailler sur les raisons qui se cachent derrière les consommations. Un travail qui ne peut pas se faire simplement en bloquant quelques récepteurs neuronaux et en retirant le produit.
Pour espérer arrêter ou réduire leur consommation, les personnes qui le souhaitent doivent accepter d’interroger leur rapport avec cet aspect de leur identité ou de leurs émotions, avec le soutien de leurs proches si nécessaire, en mettant en place des alternatives plus viables, etc. Un processus très introspectif qui implique une grande vulnérabilité, et d’accepter de renoncer à un peu de cette « force » et de cette « assurance » tant recherchée. Et pour tout ça, il n’y a pas de vaccin, que du travail.
Si vous souhaitez parler de votre consommation ou de celle d’un de vos proches, n’hésitez pas à nous contacter par téléphone au 02/227.52.52, ou via notre permanence électronique.
[1] « Un vaccin contre l’addiction à la cocaïne ? Des recherches sont en cours au Brésil », Moustique, 28 octobre 2023.
La consommation de drogues est-elle, oui ou non, une question de santé publique ?
Selon la Note fédérale drogues de 2001 (actualisée en 2010 mais toujours en vigueur) « le gouvernement fédéral confirme que l’abus de drogues est un problème de santé publique ». Néanmoins, force est de constater que la réalité est très loin de cela. Ainsi le gouvernement vient de refuser, ce 31 mars 2015, une proposition de loi qui encadrerait et prolongerait l’expérience de délivrance médicalisée d’héroïne.
Projet-pilote thérapeutique mis en place et mené à Liège entre 2011 et 2013, TADAM proposait à des patients toxicomanes fortement dépendants un traitement assisté par diacétylmorphine, c’est-à-dire de l’héroïne pharmaceutique prescrite et administrée sous la supervision d’infirmiers dans le centre. Ce projet liégeois avait pourtant été évalué de façon très positive en termes de santé publique notamment par l’Université de Liège.
L’équipe de recherche universitaire avait constaté une diminution de la consommation de l’héroïne de rue, une amélioration de la santé physique et mentale des patients et une diminution des faits de délinquance commis par ces personnes. Les chercheurs avaient recommandé la poursuite de ce type de traitements en Belgique.
L’autre proposition de loi rejetée concernait l’ouverture de « salles de consommation à moindre risque ». Il s’agissait, via l’ouverture de ces salles, d’entrer en contact avec les consommateurs de drogues « à haut risque » (en particulier ceux qui consomment par voie intraveineuse), d’améliorer leur santé sociale et sanitaire et de diminuer les nuisances publiques. Ces deux propositions de loi étaient non seulement soutenues par les institutions actives en toxicomanie, mais aussi par la conférence interministérielle Santé publique (qui regroupe les six ministres de la santé que compte notre pays). De plus, de tels projets existent déjà dans plusieurs pays européens et la Région wallonne, la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région bruxelloise étaient prêtes à accueillir de nouveaux dispositifs. La majorité parlementaire n’a même pas jugé nécessaire d’entendre des experts de la santé avant de prendre leur décision.
Le gouvernement prétend agir dans le cadre de la Santé mais il n’en est rien, c’est la Justice qui mène la danse. Cela mène à une prévention inefficace, à des problèmes de santé publique et à un surcoût policier important et contre-productif.
Au final, les compétences de prévention, de soin et de réduction des risques qui sont attribuées aux Régions et Communautés ne peuvent se déployer tant que le Fédéral n’accepte pas que d’autres niveaux de pouvoir mènent des politiques différentes. En matière de politique drogues, le modèle fédéral ne fonctionne pas non plus !
La Ministre de la santé, Maggie De Block, prépare un arrêté royal autorisant la délivrance d’un médicament à base de cannabis (le Sativex) actif dans le traitement de la sclérose en plaques. Infor-Drogues souligne le caractère positif de cette mesure mais souhaite que la Ministre s’inspire d’études scientifiques sérieuses (comme celle-ci ou celle-là) afin d’autoriser l’usage thérapeutique du cannabis face à d’autres maladies ou symptômes (nausées, maux de tête, insomnies, vertiges, épilepsie, glaucome, maladies invalidantes comme le cancer, le sida, etc).
Ce serait en effet une avancée essentielle pour les très nombreux consommateurs de cannabis qui l’utilisent pour soulager leurs douleurs physiques. Ces personnes nous disent que leur consommation de cannabis est liée au constat qu’il n’existe pas d’équivalent parmi les médicaments disponibles. Cette substance les soulage et ils ne sont, pour la plupart, pas disposés à s’arrêter même face à une possible condamnation judiciaire (témoignages ici ou ici).
Dès lors, n’est-il pas urgent d’élargir le cadre thérapeutique du cannabis afin que toutes ces personnes en souffrance puissent avoir accès à des produits de qualité contrôlée, ne soient plus confrontées au marché noir ou, pire, menacées judiciairement ?
Selon les études existantes, le cannabis est le produit illicite le plus consommé parmi la population belge. Pourtant, l’offre de soins destinée aux usagers ayant une consommation problématique de cannabis reste trop faible ou peu connue à Bruxelles.
Pour cette raison, Interstices C.H.U. Saint-Pierre asbl, en partenariat avec la Fedito Bruxelloise et Infor-Drogues asbl, a mis en place un Réseau de prises en charge, le « Réseau Cannabis ».
Ce Réseau a pour objectif de rassembler et soutenir les professionnels et institutions s’inscrivant dans la prise en charge d’usagers ayant une consommation problématique de cannabis.
De plus, afin d’élargir la surface d’offres de soins à Bruxelles, le « Réseau Cannabis » propose des formations aux professionnels non seulement du secteur spécialisé mais aussi du secteur généraliste, afin que ce dernier vienne compléter le Réseau de prises en charge par son savoir faire.
Mais surtout, le « Réseau Cannabis » propose une orientation de l’usager vers un lieu de soins adapté à son profil et à sa demande.
Tout professionnel se questionnant sur la problématique du cannabis, ses conséquences et les prises en charge des consommateurs est invité à contacter ce service et/ou à le rejoindre afin de collaborer ensemble.