Archive de l’étiquette vente de drogues

Une première boutique de CBD a ouvert à Bruxelles !

Ixelles street shopOn vous en parlait déjà il y a quelques mois, le cannabidiol (dit CBD), une des molécules présente dans le cannabis, bénéficierait d’un vide juridique qui lui permettrait de ne pas être considéré comme illégal en Belgique. Depuis quelques jours, cette zone de flou permet une application un peu plus concrète. Une filiale de l’enseigne française Street Shop, spécialisée en vente de produits au CBD, a en effet ouvert ses portes ce lundi dans notre capitale.

En France, des centaines de boutiques de ce genre ont ouvert en quelques mois un peu partout, avec chaque fois le même engouement, au grand dam du Ministère de la santé [1]. A l’origine de ce qui ressemble aujourd’hui à un succès, il y a d’abord un coup de poker : tout miser sur une réglementation européenne autorisant la vente de chanvre contenant moins de 0,2 % de THC. En effet, c’est cette molécule psychotrope qui donne au cannabis son caractère illégal. C’est donc sur cette règle, commune à tous les pays de l’Union Européenne, que se base aujourd’hui le gérant du magasin bruxellois pour s’implanter chez nous.

En vitrine, des fleurs, de la résine, des huiles, des liquides pour cigarettes électroniques, des baumes et bien d’autres produits, tous presque totalement dépourvus de THC et donc de l’effet stupéfiant qui accompagne le cannabis classique. Les consommateurs pourront, à des degrés divers en fonction des individus, compter sur le côté calmant, antidouleur, antistress et/ou antidépressif du CBD. Ici, tous les produits sont importés de Suisse, où leur vente est totalement légale et réglementée par l’État. Des tests y sont effectués pour s’assurer que le seuil de 0,2 % de THC n’est pas dépassé, avant de transiter par la France puis d’arriver chez nous.

Campant bien fermement sur les bases de notre politique prohibitionniste ancestrale, la Ministre de la Santé Maggie De Block n’a évidemment pas tardé à rappeler que « la vente, la culture et la production de cannabis ainsi que de produits dérivés sont interdites par la loi et les infractions sont punissables » [2]. Dans la foulée, une enquête a été ouverte par l’agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS). Cette dernière a cependant déclaré que « Le CBD et le chanvre […] ne tombent pas sous l’arrêté royal du 6 septembre 2017 réglementant les substances stupéfiantes et psychotropes » [3].

Si cette annonce confirme pour l’instant la légalité théorique du CBD, son statut est actuellement étudié et pourrait bien changer dans le futur. Et vu la politique totalement répressive du gouvernement actuel, il ne serait pas étonnant – bien que selon nous insensé – que le CBD devienne à son tour complètement interdit. En attendant qu’une décision soit prise, l’espoir est malgré tout permis, et les amateurs de « cannabis light » peuvent aller se fournir librement en plein cœur de Bruxelles.

Mise à jour du 14/09/2018 : d’autres boutiques ont depuis lors fait leur apparition dans plusieurs endroits du pays. Côté francophone, il est possible de trouver des magasins vendant du CBD sous diverses formes à Namur, Mont-sur-Marchienne et La Louvière. De nombreux commerces dédiés au vapotage proposent également des liquides pour cigarettes électroniques contenant de cannabidiol.

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ParInfor Drogues & Addictions

Des drogues sur le darknet ?

darknetDepuis sa popularisation il y a une vingtaine d’années, nous sommes nombreux à avoir parcouru et apprivoisé Internet, de manière plus ou moins approfondie. Pour beaucoup, le web est devenu un moyen courant de communiquer, s’informer, apprendre, faire des achats et bien d’autres choses. Il existe pourtant une partie du cyberespace que très peu utilisent et connaissent : le darknet (partie sombre du net) et le deepweb (web profond). Ces deux éléments constituent la face cachée d’Internet alors qu’ils abritent 96 % de son contenu [1].

Bien qu’ils soient tous deux difficiles d’accès, le darknet et le deepweb ne désignent pas la même chose [2] :

  • Un darknet est un réseau superposé, parallèle à ceux traditionnellement disponibles sur Internet, accessible via des logiciels particuliers. Il est donc impossible d’y accéder en passant par Google ou d’autres moteurs de recherche. Il ne faut pas non plus compter sur les navigateurs normaux (Firefox, Chrome, etc.). On parle souvent du darknet comme s’il n’en existait qu’un seul. En réalité il en existe plusieurs, chacun étant associé au logiciel qu’on utilise pour y accéder. La particularité du darknet, c’est qu’une fois que l’utilisateur réussit à accéder à l’un des réseaux, il est pratiquement anonyme, ce qui en fait le terrain idéal pour toute activité clandestine. Si chaque darknet a comme fonction de base de partager des informations, des messages ou des données de manière anonyme, secrète et cryptée, les activités illicites qui peuvent y  avoir lieu ont donné à ces réseaux une réputation sulfureuse. Il semble toutefois bon de préciser que le fait de se trouver sur le darknet ne constitue pas un délit. C’est bien entendu ce qu’on choisit d’y faire ensuite qui peut, ou non, se révéler illégal.
  • Le deepweb quant à lui, est la partie d’Internet qui n’est pas indexée dans les résultats des moteurs de recherche traditionnels, mais qui se trouve sur les réseaux classiques. Il ne permet pas d’être anonyme et peut nécessiter quelques manipulations particulières, comme le fait de devoir s’identifier. Par exemple, il est possible de consulter ses extraits de comptes sur Internet, mais ils ne sont pas repris dans les résultats sur Google : il faut s’identifier à son compte bancaire pour y avoir accès.

Puisqu’il n’offre pas l’anonymat, le deepweb n’est donc pas réputé pour abriter des activités secrètes. C’est évidemment sur le darknet que se sont développées toutes sortes de pratiques demandant une certaine discrétion. Ainsi, à ses début dans les années 2000, il est principalement utilisé par les dissidents politiques (notamment chinois, puis plus tard, ceux prenant part au Printemps arabe) pour communiquer sans risquer de se faire remarquer par les autorités nationales [3]. Depuis lors, de nombreuses activités illégales y sont devenues monnaie courante, de la vente d’armes au hacking, en passant par des contrefaçons diverses (argent, art, papiers d’identités, etc.), des fraudes, de la pédopornographie et même le fait de pouvoir engager des tueurs à gages, à en croire la légende [4].

Mais le type de marché le mieux représenté sur le darknet, c’est celui des drogues et des produits chimiques qui servent à leur fabrication [5]. Des marchés qui représenteraient 67 % de tout ce qu’on peut trouver sur le darknet. En Belgique, les substances les plus communément achetées sur ces réseaux sont les stimulants tels que la MDMA et les amphétamines. Viennent ensuite la cocaïne puis le cannabis. Au total, le marché belge des drogues sur le darknet génère 4,7 millions d’euros (un chiffre qui peut fluctuer, puisqu’il est le résultat d’une conversion à partir du Bitcoin, la monnaie virtuelle très fluctuante utilisée pour les transactions sur le darknet), ce qui en fait le 4e marché d’Europe. De manière générale, les personnes qui choisissent d’acheter leurs produits en ligne plutôt que dans le monde physique pensent y trouver des substances de meilleure qualité, ainsi qu’une plus grande sûreté, du fait de l’anonymat et de la possibilité de passer commande depuis le confort de son domicile.

Évidemment, les autorités européennes tentent en permanence de lutter contre ces activités en débusquant leurs sources et en les faisant fermer. Mais les marchés sont résilients : à peine fermés, ils rouvrent sous un autre nom et les vendeurs et acheteurs, habitués à ces manœuvres, suivent le mouvement. Pour être plus efficace, Europol, la police européenne, n’a d’autre choix que de cibler les sources d’approvisionnement des trafics et de renforcer la surveillance policière [6]. Pourtant, le darknet est loin d’être le principal canal de vente de drogues quand on regarde le marché dans son ensemble. En 2012, un rapport des Nations Unies avait établi que la vente de drogues sur Internet générait en moyenne 1,2 milliard de dollars par an, contre 320 milliards de dollars par an pour l’ensemble du marché mondial en dehors d’Internet [7], ce qui représente seulement 0,3 % du trafic mondial. Il semble par ailleurs que la possibilité de se procurer des produits illicites en ligne n’incite pas de nouveaux usagers à se lancer, mais concerne plutôt ceux qui consomment déjà. Il apparait enfin que l’accès aux drogues sur ces réseaux n’en facilite pas l’achat, puisque les monnaies virtuelles telles que le Bitcoin ne sont pas d’usage courant et que ces marchés digitaux desservent principalement des zones géographiques où l’offre physique de ces produits illicites est déjà importante [8]. En bref, le darknet ne fait parler de lui que parce qu’il est obscur et mystérieux pour beaucoup de gens, mais n’a finalement pas rendu la drogue plus accessible dans le monde [9].

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[1] Le deep web est la « batcave d’Internet / Flora Eveno. RTBF, 2015

[2] « Darknet», « Deep Web », « Darkweb » / Solène Limousin. Supinfo, 2017

[3] Le réseau Tor, paradis anonyme pour cyber dissidents. Le Temps, 2013

[4] The Tor dark net / Gareth Owen et Nick Savage. CIGI, 2015

[5] Drugs and the darknet : perspectives for enforcement, research and policy. EMCDDA et Europol, 2017

[6] Europol veut faire le ménage sur le darknet / Ludivine Ponciau.  Le Soir, 2017

[7] Rapport mondial sur les drogues. Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2012

[8] Platform Criminalism – The ‘Last-Mile’ Geography of the Darknet Market Supply Chain / Martin Dittus, Joss Wright et Mark Graham. Université d’Oxford, 2018

[9] Le « darknet » n’a pas rendu la drogue plus accessible dans le monde / Nelly Lesage. Numerama, 2017

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