Archive de l’étiquette prévention

« L’alcool c’est la fête » et « L’alcool c’est moi »

BoireDans nos sociétés médiatiques, l’alcool est partout. Il est bien sûr présent dans la publicité, mais aussi dans les films, séries, romans, compétitions sportives, internet, etc. À un point tel qu’il ne se remarque même plus : il fait partie du décor. Les dépenses publicitaires des producteurs et distributeurs d’alcool en Belgique sont 790 fois plus importantes que les subventions du secteur de la prévention ! De plus, la publicité est souvent manipulatrice, car le public ne perçoit pas les procédés qu’elle met en œuvre.

Les deux spots vidéos qu’Infor-Drogues[1] présente sont constitués d’extraits de publicités et fictions.

 

Vidéo 1 – « L’alcool c’est la fête » : ces extraits nous disent que boire de l’alcool est gage de fête remarquable, d’amitié, de bonne humeur et de réussite sociale. Tout ça est très attirant, mais qu’en est-il dans la vraie vie ?

Vidéo 2 – « L’alcool c’est moi » : les extraits de publicités indiquent que l’alcool aide chacun à trouver son caractère, son identité. En somme, l’alcool révèle la personnalité. Joli discours, mais dans la réalité, comment ça se passe ?

 

Si vous êtes enseignant(e) ou animateur(trice), une façon de faire de la prévention auprès de vos élèves peut être de présenter les spots et d’en discuter par après. Voici quelques exemples de questions pour lancer la discussion :

  • Est-ce facile ou difficile de ne pas boire d’alcool ? Pourquoi ? Qu’est-ce qu’on devrait mettre en place pour changer ?
  • Organiser une fête sans alcool, c’est facile ou difficile ? Pourquoi ?
  • Quand on parle d’alcool, quelles sont les images qui vous viennent en tête ? Sont-ce des images publicitaires ou de films ? Pensez-vous que ces images vous influencent ?

L’objectif sera de mieux décoder les publicités et de prendre conscience du rôle qu’elles veulent donner à l’alcool. À travers une telle discussion, les élèves devraient devenir moins crédules et plus indépendants face aux messages publicitaires. Au vu de leur fréquence et de leur caractère incitatif, c’est un objectif prioritaire.

 


[1] Les vidéos ont été réalisées par Elsa Kakiz, stagiaire de l’UCL en communication, à partir d’une idée d’Infor-Drogues.

ParInfor Drogues & Addictions

Prévention, encore moins d’argent

Poches videsLa troisième recherche inter-universitaire « Drogues en Chiffres » a été menée entre 2010 et 2011, et coordonnée par le Professeur Brice De Ruyver, le Professeur Freya Vander Laenen et le Professeur Johan Christiaens (Université de Gand). Les dépenses publiques consacrées à la problématique des drogues en Belgique ont été mesurées pour l’année 2008 et les résultats viennent d’être présentés ce 14 décembre. La proportion des dépenses liées à la prévention, qui ne représentait déjà que 2% du total des sommes consacrées aux drogues, a encore diminué pour atteindre 1,36 % !

ParInfor Drogues & Addictions

Outox nous intoxique !

Outox

Outox, la boisson « miracle » qui réduirait le taux d’alcool dans le sang et la gueule de bois après son ingestion qui fait son apparition à travers un large buzz bien orchestré par la marque sur le net et dans nos médias (et ce n’est pas le fruit du hasard) s’apparente tout-à-fait à de la poudre de Perlimpinpin.

Il n’existe aucune preuve scientifique qui soutiendrait l’efficacité de cette potion magique. Bien au contraire ! Le Crioc a fait l’état des lieux quant aux recherches scientifiques existantes sur le produit : « Une étude scientifique menée par l’Institut de Médecine Légale de l’Université d’innsbruck en Autriche conclut que Outox n’augmente pas le taux d’élimination de l’alcool absorbé (Outox does not increase the alcohol elimination rate) mais permettrait uniquement une absorption gastrique plus lente de l’alcool (selon le profil des individus) et que l’allégation de santé associée au produit ne peut être prouvée du point de vue scientifique. Bref, un grand coup de bluff pour pas grand chose. » Cela signifie donc que l’alcool sera bel et bien absorbé dans le sang. Il en est de même quant à l’élimination de l’éthanol : à titre de comparaison, là où il faudrait une heure pour éliminer un drink, il en faudrait 55 minutes grâce au fameux produit « miracle ». Pas de quoi pavoiser donc !

Ce qui est sûr, cependant, c’est que la promotion de ce produit contribue une nouvelle fois à une évolution regrettable, à savoir l’incitation à boire, la banalisation de comportements extrêmes en matière de consommation d’alcool et des risques qui en découlent. En effet, « Faire chuter le taux d’alcool dans le sang » n’est utile que pour ceux qui ont bu des quantités importantes. Cette promesse incite à boire plus d’alcool que raisonnable…

Une fois de plus, c’est bien beau que le monde adulte (en général) se plaigne de la consommation d’alcool des jeunes mais à travers ce nouvel exemple de dérapage commercial, ce sont aussi les adultes qui inondent les jeunes de publicités et maintenant de boissons pour, soit disant, atténuer les effets de l’alcool. L’incohérence des messages envoyés aux jeunes est à nouveau flagrante.

Il est maintenant urgent que l’industrie se responsabilise plutôt que de s’enrichir sur le dos des consommateurs et se taire dans toutes les langues quand ces derniers sont accablés pour leurs « dérives ». Les publicitaires et les alcooliers sont les rois pour trouver le slogan ambigu qui ne pourra pas être attaqué par leur propre code de bonne conduite (seule l’autorégulation existe en Belgique) mais qui sera malgré tout bel et bien interprété comme une incitation à boire de l’alcool.

Cette pratique consiste bien plus à se faire de l’argent sur le dos de consommateurs crédules que de participer à réduire les risques d’une consommation abusive. Il n’existe pas de vigilance et de bon sens en canette. Seules les mesures de prévention et de promotion de la santé peuvent contribuer concrètement à la réduction des risques et à la responsabilisation des consommateurs.

A nouveau, ce dérapage met en évidence toutes les limites de l’autocontrôle des pratiques commerciales en Belgique. Il est temps de réagir ! Les associations qui forment « Jeunes, Alcool & Société » demandent l’interdiction de la publicité pour l’alcool. De plus, notre pays doit se doter d’un organe public, transparent et au pouvoir réellement contraignant pour observer, contrôler et sanctionner les pratiques commerciales et publicitaires douteuses, quel que soit le produit.

Le Groupe porteur « Jeunes, alcool et société » : Univers-Santé, Infor-Drogues, Latitude Jeunes, Fédération des Etudiant(e)s Francophone, Jeunesse et Santé, la ligue des Familles, Prospective Jeunesse, R.A.P.I.D., la Fédération des centres de jeunes en milieu populaire.
www.jeunesetalcool.be

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Schumi, la métastase de Bob

Schumi, la métastase de BobEn ce début avril 2008, les abribus de Bruxelles se sont parés d’un apparent civisme «responsable». Bacardi et Schumacher nous conseillent « si vous sortez ce soir, prenez un taxi ». C’est sympa, on n’y aurait pas pensé tout seul. Après les campagnes « Bob » initiées par les producteurs de bière, voici la campagne « Schumi », initiée par un producteur d’alcool fort. Leur point commun : pas de sortie sans alcool (1), beaucoup d’alcool. Votre unique responsabilité étant tantôt de désigner un Bob, tantôt de payer un taxi.

L’affiche s’adresse à nous en anglais, c’est plus classe. D’ailleurs, on est entre gens branchés, ça se voit du premier coup d’œil. Ici pas de bière populaire, ni de slogan macho, encore moins de déhanchés lascifs, rien que du haut de gamme : alcool blanc ou cocktails délicats savourés entre gens riches et responsables. Alors pourquoi une telle affiche aux arrêts de bus au lieu des pages en papier glacés des magazines de luxe ?

« L’alcool fort c’est ce qu’on boit, nous les champions » voilà la confidence adressée au petit peuple, « et d’ailleurs plusieurs verres plutôt bien remplis… ». Le but de ce type de campagne est de fixer le véritable enjeu d’identification sur la consommation d’alcool. Prendre un taxi, n’est qu’un conseil et n’est absolument pas mis en valeur puisque l’image du taxi est totalement absente et sa référence faite dans un anglais compliqué pour le commun des mortels.

Bref, cette campagne est une preuve supplémentaire que la « responsabilité » de l’industrie reste bel et bien de vendre ses produits. Même quand elle prétend, de manière hypocrite, le contraire…

 

(1) Cela s’applique aussi à l’industrie du tabac

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Stériliser le lait, oui; les toxicomanes, non

Stériliser le lait, oui; les toxicomanes, non (28 mars 2007)

Depuis début mars, Margriet Hermans, députée au Vlaams Parlement, lance ses idées concernant la «prévention des drogues» (1). Il s’agirait d’une part d’une stérilisation, volontaire et temporaire, des toxicomanes, et d’autre part, d’un enfermement dans un centre de sevrage suivi d’un accompagnement obligatoire durant plusieurs années.

Ces propositions montrent la vision d’un certain monde politique face aux consommateurs de drogues: des délinquants voire des criminels à incarcérer, des malades mentaux à enfermer et à soigner (dans un premier temps) pour les protéger d’eux-mêmes et protéger la société. Considérés comme irresponsables, il faut les contraindre. Que certains envisagent même de le faire au mépris de l’intégrité physique de ces personnes démontre le peu de respect accordé à leur humanité. En effet, on ne peut considérer comme «volontaire» une décision prise sous contrainte judiciaire avec comme seule alternative un séjour en prison.

Aujourd’hui, malgré son coût humain et financier (2) important, l’échec de la guerre à la drogue… et aux drogués est pourtant patent. Madame Hermans le constate aussi mais, paradoxalement, propose encore davantage d’enfermement. Enfermement pour les usagers de drogues dures, placement de leurs enfants en famille d’accueil, stérilisation c’est-à-dire aussi l’enfermement dans un statut d’incapacité et d’irresponsabilité.

Aider ces personnes en détresse, ce que tout le monde affirme souhaiter, passe-t-il par l’exclusion, l’enfermement, la contrainte, le recours à des traitements de «sous-hommes»? Réalise-t-on qu’un tel durcissement des sanctions («pour les aider») aura pour conséquence première un durcissement symétrique de la capacité de la population à les insérer?

Ces mesures vont ainsi surtout les exclure encore davantage. N’est-ce pas d’ailleurs ce qui est en train de se passer sous nos yeux concernant «les jeunes»: pour réagir à des cas de violence isolés, l’État est en train de mettre en place des dispositifs de contrôle et de contrainte démesurés sans véritablement s’attaquer aux causes de ces violences.

D’ailleurs, on constate une fois de plus que le volet préventif des usages problématiques n’est pas abordé par le politique. Nos responsables n’ont-ils plus que la répression, le contrôle et l’enfermement comme solutions aux différents problèmes de la société? Actuellement, la prévention, pourtant présentée comme prioritaire (3), ne reçoit que 4% des moyens (4) dévolus à la politique des drogues en Belgique!

Soyons clair: l’enfermement, carcéral ou médical, n’a pas réglé et ne règlera pas la question de l’usage de drogues. Rappelons que les toxicomanes sont et demeurent des êtres humains à part entière disposant de l’usage de leur raison malgré leur consommation de drogues. (5) Dès lors, ne conviendrait-il pas d’éviter les a priori sur leurs difficultés et sur les problématiques qu’ils vivent?

Un peu comme dans l’expérience liégeoise de distribution contrôlée d’héroïne où l’État se fait (pour une fois) violence en ne subordonnant pas d’office son aide à l’arrêt de la consommation. Pour améliorer durablement la situation, ne conviendrait-il pas que l’autorité publique, et, reconnaissons-le, une bonne part de la population, changent le regard qu’elles portent sur les consommateurs de drogues et écoutent l’expertise des professionnels des soins et de la prévention? Peut-être faut-il commencer par créer un lieu où débattre de façon méthodique de telles questions? (6)

Comme le grand public, nos responsables politiques perçoivent ce phénomène d’assez loin. Tant les professionnels qui côtoient au jour le jour les usagers de drogues que ceux qui analysent l’évolution, l’étendue et la nature profonde des situations disposent d’un savoir utile à la prise de décision politique. Sachant qu’il faut apporter des solutions diversifiées à des situations très différentes les unes des autres.

Changer de méthode pourrait éviter à l’avenir les fausses solutions à ces vrais problèmes. Commencerait alors une nouvelle approche du phénomène. Plus respectueuse de l’être humain, plus citoyenne et, au final, faisons-en le pari, plus efficace.

Infor-Drogues – Ce texte a fait l’objet d’une Carte blanche dans ‘Le Soir’ du 28/03/2007 dans une version légèrement différente.

 

(1) Voir aussi son site http://www.margriet.be. A lire ses positions carrées en matière de prévention, vous avez sans doute une petite idée du parti auquel elle appartient? Raté! Elle est Open VLD. Mais il faudrait plutôt dire Gesloten VLD en l’occurrence…
(2) La répression coûterait chaque année plus de 98 millions et les soins, bien souvent contraints par la justice, 72 millions. In La politique des drogues en chiffres, De Ruyver, Pelc, Casselman, Service Public fédéral de Programmation Politique Scientifique, 2004.
(3) Cf. par exemple, Ne vaut-il pas mieux prévenir que guérir? Le gouvernement fédéral plaide donc pour une politique de prévention efficace, in Note politique de janvier 2001 du Gouvernement fédéral relative à la problématique de la drogue.
(4) In La politique des drogues en chiffres, De Ruyver, Pelc, Casselman, Service Public fédéral de Programmation Politique Scientifique, 2004.
(5) La question reste de découvrir le sens, l’utilité de cette consommation pour ces personnes.
(6) A ce propos, notre pays attend depuis 2001, la création de la Cellule politique «drogues» rassemblant tous les acteurs concernés annoncée dans la Note du Gouvernement.

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