Un commerçant habile lance sur le marché une poudre blanche qui a les mêmes ingrédients et les mêmes effets que les boissons stimulantes. Le succès est au rendez-vous car ce produit bénéficie d’une campagne promotionnelle hors du commun et totalement gratuite. En cause, une polémique médiatique liée au mode de consommation de cette poudre : elle s’inhale par le nez. Oui, comme la célèbre cocaïne. Dès lors, faut-il l’interdire ? La polémique créée profite bien évidemment, c’était probablement voulu, à l’industriel qui se frotte les mains : en quelques jours tout le monde connait son nouveau stimulant !
La question de fond : est-ce que ce produit va inciter à la consommation de cocaïne ? Avant de répondre à cette question, il est bon de rappeler pourquoi certaines personnes en consomment. La cocaïne est un stimulant, il permet d’augmenter la vigilance, les performances, la confiance en soi. Elle peut aussi avoir des effets sur les angoisses, etc. Ce sont ces effets qui expliquent sa grande prévalence de consommation, notamment en milieu de travail ou dans des cadres festifs. Plus largement, dans une société où la compétition et la performance sont demandées en permanence au travail, mais aussi dans nos loisirs, dans nos relations, comment s’étonner du succès de ce produit ? De plus, l’interdiction et l’omniprésence de la coke dans les récits médiatiques (films, informations, séries, documentaires…) produisent une fascination qui crée une image de produit surpuissant. Cette image va jouer un rôle d’incitateur pour de nombreuses personnes et c’est bien cette image que cherche à utiliser le fabriquant du produit légal à inhaler. À travers son image, c’est la cocaïne qui va inciter à consommer en sniff. C’est-à-dire que ce mode de consommation est en soi devenu incitateur pour certaines personnes. Les publicitaires ne s’y trompent d’ailleurs pas, eux qui vantent le sniff depuis plus de vingt ans[1].
Mais l’inverse est-il vrai ? L’existence de ce produit énergisant légal va-t-il doper l’envie de consommer de la coke ? Au fond, ne s’agit-il pas de la fameuse théorie de l’escalade de la consommation de produits ? Rappelons que cette idée n’a jamais été démontrée[2]. En effet, cela signifierait que fumer du tabac inciterait à la consommation de joints, boire une bière à celle de whisky, etc. Par contre, comme nous l’entendons partout, si c’est le geste du sniff qui est important pour le consommateur (ce geste pouvant signifier pour lui identification aux héros de séries, élévation dans la hiérarchie sociale, etc.) alors autoriser un produit de qualité, n’est-il pas une bonne mesure de santé publique ? En effet, rien ne dit que la consommation de l’un induira la consommation de l’autre. Et, en tant que telle, la pratique du sniff est-elle problématique ? Si Infor Drogues & Addictions ne peut que déplorer une nouvelle référence cynique à la cocaïne et à un geste déjà si présent dans les médias et la culture en général, cela signifie-t-il qu’il faille d’office interdire ?
Interdire un produit sans offrir une alternative condamne le public à consommer des produits illégaux, de moins bonne qualité et plus chers. Les acteurs de la prévention constateront, une fois de plus, tous les effets négatifs de ce type de politique recensés depuis plus d’un siècle[3]. Plutôt que de dépenser beaucoup d’énergie à interdire un nouveau produit, ce qui va encore augmenter, pour certains[4], l’envie d’en consommer, ne devrait-on pas tenter de répondre aux questions suivantes : pourquoi est-ce si important de stimuler ses performances ? Serait-ce possible de réduire ce besoin ? Comment ? Pourquoi est-ce si populaire d’imiter des comportements interdits ?
La question de la consommation de psychotropes (légaux et illégaux) doit s’aborder sous l’angle de l’éducation, de la prévention et de l’accompagnement. Non de la répression.
Contact pour ce dossier : Antoine Boucher 02 227 52 65 / 0493 17 96 36
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[1] Par exemple en 2000 : http://www.culturepub.fr/videos/seamply-com-sel-de-mer/. Voir aussi la dénonciation publique d’Infor-Drogues en 2002 : Incitation publique à la consommation de cocaïne.
[2] Voir, à ce propos, notre document « on commence par un joint, on finit à l’héroïne ? »
[3] Pour les arguments, voir par exemple le site de la campagne stop1921.
[4] Voir, à ce propos, notre document « Parler des drogues, ça peut donner envie ? »
Depuis les opérations policières menées autour de la gare du Midi, les consommations de drogues et la précarité sont au cœur du discours politique et médiatique. Un sujet qui n’est pas prêt de nous quitter d’ici les prochaines élections. Au delà des opérations choc, quelle est réellement l’ampleur de l’usage de drogues chez nous, comment les interpréter, et que pourraient mettre en place les autorités pour les gérer au mieux ? BX1 a invité Infor-Drogues et Eurotox pour commenter la situation. Une intervention que vous pouvez retrouver ci-dessous en vidéo.
Si les autorités semblent se réveiller face aux problèmes d’insécurité et d’insalubrité de certains endroits de la capitale, leur approche répressive et de cosmétique urbaine ne sera qu’un répit temporaire. En effet, si le grand public a l’impression que la consommation de drogues illégales a augmenté, c’est avant tout à cause de plus de précarité. Depuis les crises successives de ces dernières années, un plus grand nombre de personnes mal logées se retrouve ainsi à consommer en public, dans les abris sommaires que constituent les gares, les stations de métro et leurs environs. Ce sont les conditions de vies précaires et difficiles, et la mise en marge de la société, qui poussent les gens à consommer des drogues. Elles ne sont pas la cause des problèmes, mais une façon de mieux supporter ces situations difficiles.
Ce n’est donc pas en criminalisant davantage et en déplacent ces personnes que les problèmes seront réglés, mais en misant sur des actions contre la précarité. Un meilleur accès au logement, à l’accueil, au travail et une meilleure insertion dans la société en général, sont les seules pistes qui pourrait améliorer durablement la situation. Des actions certes moins sensationnelles, mais certainement plus efficaces sur le long terme, qu’il n’appartient qu’aux politiques de mettre en place.
A l’approche des élections de 2024, la question de la légalisation du cannabis est de nouveau sur le devant de la scène politique. Afin de voir dans quelle direction penchent les belges, un sondage[1] révèle qu’un tiers des personnes interrogées est pour la fin de la prohibition du cannabis. Près de la moitié est cependant encore contre. Le fossé se creuse encore un peu plus quand la question de la gestion de cette substance par l’Etat est posée. Bel RTL a invité Infor-Drogues pour commenter ces chiffres dans une série de questions-réponses que vous pouvez écouter ci-dessous. Un résultat qui montre avant tout les limites de ces sondages quant à l’information donnée aux répondants sur les sujets mis en débat.
Car dans une société où les consommations de drogues illégales sont encore largement stigmatisées et dramatisées, il n’est pas étonnant que la majorité des citoyens y reste opposé. De simples questions comme « Êtes-vous pour ou contre la légalisation du cannabis ? » et « Est-ce que l’État devrait en organiser la culture et la vente ? » ne laissent pas penser qu’un encadrement soit prévu. Sans plus de contexte, il est inévitable qu’un grand nombre de personnes se base sur les représentations, souvent négatives, de ce que serait un monde dans lequel le cannabis est légal : une société de jeunes apathiques, inactifs, dangereux et instables.
Heureusement, tout cela reste des idées reçues, et il est possible de les combattre. Mais pour cela, il ne faut pas simplement demander l’avis des gens, il faut aussi et surtout les informer pour qu’ils puissent émettre un avis éclairé. Le succès des référendums qui ont permis la légalisation du cannabis dans certains Etats Américains est la preuve que des citoyens informés sur les enjeux sont plus susceptibles de les adopter. Dans le projet de légalisation du cannabis qui sera prochainement adopté en Allemagne, il n’est pas juste écrit « le cannabis n’est plus interdit ». Des règles et des conditions précises encadreront les consommations. Il est évident que ça serait aussi le cas si la Belgique passait le cap.
Même si aucun plan n’est encore établi, il est donc important de communiquer au grand public que ne plus prohiber un ou plusieurs produits ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de règles à respecter. Bien au contraire. Par exemple, comme c’est le cas pour l’alcool ou le tabac, les mineurs ne pourraient pas consommer. Il faudra par contre éduquer chacun socialement au produit, et en particulier les jeunes, pour qu’ils puissent avoir toutes les clés en mains afin d’aborder au mieux une consommation, quand ils pourront choisir d’en avoir une. De la même façon, si ce n’est pas nécessairement l’État qui doit gérer la production et la vente, il doit néanmoins établir toutes ces règles à respecter.
Dans l’idéal, des structures sans but lucratif pourrait gérer la production et la distribution, afin d’éviter que le cannabis ne devienne un produit commercial comme l’est l’alcool. Une structure officielle est néanmoins importante pour éviter que la vente soit légale mais que l’approvisionnement doive quand même passer par le marché noir, comme c’est le cas aux Pays-Bas. Enfin, il est capital que chacun se rende compte que la meilleure chose à faire pour les consommateurs, ce n’est pas de renforcer l’interdit, mais d’y mettre fin. Cela permettrait de libérer les usagers du poids de la stigmatisation, des risques sociaux, sanitaires et judiciaires. Et donc de la peur de se confier et demander de l’aide en cas de problème. Une bonne légalisation ne peut passer que par l’écoute et l’empathie. Des principes dont notre société, dans son ensemble, a bien besoin.
[1] Grand baromètre : seul un tiers des Belges favorables à la légalisation du cannabis (infographies), Louis Colart, Le Soir, 02 octobre 2023
Communiqué de presse du 03 avril 2023
Subventions bruxelloises en Promotion de la Santé 2023-2026
Stupéfaction pour l’association Infor-Drogues : le subside bruxellois qui leur permet depuis plus de 25 ans de travailler dans les écoles et autres institutions sur les questions de drogues et d’addictions vient de leur être supprimé. Quel avenir pour cette association pionnière dans l’accompagnement des personnes dépendantes ?
« On n’a jamais eu autant de travail sur le terrain, jamais eu autant de demandes d’aide. Le confinement et l’isolement social ont eu d’importantes répercussions sur les consommations, qu’il s’agisse d’alcool, de cannabis, de jeux en ligne ou d’antidépresseurs. Le mal-être est réel et l’écoute de cette souffrance est clairement insuffisante. » rapporte Sarah Uijt Den Boogard, intervenante en Promotion de la Santé pour l’association. Elle en veut pour preuve l’augmentation constante du nombre d’institutions qui font appel à Infor-Drogues : 75 en 2022.
De manière générale, c’est bien l’ensemble de cette petite équipe (ils sont cinq pour répondre aux demandes de Bruxelles et de Wallonie) qui est sous le choc. Depuis qu’ils en ont eu connaissance, et malgré les arguments de l’administration, ils ne comprennent pas que le cabinet Écolo de Barbara Trachte ait pris cette décision sans jamais leur demander le moindre complément d’information.
Infor-Drogues vient de fêter ses cinquante années d’existence. En Belgique, elle est pionnière dans l’accompagnement de tous les publics sur la thématique des drogues et des dépendances, et suit de près ses tendances et évolutions. Si l’ASBL est surtout connue pour son service d’écoute téléphonique et de consultation, elle développe également une offre pour les milieux de vie où interviennent des consommations (écoles, lieux d’hébergement, centres d’accueil, IPPJ, …). Dans ce cadre, de nombreuses institutions font appel à leur expertise. C’est ce service bruxellois dont le subside s’arrête.
« Le contexte actuel est difficile pour tout le monde et d’autant plus pour les personnes fragilisées qui ont tendance à se rabattre sur des addictions, faute de mieux. Infor-Drogues nous a permis de nous renforcer dans notre posture, de consolider notre cadre de réflexion tout en remettant la personne et ses besoins au centre de notre attention et de développer des alternatives à la consommation. L’équipe compétente qui nous accompagne nous permet de prendre du recul face à des situations difficiles à gérer en tant que professionnel.l.e.s et sur des questions qui nécessitent une réelle connaissance de la question complexe des addictions. » défend Benoit Gérard, directeur d’une institution d’inclusion sociale pour personnes en situation de handicap.
Depuis, Infor-Drogues reçoit de nombreux soutiens d’institutions accompagnées ou en accompagnement, car son action est vue comme pertinente, voire indispensable au vu de sa singularité, de sa capacité à renouer un dialogue et un lien entre les professionnels et les consommateurs en proie à des difficultés.
En effet, ID propose une action centrée sur les besoins essentiels des publics, au-delà de leurs consommations. En témoigne cette directrice d’institution : « En tant que travailleurs sociaux dans un centre d’accueil pour demandeurs de protection internationale, nous sommes régulièrement confrontés à des personnes sous influence de produit et/ou des comportements difficilement compatible avec une vie en collectivité. Les intervenants d’Infor-Drogues nous ont permis de changer de paire de lunettes avec une approche centrée sur l’identification des besoins qui se cachent derrière ces comportements. Leur approche est plurielle et s’adapte, au fond, à tous les contextes où l’être humain est présent. Leur approche ouvre un autre champ que celui bien trop présent dans notre société qui est de criminaliser, cacher, rejeter, les personnes qui en ont le plus besoin. »
Pourtant, aujourd’hui, au vu de l’arrêt de la subvention de l’association à Bruxelles, de nombreuses institutions s’inquiètent quant à la poursuite (ou du démarrage) du travail avec Infor-Drogues. « Nous ne pouvons rien leur promettre à ce stade, nous sommes toujours dans l’attente d’une rencontre avec la Ministre Trachte », déclare Rocco Vitali, directeur de l’institution. Il poursuit : « Perdre un subside menace parfois tout l’équilibre d’une association comme la nôtre, tant nous sommes parfois obligés de jongler avec les subsides pour arriver à boucler le budget. Aujourd’hui, nous ne savons même pas comment nous allons payer les préavis ! »
A ce jour, l’ASBL poursuit tant bien que mal son travail d’accompagnement auprès de ses publics. Mais jusqu’à quand ? La balle est dans le camp de la ministre.
Contact pour la presse :
Infor-Drogues dépose un recours en annulation au Conseil d’État contre l’arrêté royal publié le 26 septembre dernier [1]. Alors que l’arrêté est censé clarifier et améliorer le cadre légal existant autour des substances psychotropes [2], il apporte, selon plusieurs acteurs de terrain, plus d’interrogations que de réponses, ce qui rend leur travail plus difficile.
Infor-Drogues voit ainsi sa mission d’information auprès du public se compliquer, car le texte manque de clarté. Un problème qui s’applique particulièrement au flou entourant à présent le cadre légal de la détention et de la consommation de cannabis. Son usage semble en effet ne plus être toléré depuis la publication de l’arrêté royal. Il en va de même pour la possession d’un plan de cannabis, qui faisait jusqu’alors l’objet d’une certaine souplesse [3]. Ce n’est désormais plus le cas. L’absence de consultation et le manque de précision du texte rendent délicate la transmission d’informations, au détriment des professionnels et des consommateurs. De son côté, le législateur n’a pas non plus beaucoup communiqué sur les changements mis en place. Une retenue qui peut sembler étrange…
Le recours est introduit à l’initiative de la Fedito Bxl – Drugs & Addictions Brussels. Infor-Drogues, Modus Vivendi et deux médecins se sont joints à l’association pour appuyer la démarche. En effet, plusieurs articles de ce texte posent question : des associations — telles que Modus Fiesta — qui testent les substances pour diminuer les risques liés à leur consommation ont-elles toujours le droit de le faire ? Les professionnels prescrivant des traitements de substitution aux produits stupéfiants doivent se justifier s’il s’agit de quantités excessives. La notion d’excès n’était jamais définie, comment savoir où se situe la limite, et donc l’illégalité ? Pourquoi renforcer une politique répressive alors que le législateur pourrait être conseillé par des acteurs qui travaillent pour une politique axée sur la santé ? (…). Ce manque de clarté aurait pu être évité si celui-ci avait consulté la société civile pendant l’élaboration de l’arrêté, comme nous l’expliquions dans un précédent article.
Si le recours aboutit à l’annulation de l’arrêté, il ne devra plus être pris en compte dans les décisions futures. Ses effets ne seront plus valables dans des cas précédemment jugés, comme s’il n’avait jamais existé. Toutefois, la décision ne sera pas prise dans l’immédiat, car ce genre de procédure est souvent longue. En attendant, c’est donc le flou actuel qui va continuer de régner sur la politique drogues de notre pays. Nous vous tiendrons informés de l’évolution de la situation dans les prochains mois.
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[1] Arrêté royal du 26 septembre 2017 règlementant les substances stupéfiantes, psychotropes et soporifiques. Le Moniteur belge, 2017.
[2] Amélioration du cadre législatif pour les stupéfiants et substances psychotropes. Agence fédérale des médicaments et des produits de santé, 2017.
[3] Communiqué de presse – La société civile européenne condamne la Belgique pour sa politique drogues. Fedito BXL, 2017.