Depuis l’annonce du décès d’un jeune homme suite à une insuffisance respiratoire il y a quelques jours, les médias en font leurs gros titres : « La cigarette électronique a tué Raphaël, âgé de 18 ans »[1], « Un premier décès attribué à l’e-cigarette en Belgique »[2], « La cigarette électronique a fait un premier mort en Belgique »[3], « Raphaël, 18 ans, est le premier vapoteur mort en Belgique »[4],… Si derrière les premières lignes se cache parfois plus de nuance, le titre suffit à faire des dégâts auprès du grand public, de plus en plus méfiant vis-à-vis de cette alternative pourtant toujours très pertinente face à la cigarette traditionnelle.
Il y a quelques semaines, Raphaël Pauwaert, un jeune homme de 18 ans, est placé dans un coma artificiel suite à des problèmes pulmonaires qui l’ont conduit à l’hôpital. Il n’en sortira malheureusement jamais. Après plusieurs séries de tests effectués dans le but de découvrir l’origine de sa maladie, son équipe de médecin n’a pu confirmer aucune maladie habituellement responsable de ses symptômes. Alors, bien que de leurs propres aveux « Il n’existe aucune certitude sur le lien de cause à effet »[5], ils pointent du doigt la cigarette électronique. Le jeune homme en aurait en effet fait usage, à une seule occasion, pendant une soirée avec des proches. Le CBD est également mis en cause, puisque c’est un e-liquide contenant un composant non psychoactif du cannabis qui se trouvait dans la vapoteuse.
De manière générale, ni la cigarette électronique ni les liquides qui y sont associés ne sont officiellement dangereux pour la santé. En Belgique et en Europe, les produits vendus en magasins sont même très sérieusement contrôlés, aussi bien ceux contenant de la nicotine que ceux qui proposent du CBD. Le cas de Raphaël rappelle néanmoins ceux des 39 morts et plus de 2000 malades récemment recensés aux Etats-Unis, eux aussi attribués à la cigarette électronique. Et dans ce cadre, les autorités sanitaires américaines auraient enfin trouvé un responsable après des mois de recherches : l’acétate de vitamine E[6].
Ce produit, inoffensif quand il est ingéré en gélules ou appliqué sur la peau, semble en effet devenir nocif une fois qu’il est inhalé ou chauffé. Un additif qui n’a pratiquement aucune chance de se retrouver dans un e-liquide respectant les réglementations en vigueur chez nous. Mais avec le marché noir, les importations de pays étrangers, la composition douteuse de certains produits vendus sur internet, les « fabrications maisons », les possibilités de contaminations croisées lors de la production des liquides, etc., nombreuses sont les hypothèses sur la manière dont cette forme de vitamine E pourrait se retrouver dans certains produits chez nous.
Dans le cas de Raphaël, rien n’est encore sûr quant à ce qui a provoqué la réaction ayant mené à son décès. Des analyses plus poussées sont encore en cours. Cela n’a pourtant pas empêché le monde politique, en plus des médias, de monter au créneau, réclamant toujours plus de restrictions. Les liquides aromatisés seront d’ailleurs prochainement interdits à la vente. Une solution qui nous semble aussi inefficace que dangereuse. Les autres formes de prohibition le montrent : ce n’est pas parce qu’un produit est illégal qu’il est inaccessible.
En limitant le nombre d’alternatives disponibles (supprimer les gouts, interdire les liquides au CBD, …) le risque est d’autant plus important que les vapoteurs se tournent vers internet, le marché noir et les produits de moins bonne qualité pour trouver ce que leur plait. A l’heure actuelle, la cigarette électronique est la méthode de substitution la plus efficace pour arrêter de fumer[7], plusieurs dizaines de milliers de personnes sont concernées. En Belgique, en 2015, 40 personnes mourraient à cause du tabac chaque jour[8]. S’il semble plus que jamais important de contrôler la qualité des e-liquides, une approche qui en compliquerait l’accès pourrait avoir des conséquences tout aussi désastreuses.
[1] RTBF.be, 14 novembre 2019.
[2] LeSoir.be, idem.
[3] NouvelObs.com, idem.
[4] NordEclair.be, idem.
[5] Un homme de 18 ans décède d’une pneumonie, les médecins pointent l’e-cigarette du doigt / Le Soir, novembre 2019.
[6] Vapotage de THC : L’acétate de vitamine E, « coupable » probable de la crise sanitaire aux Etats-Unis / 20minutes, novembre 2019.
[7] La cigarette électronique confirme son efficacité pour arrêter de fumer / Cécile Thibert, Le Figaro, mai 2019.
[8] La mortalité due au tabac en quelques chiffres / Tabacstop, novembre 2015.
Début mars, Infor-Drogues s’était félicité de la légalisation de l’e-cigarette, attendue depuis longtemps. Mais, comme le souligne l’Association Indépendante des Utilisateurs de Cigarette Électronique (AIDUCE), l’arrêté royal était truffé de mesures discriminatoires envers les fabricants et vendeurs de cigarettes électroniques et, de ce fait, favorables au tabac.
Par exemple, l’interdiction de vente sur internet, l’assimilation à un médicament ce qui allonge considérablement les délais avant commercialisation et paiement d’une somme de 4000 € par le fabricant. Mesures inexistantes pour le tabac, pourtant beaucoup plus dangereux pour la santé comme l’atteste, par exemple, un rapport du Collège des médecins britanniques.
Sur base de tels arguments, le Conseil d’Etat vient de suspendre l’arrêté royal de Maggie De Block, Ministre de la Santé publique. Infor-Drogues ne peut qu’espérer que Madame la Ministre le modifiera afin de favoriser, pour des raisons de santé, le passage des consommateurs de tabac vers la cigarette électronique.
La Ministre de la Santé Maggie De Block vient enfin d’autoriser la cigarette électronique en Belgique. Nous disons « enfin » car cet appareil n’était pas encore réglementé malgré un usage largement répandu. Les appareils et produits inhalés ne pouvaient donc pas faire l’objet d’un contrôle de qualité.
La nicotine est aussi autorisée dans les e-cigarettes. Jusqu’à présent, l’inhalation de ce produit était interdite. Or, ce n’est pas la nicotine qui est dangereuse pour la santé, mais les goudrons qui, lorsqu’ils sont brûlés, sont responsables des cancers du poumon. En termes de santé publique, les autorités ont donc tout à gagner à favoriser le passage de la consommation de tabac vers la cigarette électronique. Cette dernière n’est pas cancérigène parce qu’elle ne brûle pas et ne contient pas de goudron.
Plusieurs mesures vont vers davantage de cohérence face au tabac :
Malheureusement, nous devons également déplorer une mesure moins favorable : l’interdiction de ‘vapoter’ dans les lieux publics fermés et au travail. Pourquoi une telle restriction dès lors que la fumée [1] de l’e-cigarette n’est pas nocive ? De plus, le fonctionnement même du dispositif électronique délivre beaucoup moins de nicotine à la fois qu’une cigarette fumée. C’est la raison pour laquelle le vapoteur ‘tire’ plus longtemps. La quantité de nicotine inhalée en quelques minutes par un fumeur ne sera obtenue par un utilisateur de cigarette électronique qu’en une demi-heure [2]. Ainsi, au travail ces derniers devraient disposer d’une pause d’une demi-heure pour être à « égalité » avec les fumeurs. Ce que, vraisemblablement, peu d’employeurs leur accorderont. Dès lors, la substitution de la consommation de tabac sera beaucoup plus difficile.
[1] Il ne s’agit d’ailleurs à proprement parler pas de « fumée » mais de vapeur.
[2] A ce propos, voir l’intervention du docteur Jacques Le Houezec, tabacologue.