Archive mensuelle 27 juin 2022

Drogues et légendes urbaines : l’Histoire continue sur La Première

Drogues et légendes urbaines : l'Histoire continue sur La Première

Ce n’est pas très bien, mais c’est bien connu : les humains adorent inventer des histoires et répandre des rumeurs ! À la fin des années 80, une légende urbaine se propage, selon laquelle des tatouages décalcomanies contenant du LSD mortel pour les enfants circuleraient dans les écoles. Dans cette histoire, absolument tout est faux. À l’époque, Infor-Drogues avait connu une vague de demandes et de questions par rapport à un phénomène qui n’a jamais eu lieu. Invité dans l’émission L’Histoire continue sur La Première, notre chargé de communication Antoine Boucher revient sur cette angoisse autour des drogues, alors que l’actualité est dominée par des déclarations d’attaques à l’aiguille. Inquiétude légitime, symptôme de conservatisme patriarcal ou légende urbaine ? C’est la question sur laquelle se penche cet épisode de l’Histoire continue, à écouter ci-dessous.

 

ParInfor Drogues & Addictions

Interventions policières « anti-drogues » dans les écoles : HALTE AU MARKETING SCOLAIRE !

Fouilles policières dans les écoles

« Mais pourquoi les écoles font-elles appel à la police en matière de drogues ? » C’est la question qu’Infor-drogues a demandé d’étudier à son stagiaire en sociologie de l’ULB Etienne Hanssens. Après avoir rencontré une bonne dizaine de directions d’établissements scolaires de tous types, il vient d’en livrer le résultat.

Tout d’abord, il est important de souligner qu’il s’agit là d’une vraie question. En effet, plusieurs études et/ou articles scientifiques ont des conclusions perplexes voire critiques quant à la pertinence des effets des interventions policières dans les écoles, que ces interventions soient du type « fouilles musclées avec chiens » ou du type « sensibilisation aux effets / rappel de la norme »[1].

En clair, selon ces études, ces interventions ne sont pas efficaces pour prévenir la délinquance et les autres comportements problématiques mais, de plus, elles comportent de nombreux effets négatifs comme la stigmatisation d’élèves déjà précaires. Autre effet mis en exergue : les interventions « éducatives », en se centrant sur la peur de la sanction et du casier judiciaire, empêchent paradoxalement que l’école s’empare de ces questions et mette en place une approche réellement éducative.

Alors que toutes les écoles reconnaissent la présence d’élèves consommateurs de cannabis, cela ne semblent paradoxalement pas trop les inquiéter car « c’est un phénomène de société » pour lequel l’école ne se sent d’aucune responsabilité. Bien sûr, « si la situation devient problématique, alors là oui on intervient ». Une question qui se pose d’emblée est d’identifier vers quels acteurs se tourner pour orienter les élèves consommateurs.

Par rapport aux interventions policières, le premier critère discriminant semble être le niveau socio-économique des élèves. Dans les écoles « pauvres », faire appel à la police semble inenvisageable car totalement contre-productif car cela amènerait une perte d’autorité et du lien de confiance. En effet, si éduquer c’est apprendre à vivre ensemble, il faut travailler le rapport aux autres, l’insertion dans les groupes et à l’école. Cela demande la construction d’un lien de confiance solide entre l’élève et l’école. Le respect des règles ne viendra que dans un second temps quand l’insertion aura eu lieu. Pour ces écoles, la consommation est le signe de quelque chose qui doit être travaillé en interne « il va pas bien, on va voir ce qui se passe. […] Ce n’est pas la police qui va régler le problème ». Ces écoles préfèrent agit en prévention par l’attention portée aux élèves.

Par contre, les écoles ayant un indice socio-économiques plus favorables sont davantage tentées par le recours à la police notamment en cas de flagrant délit. L’école se base en général sur des indices peu spécifiques comme les yeux rouges ou une attitude « nonchalante », parfois se sont des propos d’élèves entendus dans le rang… Néanmoins, un éventuel recours aux forces de l’ordre n’est presque jamais la première réponse de l’école. Si le dialogue avec l’élève est privilégié, il s’agit en fait souvent d’un rappel à l’ordre devant déboucher sur la contrition du fautif. Si le fait est jugé suffisamment grave, l’école applique alors une sanction d’exclusion dans le but de « lui faire prendre conscience de la gravité de ses actes ». Majoritairement, les écoles souhaitent que ce type de problème soit réglé en interne.   Ce qui effraye les responsables des écoles, c’est « la tache d’huile[2] », l’effet sur les autres élèves… et sur la réputation de l’école.

Au final, ce qui ressort des interviews c’est l’impression que les interventions policières sont demandées pour des questions essentiellement d’image. Image et réputation de l’école tout d’abord : en améliorant ou maintenant une image « safe » ou « tolérance zéro » vis-à-vis de la consommation. D’autre part, la police cherche également à améliorer son image à travers des opérations plus « soft » comme des rencontres d’élèves centrées sur la prévention des drogues. Certaines directions sont sensibles à ces arguments car elles considèrent tant l’école que la police comme des garants de l’autorité collective : « en miniature, c’est ce qu’on fait dans les écoles ».

Cette influence sur l’image de l’école semble l’explication majoritaire pour comprendre la persistance des interventions policières malgré les effets négatifs de ces dernières relevés par les articles scientifiques mais aussi par de nombreux acteurs scolaires. Pour Infor-Drogues, comme pour les autres intervenants regroupés au sein de la « Concertation Réflexion Ecole Police »[3], il est temps de cadrer davantage de telles interventions, voire de les interdire totalement. Halte au marketing scolaire sur le dos des élèves !

 

[1] Blais, E. (2008). L’effet des programmes policiers sur la délinquance en milieu scolaire : une synthèse systématique des études évaluatives. Revue Internationale de Criminologie et de Police Technique et Scientifique. 61. 321-344.

Merini, Corinne & Peretti, C.. (2002). Partenariat externe et prévention en matière de substances psychoactives : dans quelle position l’école met-elle ses partenaires ? Santé Publique, 14.

Wuilleumier, A. (2016). Chapitre 10. La police à l’école. Quelle réalité, pour quel pouvoir d’agir ? Dans :  É. Debarbieux, L’école face à la violence: Décrire, expliquer, agir (pp. 154-169). Paris: Armand Colin.

Ajoutons à ces références la brochure « Les fouilles policières ‘’anti-drogues’’ dans les écoles : il est urgent… d’arrêter », Infor-Drogues et La Ligue des Droits Humains, 2014. Cette publication décrit les effets contre-productifs de ces opérations et en interroge également l’aspect légal.

[2] Infor-Drogues n’a trouvé aucune étude validant cette théorie faisant du premier consommateur une sorte d’incitant automatique à d’autres consommateurs.

[3] Le groupe Concertation Réflexion Ecoles-Police Bruxelles est composé du Centre Bruxellois de Promotion de la Santé, du Délégué général aux droits de l’enfant, d’Infor-Drogues, de Prospective Jeunesse,  de la Liaison Antiprohibitioniste, de la Ligue des droits de l’Homme, du le Service Droit des Jeunes, de Bruxelles Laïque et du Fonds des Affections Respiratoires.

 

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