Un « lien » entre cannabis et échec scolaire ?
Une récente étude scientifique publiée par la revue The Lancet Psychiatry (abondamment relayée par la presse, notamment ici et là) a établi un lien « clair et consistant » entre l’usage quotidien de cannabis avant 17 ans et l’échec scolaire. L’étude, portant sur des populations de jeunes en Australie et en Nouvelle-Zélande, affirme donc que la lutte contre l’usage précoce du cannabis offre « d’importants bénéfices au niveau sanitaire et social » pour cette population. Par ailleurs, selon l’un des auteurs de l’étude « ces résultats arrivent à point nommé car plusieurs Etats américains et pays d’Amérique latine se sont engagés sur la voie de la dépénalisation du cannabis, ce qui pourrait rendre l’accès à cette drogue plus facile pour les jeunes » (voir à cet égard l’article sur l’Uruguay qui démonte cet argument).
Ainsi, si l’étude du Lancet démontre l’existence d’une corrélation entre cannabis et échec scolaire et malgré les propos de l’auteur de l’étude, rien ne permet de conclure à l’existence d’une causalité entre les deux variables. Tant qu’on y est, des études ont montré une corrélation entre quotient intellectuel
élevé et consommation de drogue ou, mieux encore, entre les dépenses publiques américaines en recherche scientifique et les suicides par pendaison. La corrélation la plus typique entre deux variables existe quand elles sont liées par une causalité commune (par exemple, la perte des cheveux serait corrélée à celle des dents mais toutes deux dépendraient d’une causalité autre : l’âge).
Dès lors, le politique serait mieux inspiré de rechercher la ou les causalité(s) à l’origine tant de la consommation de cannabis que de l’échec scolaire d’une partie des jeunes (il faut aussi tenir compte du fait que les jeunes Australiens ne réagissent peut-être pas de la même façon que les jeunes Belges ou Européens). Ne serait-il pas plus volontiers question de raisons identitaires ou de précarisation des familles ? On n’en saura rien : de telles éventualités n’intéressent visiblement pas les auteurs.
Comme Infor-Drogues a déjà eu l’occasion de le dire à propos des études « cannabis et psychose » ou « cannabis et cancer », ce genre d’analyses ne permet pas de comprendre quoi que ce soit aux motivations qui peuvent pousser un jeune à consommer du cannabis. Dès lors, le phénomène reste irrationnel, inquiétant et le politique est sommé de poursuivre les mesures coercitives actuelles. Ce sont pourtant ces mesures, comme l’explique le récent rapport de la commission mondiale sur les drogues ou le rapport des plusieurs universitaires belges quant au cannabis, qui augmentent l’exclusion et la précarité.