Serait-ce dû aux prochaines élections communales ? Toujours est-il que ces deux dernières semaines ont vu nos hommes (et femmes) politiques faire assaut de propositions sur le sujet. Par exemple, interdire la consommation d’alcool sur la voie publique après 22 heures ; mettre à l’amende toute ivresse passé le cap de 10 heures du soir ; interdire la vente d’alcool après 22 heures ; réprimer davantage l’ivresse en en faisant une incivilité punissable par les communes.
La cause de la surconsommation d’alcool dans de nombreux discours politiques est claire: il s’agit de l’impunité. En effet malgré les interdits (de l’ivresse, des incivilités, de la vente d’alcool aux mineurs), les ivrognes – jeunes ou adultes – bénéficieraient de l’impunité. Si on parvenait à les punir, ils arrêteraient de (sur)consommer.
Cette politique, sans réflexion plus large, est selon nous malheureusement vouée à l’échec.
Tout d’abord, parce qu’elle laisse penser que la sanction réduirait (ou supprimerait ?) la consommation d’alcool visant l’ivresse. Les Etats-Unis ont cru cela, ils ont été jusqu’à interdire l’alcool (comme une drogue). Cela n’a pas empêché les surconsommations et cela a créé encore plus de problèmes de santé publique et une criminalité galopante. En Belgique aussi, le discours politique actuel explique l’échec de l’interdit par le manque d’interdit et/ou de sanction ! A ce train-là, on risque donc très vite de se retrouver avec des sanctions de plus en plus lourdes et/ou de plus en plus fréquentes.
Notre seconde objection à cette politique entièrement axée sur la sanction est fondamentale : une fois de plus, le politique ne s’intéresse pas aux motivations, aux raisons qu’ont les citoyens de boire de façon excessive. Si l’effet d’une consommation modérée est une désinhibition qui, par exemple, peut aider à créer du lien relationnel, l’effet d’une consommation immodérée est l’ivresse c’est à dire la perte de contrôle de soi. La question à se poser est collective : pourquoi ce besoin existe-t-il ? Qu’est-ce qui crée ce besoin d’ivresse, de perte de contrôle ?
Concernant l’alcool, une récente étude publiée dans le British Medical Journal (BMJ) montre qu’un des facteur déterminant une consommation excessive est la vue de consommation d’alcool via les médias. Les adolescents exposés à des films « alcoolisés » boivent plus d’alcool. De cela découle que :
– l’excès de boisson n’a pas que des causes individuelles ;
– nous sommes inconscients de notre manipulation par des médias cyniques.
Par conséquent, si nos hommes et femmes politiques veulent réellement limiter les consommations excessives d’alcool, ils doivent d’abord interdire le placement de produits alcoolisés dans les films et, a fortiori, la publicité pour l’alcool. Il s’agit d’une mesure à prendre sans tarder, nous le répétons depuis longtemps. Toutefois, l’interdiction de la publicité alcool ne règlera évidemment pas tout les problèmes, il faut également s’atteler à la délicate question des motivations via une politique de prévention et de promotion de la santé ambitieuse et généraliste. Ce n’est qu’en accompagnement à ces politiques-là que les sanctions (vers les vendeurs qui ne respectent pas la loi, autant que vers les personnes en état d’ivresse) pourront trouver une efficacité.