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Foot et bière, potes inséparables ! Vraiment ?

foot football bière publicitéRegarder un match de foot sans bière, vous n’y pensez pas ? L’Euro 2024 nous le rappelle encore. La RTBF aussi avec son émission « Wunder’Bar » (« merveilleux », en allemand), qui débriefe, avant et après les matches, le tournoi autour d’un bar, et qui a reçu quelques critiques[1]. Certes, on ne trouve aucune référence explicite à des produits alcoolisés dans ce bar : les étiquettes des bouteilles sont floutées et on n’y sert que de l’eau et des questions sur le foot. Il n’empêche, en sous-texte et quelle que soit son intention initiale, on ne peut que constater que la RTBF relaie encore un peu plus cette coutume déjà si bien ancrée qu’un match de football se regarde dans un bar, si pas au moins une chope à la main.

Pas très malin, sûrement, mais peu surprenant dans un pays où le championnat national porte le nom d’une célèbre bière depuis des années. L’équipe nationale a elle-même pour sponsor cette même marque houblonnée et va jusqu’à inciter, sur ses réseaux sociaux, à collectionner toutes les cannettes portant l’effigie de nos chers Diables rouges[2].

Mais l’histoire d’amour entre bière et football ne se limite certainement pas à la Belgique. La Ligue des Champions et le championnat anglais, les deux compétitions les plus suivies en Europe, sont également sponsorisées par des brasseurs, comme l’ont été ou le sont encore certains des clubs les plus populaires au monde. Le Qatar s’était d’ailleurs attiré les foudres de nombreux supporters en prenant la décision d’interdire la bière (à l’exception de la bière sans alcool) dans ses stades lors d’une Coupe du Monde 2022 par ailleurs déjà tant décriée pour des raisons humaines et écologiques.

Il y a pourtant quelque chose d’assez contradictoire dans l’association de la consommation d’alcool avec la pratique d’un sport. Alors, pourquoi bière = foot et foot = bière ?

1. Un sport et une boisson populaire, mais aussi un marché à prendre

La bière est un des alcools les moins coûteux à la production et à l’achat. En Belgique, on peut même trouver certaines pils à moins de 1€ le litre. Elle est une boisson facile à produire, bon marché, et qu’on trouve partout. C’est pareil pour le football. Un ballon, quatre cailloux ou vêtements pour délimiter les deux buts, et c’est parti. Le football est un sport autant accessible, et donc populaire, que l’est la bière en tant qu’alcool. Être LA boisson emblématique du sport le plus populaire au monde, c’est aussi un immense marché à saisir pour les industriels. Un match de foot, c’est un évènement qui rassemble des millions de téléspectateurs devant leur écran et quelques dizaines de milliers dans le stade. Quoi de plus normal que d’investir autant dans le sponsoring. Pourrait-on même parler d’un intérêt partagé entre brasseurs et acteurs du monde footballistique ?

2. Les hommes, la bière et le foot

publicité bière foot football hommes virilitépublicité bière foot football barbecue virilitéOn a déjà entendu, après un duel viril entre deux joueurs, un supporter clamer que « ça va, le football, c’est un sport d’hommes », ou dans sa version plus grossière, « c’est pas un sport de gonzesses ». Et comme les stéréotypes ont souvent la peau dure et que les publicitaires adorent les renforcer, on a aussi entendu un brasseur nous affirmer que « les hommes/supporters savent pourquoi ». Jouer au football ou le regarder à la TV, ça s’accompagne d’une bière avant, pendant et/ou après le match. Les deux sont depuis toujours associés à la virilité. Les représentations sociales vont presque systématiquement dans ce sens et les publicitaires le martèlent depuis des années.

3. Le football, c’est la fête, et la fête sans bière, c’est moins fun

Au-delà de simplement supporter son équipe favorite et d’espérer célébrer sa victoire, regarder un match de football, c’est très souvent un moment convivial. En tant qu’évènement festif, il s’accompagne généralement de l’alcool, notre désinhibiteur social préféré. On crie de joie quand notre équipe inscrit un but, de rage quand l’arbitre l’annule pour un hors-jeu pas si évident à nos yeux de fervents supporters, et pour se sentir plus à l’aise pour exprimer toutes ces émotions en public, rien de mieux que de se désinhiber avec un peu de bière.

4. Une fierté nationale

Il y a enfin quelque chose d’identitaire dans la consommation de bière et le football, dont la Belgique est un parfait exemple. On pourrait le résumer par : « je supporte mon pays ; l’équipe nationale belge, c’est la meilleure du monde ; la bière belge, c’est la meilleure du monde ! » Les publicitaires ont parfaitement compris ce chemin de pensée et, en s’associant directement avec l’Union belge, ils continuent de faire de cet amalgame une croyance partagée par beaucoup[3]. Dans une Belgique à l’identité nationale souvent questionnée, quoi de plus fédérateur qu’une équipe nationale installée dans les hauteurs du classement des meilleures nations au monde ? Quoi de plus valorisant qu’une culture de la bière réputée à l’internationale ? Donc, quoi de plus logique que d’associer les deux ?

5. Quelles pistes pour la suite ?

L’association bière et football paraît tellement normée qu’il semble difficile de s’en détacher dans un futur proche. Réguler la publicité pour l’alcool afin qu’elle cesse de nourrir cette idée que le foot doit obligatoirement se regarder une chope à la main serait sans doute une bonne première étape. Comme le serait le fait d’éviter de lier les deux pratiques dans les médias et autres discours sociaux.

Néanmoins, si détricoter le fil qui lie foot et bière ne semble pas être une mince affaire, l’identifier et le comprendre permet déjà d’offrir des pistes à celui qui voudrait questionner son rapport à la chose. Comme Infor Drogues & Addictions le rappelle régulièrement, les consommations de produits et les addictions répondent à des besoins. Ces besoins peuvent être :

  • Sociaux : je veux faire partie du groupe, je consomme de l’alcool pour me désinhiber devant un match avec des amis.
  • Identitaires : je m’identifie à mon équipe, « nous avons marqué », je suis supporter de mon pays, je consomme la bière de mon pays.

Plutôt que d’adopter une approche répressive ou moralisatrice, il est utile d’essayer de comprendre à quels besoins répond la consommation. Pourquoi se retrouve-t-on toujours avec une bière en main devant un match des Belges ? Posons-nous la question. Car ce n’est pas tant le fait de s’en boire en regardant le foot qui est questionnable, ni même le fait le prendre du plaisir en buvant une blonde ou en soutenant son équipe, c’est ce lien artificiellement construit et si profond entre les deux. Tout ça dans un intérêt de pousser encore davantage à la (sur)consommation alors que 14 % des Belges boit déjà de l’alcool en excès[4]. Est-ce que cette relation fusionnelle bière/foot va aider les gens à mieux gérer leur consommation ?

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[1] https://www.lesoir.be/596181/article/2024-06-19/euro-2024-il-nest-pas-normal-que-la-rtbf-fasse-ce-choix-de-decor-de-bar

[2] « Gotta collect ‘em all » sur Facebook et Instagram : https://www.instagram.com/p/C8B7kRDoaXI/?img_index=4

[3] Nous abordions déjà le sujet en 2018 : La Belgique ? C’est de la bière (infordrogues.be)

[4] Selon l’enquête santé 2018 de Sciensano, citée ici par Le Soir : https://www.lesoir.be/598084/article/2024-06-28/ventes-dalcool-de-nouvelles-restrictions-des-le-1er-juillet

ParInfor Drogues & Addictions

Euro 2024 : explosion annoncée des paris sportifs

Euro football 2024 paris sportifs jeux d'argent addictionL’attente de tous les fans de football est enfin arrivée à son terme ! Le coup d’envoi de l’Euro 2024 est donné ce vendredi 14 juin en Allemagne, et sur les chaînes télévisées de tout le continent. Pendant un mois, le ballon rond se retrouve au centre de nombre de préoccupations et, avec lui, une pratique grandissante et intimement liée au monde du sport : les jeux d’argent, avec les paris sportifs en tête de gondole.

Le Conseil Supérieur de la Santé rappelle à l’occasion que « lors de la dernière Coupe du monde de football en 2022, le nombre de joueurs sur les sites de jeux d’argent en ligne a doublé par rapport à ce qu’il était avant l’évènement. »[1] Pas étonnant que ces différents sites continuent à investir autant dans les clubs et compétitions footballistiques.

Mais au fond, pourquoi joue-t-on ?

Si la pratique peut créer des soucis financiers, relationnels, professionnels, etc., et si certaines personnes vont même jusqu’à s’exclure volontairement des sites et salles de jeux d’argent[2], pourquoi reste-t-elle si nécessaire pour de nombreux individus ? À quel(s), besoin(s) essentiel(s) répond-t-elle ? Elle peut être un moyen de sociabiliser (vu sa grande popularité notamment dans les plus jeunes groupes), de se sentir valorisé (on a très vite le sentiment de « gagner », voire même d’avoir le contrôle), d’avoir une meilleure estime de soi, etc.

Or, tous ces besoins-là sont super importants ! Infor Drogues & Addictions rappelle qu’une dépendance peut exister sans consommation de produit, comme c’est le cas des jeux d’argent. On est dépendant quand on n’a qu’une seule façon de satisfaire un besoin essentiel dans un contexte donné.

Dès lors, la question qu’il convient de poser est la suivante : comment aider les joueurs et joueuses à répondre à ces besoins autrement que par les paris sportifs ou autres jeux de hasard ? Ou, pour l’écrire différemment, comment les aider à retrouver du contrôle ?

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[1] https://www.hgr-css.be/fr/avis/9790/publicite-pour-jeux-de-hasard

[2] Depuis le lancement de ce système en 2004, déjà 50.000 exclusions volontaires ont été enregistrées : https://www.gamingcommission.be/fr/protection-des-joueurs/demande-volontaire

ParInfor Drogues & Addictions

[TV Infor-Drogues] Entretien avec Gabrielle Vandepoortaele sur le bodybuilding

Entretien bodybuilding Gabrielle VandepoortaeleBodybuildeuses, dopage et patriarcat : l’émancipation des femmes des classes populaires à travers la performance physique.

Dans notre société moderne occidentale, les corps sont scrutés, analysés et policés sans arrêt. Pas étonnant dès lors que certains poussent cette logique le plus loin possible, en s’imposant pendant des mois et des années une discipline sportive et alimentaire extrême afin d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés. Dans cette discipline masculine au possible, certaines femmes cumulent travail, charge du foyer et des dizaines d’heures de sport chaque semaine, faisant inconsciemment un pas vers l’émancipation des rôles de genres. Une chose pousse ces femmes à soumettre leur vie à cette exigence physique extrême : le besoin d’être vues, reconnues et valorisées.

Nous recevons Gabrielle Vandepoortaele, anthropologue sur les questions de genre et de dopage, et membre du laboratoire d’anthropologie prospective de l’UCL, pour explorer les mécanismes par lesquels le bodybuilding et le dopage qui peut en découler contribuent à la libération des femmes des classes populaires qui le pratiquent.

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ParInfor Drogues & Addictions

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