La crise du Covid-19 a provoqué un énorme changement dans notre société, entrainant pour chacun des restrictions de libertés qui commencent seulement à être levées aujourd’hui. Relativement épargnés sur le plan de la santé physique, les jeunes ont par contre subi de plein fouet les règles d’isolement et de distanciation sociale, avec des conséquences désastreuses sur leurs besoins sociaux et identitaires, et donc sur leur santé mentale. Mais si la crise sanitaire a plus que jamais révélé le poids des restrictions sur la vie quotidienne, c’est toute une catégorie de public fragilisé, dont fait partie la jeunesse, qui subit depuis plusieurs années le glissement de notre société vers plus d’interdit et de sécuritaire, entrainant exclusion, peur et injustices.
Pour parler des nombreux liens entre jeunesse, droit et consommation de drogues légales ou illégales, nous recevons Christelle Trifaux, directrice du Service Droit des Jeunes de Bruxelles, un service d’information et d’accompagnement socio-juridique pour le jeune public.
Après plus d’une année de Covid-19, de confinements et de restrictions sociales, les effets secondaires de la pandémie sont désormais clairement visibles. Pour comprendre ce que cela implique, les acteurs de terrain suivent depuis de nombreux mois les changements dans les comportements liés aux consommations de drogues légales ou illégales, aux troubles alimentaires et aux problèmes de santé mentale.
Pour en parler, l’émission Pour Info de LN24 invite sur son plateau notre chargé de communication et formateur, Antoine Boucher, ainsi que Martin de Duve, Sophie Maes et Salvatore Campanella.
Extraits choisis :
Découvrez cette édition de l’émission Pour Info dans son intégralité sur le site d’LN24 en suivant ce lien.
Tout au long de cette année de crise et de mesures sanitaires, un grand nombre de personnes a adopté de nouveaux comportements afin de s’adapter à ce mode de vie inédit. Pour certaines, cela s’est traduit par un changement dans leur état de santé mentale, un isolement accru ou une modification dans leur consommation de drogues légales ou illégales. Particulièrement sollicités, les services d’accueil et d’aide aux personnes ont dû s’adapter pour continuer à répondre aux besoins de leurs publics.
Nous recevons Nadine Page, responsable de l’Unité de consultation du Centre Médical Enaden, spécialisé dans l’aide psycho-médico-sociale qui entoure les usages de drogues. Un entretien au cours duquel nous partageons nos constats après un an d’inactivité et de solitude, les nouvelles situations qui en ont découlé et des solutions mises en place pour tenter de limiter l’impact de ces nouvelles difficultés pour un public généralement déjà fragilisé.
Le 15 mars dernier nous entrions dans une ère inédite, celle du confinement. La privation soudaine des liens sociaux que sont la famille, les amis, le travail et les loisirs allait-elle modifier les habitudes de consommations de drogues légales et illégales ? Et si oui, de quelle manière ? Les premières observations disponibles concernant l’influence de ces changements sur les usages permettent d’émettre plusieurs constats.
Alors qu’une hausse massive de la consommation d’alcool était attendue[1], les premiers résultats d’une étude menée par l’UCLouvain sont plus mesurés. Parmi les répondants, seule une personne sur quatre déclare boire plus d’alcool qu’avant le confinement (25%)[2]. Ils sont légèrement plus nombreux (29%) à avoir diminué leur consommation, et 46% disent n’avoir rien changé à leurs habitudes. Mais l’observation la plus frappante selon les responsables de l’enquête, c’est que ce qui influence plus fortement le fait de consommer c’est le contexte. Pour nous à Infor-Drogues, c’est loin d’être une surprise.
En effet, ce qui est pour nous déterminant, c’est le lien entre contexte de vie et motivations à consommer. Les motivations sont créées par ce contexte. Les nouvelles circonstances avec lesquelles nous vivons depuis le début du confinement en sont l’illustration parfaite. Les choses ont changé à une vitesse folle. Quasiment du jour au lendemain, toutes nos habitudes se sont vues bouleversées. Ces modifications et leur impact sont donc pour une fois clairement observables et mettent plus que jamais en avant l’influence directe du contexte sur la consommation des personnes.
Ainsi, toujours selon l’étude de l’UCLouvain, les motivations mises en lien avec une augmentation de la consommation sont principalement dues à des sentiments comme le stress et l’anxiété, qui peuvent être liés à la peur de la maladie ou l’incertitude professionnelle, mais aussi la perte de liens sociaux. Un isolement dont nous constatons nous aussi les effets puisqu’il est devenu un des sujets les plus évoqués dans nos écoutes téléphoniques. Plus qu’aborder la consommation elle-même, le dialogue permet alors de rompre la solitude et retrouver une certaine forme de lien social.
Mais ce changement de contexte dans les relations et les activités peut aussi avoir pour effet une diminution de la consommation. C’est par exemple vrai pour les étudiants qui, n’ayant plus la possibilité de faire la fête comme avant, se retrouvent à boire moins d’alcool que d’habitude[3]. Un constat qui est fait pour tous les usages qui s’effectuaient dans un contexte social ou festif, c’est-à-dire motivé par le contact avec d’autres personnes, qu’il s’agisse de famille, d’amis ou d’autres rassemblements plus larges. En l’absence de motivations à consommer pour être bien ensemble, l’usage diminue. Une logique qui s’applique à plusieurs substances, aussi bien légales qu’illégales puisque, toujours selon l’enquête de l’UCLouvain, la consommation de cigarettes, de cocaïne et de cannabis est également en diminution.
Outre la diminution des liens sociaux, cette période d’isolation a aussi un lourd impact sur les finances de nombreuses personnes. Un effet que nous percevons particulièrement chez les personnes qui nous contactent pour parler d’assuétude. Alors que certains de nos bénéficiaires présentent déjà un profil socialement et économiquement vulnérable, ils doivent désormais faire face à la diminution ou la disparition de leurs revenus ou revenus de substitutions, la perte de leurs droits sociaux, la difficulté d’accès à certains services d’accompagnement social ou de soins, au surendettement, et à bien d’autres difficultés apportées par la crise sanitaire actuelle. Un grand changement dans leur contexte financier de vie qui influence inévitablement leur motivation à consommer.
Notre service d’écoute téléphonique constate également une augmentation dans le nombre de contacts en lien avec le sevrage. Si nous insistons fortement sur le caractère unique de chaque appel et situation, nous pouvons néanmoins distinguer deux types de diminution ou d’arrêt. D’une part, le sevrage volontaire, qui peut même avoir été décidé avant la situation qu’on connait aujourd’hui. Cette dernière est alors parfois perçue comme une bonne occasion de mettre son usage en pause.
D’autre part, le sevrage involontaire, dont on peut observer plusieurs origines comme un accès moins facile aux produits ou l’augmentation des prix. D’un autre côté, les restrictions d’accès aux structures d’aides ou aux produits de substitution constituent une véritable difficulté. Une situation d’autant plus compliquée en ce moment, comme l’explique l’association Eurotox dans son guide de réductions des risques liés à la consommation et au Covid-19.
Que votre consommation ou celle d’un proche ait changé ou non dans cette période inédite que nous vivons, Infor-Drogues reste plus que jamais à votre écoute. N’hésitez donc pas à nous contacter pour toutes vos questions par téléphone au 02 227 52 52 du lundi au mercredi de 9h à 21h, le jeudi de 13h à 21h, le vendredi de 9 à 17h et le samedi de 10h à 14h, ou via notre e-permanence.
[1] Coronavirus en Belgique : le confinement risque de pousser à la consommation d’alcool / Thomas de Brouckère, Le Soir, mars 2020.
[2] Consommation d’alcool stable, voire en baisse / UCLouvain, avril 2020.
[3] Le confinement n’a pas fait de nous des alcooliques / A.F., C.D., Le Soir, avril 2020.