Illustration par un projet de prévention dans une école

Vous trouverez dans cette partie une description d’un projet de prévention réalisé dans le cadre d’un centre scolaire. Il est exemplatif de nos pratiques et de notre vision de la prévention par des personnes relais, car l’équipe d’Infor-Drogues y a occupé la fonction de ressource structurante pour l’accompagnement des enseignants lors de certaines phases du projet.

Depuis plusieurs années, les élèves du Centre scolaire Pierre Paulus de Saint-Gilles (Bruxelles) – soutenus par leurs éducateurs, enseignants, médiatrice – réfléchissent et s’expriment sur la thématique « Dépendance – Autonomie » à travers des projets artistiques.

Dans un monde où la dépendance aux drogues nous est présentée comme le summum de l’aliénation, les élèves interrogent la recherche constante du dépassement des limites prônées par notre style de vie. L’autonomie, quant à elle, s’offre à eux comme un idéal à atteindre. Au fil des ans, l’objectif du projet a été de susciter la rencontre autour des questions: Qu’est-ce qui nous rend dépendant? Qu’est-ce qui favorise notre autonomie?

En matière de prévention des dépendances, cette démarche est originale. Tout au long de ces réalisations, c’est la parole et les préoccupations des élèves qui sont au cœur du processus. Cela suppose une reconnaissance rare de leurs savoirs et créativité. Dans un second temps, les événements invitant un large public de spectateurs (élèves, personnel de l’école, parents, médias, etc.) sont l’occasion d’un dialogue.

Infor-Drogues soutient cette manière de faire de la prévention. En se mettant à l’écoute des aspirations et des difficultés des jeunes, en suscitant leur réflexion autour des multiples formes de dépendances, en s’appuyant sur leurs intérêts, en les reconnaissant comme interlocuteurs, ils abordent et approfondissent ces éléments-clés qui font la dépendance et l’autonomie, pour forger leurs propres valeurs et repères. Ils font aussi l’expérience d’autres formes d’expression que celles des conduites à risque.

Les projets

 

Les projets

Ci-après, une présentation de 3 projets qui ont vu le jour entre 2001 et 2003, résultant d’un partenariat entre une école et le service prévention d’Infor-Drogues. Pour découvrir chaque projet en détail, cliquer sur les onglets ci-dessous, à gauche.

Première année : exposition et défilé de modeDeuxième année : réalisation d’une fresque muraleTroisième année : théâtre et danse

1re année : exposition et défilé de mode

Les jeunes de l’école concernés par la Thématique : Dépendances – Autonomies et l’ensemble de la Communauté éducative ont décidé d’organiser un événement festif, mobilisateur d’une réflexion.

Leur objectif était de faire réfléchir les autres élèves (y compris d’autres écoles) et les adultes aux différents mécanismes susceptibles d’engendrer de la dépendance (argent, idéologies, amour, alimentation, drogues, bande, mode, télé, sport, travail, discours, internet, etc.). Ainsi, ils ont initié une réflexion en groupe sur les facteurs personnels et contextuels facilitant l’autonomie vis-à -vis de ce qui nous rend dépendant.

Les élèves ont pu travailler avec leurs professeurs les techniques suivantes:

  • théâtre
  • création d’un journal
  • graffitis
  • concours vidéo (montage vidéo Centre Vidéo Bruxelles)
  • élaboration de scénarios
  • photos
  • sketchs
  • etc.

Chaque groupe d’élèves, accompagné d’un-e enseignant-e, a développé le thème « autonomies – dépendances » selon un abord particulier. Ainsi, un cours technique d’électricité a élaboré un circuit où les points lumineux et les interrupteurs sont mis en situation d’interdépendance. Un cours de néerlandais a servi de cadre à une recherche d’images dans des revues néerlandophones pour illustrer les multiples dépendances des cultures entre elles.

Ces deux exemples nous montrent que chaque cours peut servir de cadre à une réflexion sur ces thèmes. Au-delà de la thématique c’est l’ensemble des relations collectives qui évolue. Les élèves trouvent du sens aux cours, dialoguent entre eux, interpellent l’enseignant avec intensité.

Ainsi les travaux exposés ne sont qu’une partie de l’ensemble du résultat de ce projet de prévention.

Les travaux des élèves ont été présentés aux parents lors de la journée « événement ».

Une vidéo d’une vingtaine de minutes présentant spécifiquement ce projet de prévention, donnant la parole aux acteurs (professeurs, élèves, visiteurs, …) a été réalisée par Infor-Drogues. Elle est disponible à notre centre de documentation.

2e année : réalisation d’une fresque murale

C’est dans la continuité de la réflexion autour des thèmes traités qu’a émergé le désir de réaliser une œuvre permanente (moins éphémère qu’une exposition temporaire), laissant des traces communes pour alimenter la réflexion de tous. Sept classes et plus de trente élèves se sont mobilisés autour de cette réalisation.

Chaque groupe d’élèves volontaires a saisi ses rouleaux et ses bombes de peinture pour se lancer dans l’aventure, encadré par plusieurs enseignants et un artiste de la mouvance hip-hop, « JIHEF » (J. François Robert). Chaque projet d’illustration a fait l’objet d’une discussion entre les élèves et entre les élèves et les professeurs. La cohérence de l’ensemble a été, elle aussi, soigneusement prise en compte. Ainsi le résultat final aborde-t-il un large panel de préoccupations et de réalités partagées par les différents groupes.

La fresque, d’une superficie de 100m2, décore maintenant le mur du préau de l’école. Ce qui n’était jusqu’ici qu’un triste espace peu agréable et donc inutilisé sert dorénavant d’espace polyvalent (spectacle-rencontre-débat d’idées) au bénéfice du plus grand nombre.

3e année : théâtre et danse

Autonomie dépend « danse »

« Avec la fresque, nous avons fait parler un mur, avec le projet de danses urbaines, il s’agit d’écarter des murs ou de les traverser ».

Les prolongements ou les autres facettes de l’atelier danse furent:

  • Débats inter classes autour de la thématique choisie
  • Mise en scène – scénographie
  • Textes qui peuvent accompagner les danses
  • Costumes – décors (art plastique – artisanat – couture)
  • Décor sonore
  • Reportage vidéo et photo
  • Réalisation d’un décor métallique par la section métal-soudure
  • Historique de l’art de la culture urbaine et plus spécifiquement Hip Hop.

Les élèves de l’atelier théâtre ont adapté eux-mêmes le texte de la représentation. Le thème est celui des différences liées aux parcours de vie et à l’éducation que l’on a reçue de ses parents et, au-delà, de ses grands-parents. Le texte évoque l’affranchissement progressif des enfants vis-à-vis du monde des adultes.

Spectacle de théâtre et danse urbaines pour « Dire nos dépendances, mais aussi représenter ce qui nous libère », créé avec l’aide d’artistes français et belges.

Les acteurs

 

Les acteurs

Ci-après nous vous proposons des témoignages des différents acteurs du projet « autonomies – dépendances » : exposition et défilé de mode. La démarche générale des projets réalisés les deuxièmes et troisièmes années est la même. Simplement, le projet de la première année a fait l’objet d’un petit documentaire vidéo. De ce fait, Infor-Drogues dispose de témoignages plus nombreux.

Ont participé à ce projet:

  • Les professeurs volontaires du centre scolaire Pierre Paulus,
  • Certaines classes dans lesquelles le projet a pris une ampleur différente, de quelques heures à plusieurs semaines.

Les élèves et les professeurs de l’école mais aussi des visiteurs de cette exposition venant d’autres écoles témoignent dans un documentaire réalisé par Infor-Drogues. Nous en avons retiré quelques témoignages parlants:

En quoi cela peut-il aider le jeune au niveau d’une réflexion par rapport aux dépendances? En quoi cette manière de faire est plus intéressante qu’une information de façon magistrale aux élèves?

Claudine Hulstaer, professeur de géographie et de sciences à Pierre Paulus : « Une information c’est toujours passif, l’élève reçoit. Or il reçoit depuis l’école maternelle, voire avant. Il ne fait pas, il n’agit pas. Tandis qu’ici ce sont vraiment les élèves qui ont agi, qui ont eu les idées, qui ont choisi leur dépendance et la façon d’être le plus parlant pour les autres. Ils ont cerné toute une série de dépendances qu’ils ont montré de façon extraordinaire, de façon très différente. Comme ça vient de jeunes c’est aussi beaucoup plus proche des autres jeunes. »

Pourquoi une exposition?
Claudine Hulstaert
: « Les élèves ont pu faire des panneaux à partir d’images à partir de mots aussi, les élèves qui ont créé le défilé ont fait bouger leur corps et habillé leur corps ce qui dans un cadre scolaire n’arrive jamais, excepté en section couture. Mais il n’y a plus de section couture, mais ça leur est venu à l’esprit de faire de la couture, des chapeaux ensemble, alors que dans un cadre scolaire on est généralement individualiste et on a peu de temps et l’occasion de travailler ensemble, donc l’intérêt d’un tel projet c’est que ça favorise les contacts prof-élève, prof-prof, et prof-milieu extérieur aussi et ça, pour elles, est quelque chose de très important, sortir l’école de son cadre, de sa classe! «

Infor-Drogues abonde dans ce sens: « La dimension collective du projet s’est affirmée progressivement. Au départ, chacun faisait quelque chose dans son coin et puis grâce aux élèves cela a pris des proportions plus importantes, exposition, défilé et finalement une vidéo créée. Cette dimension collective, de confrontation et d’apports réciproques entre les travaux des élèves est importante car elle montre bien la multiplicité des réalités et des vécus des jeunes. Ainsi chacun apprend doublement: d’une part en formalisant sa propre expérience et d’autre part en la confrontant à celle des autres ».

Christiane Dehouck, professeur de mathématiques et sciences, coordinatrice du projet : « C’est quelque chose de très subtil, ce n’est pas tellement le résultat final qui permet de révéler ce qui s’est passé mais plutôt en cours de travaux toute une série de petites choses qui sont venues à la surface, des prises de conscience qui sont venues à la surface. En tant que coordinatrice de projet, j’avais envie de rappeler aux enseignants que ça ne passait pas inaperçu et donc j’ai pris une série de notes tout au long de la préparation du projet. »

« Une anecdote assez comique c’est qu’à un moment donné dans une des classes qui a participé au défilé, tout au début c’était de lancer des mots concernant les autonomies et les dépendances et dans les mots concernant les autonomies il y avait le mot préservatif et quand on a pensé à réaliser le défilé une élève s’est portée volontaire, elle avait fait les démarches dans un planning et ramené plein de préservatifs et quelques jours avant le défilé, une fille enceinte a décidé de faire un chapeau, tout le monde s’y est mis, il y a avait une petite pompe mais non, ils ont gonflé les préservatifs à la bouche ce qui est une façon d’approcher l’objet, d’en parler, de le toucher de le manipuler de manière simple, à travers la réalisation de ce chapeau. »

Ca va changer quelque chose dans l’absolu?
« Ce qui est bon dans le travail avec les élèves c’est que quand on arrive à établir une relation surtout par rapport à des jeunes en difficulté, quand on sent que ce lien commence à s’établir qu’il y a des petites choses qui se passent, on ne peut pas dire si ça aura des conséquences ou pas, ça il faudra peut-être attendre 10 ans pour qu’ils réalisent qu’il y a eu ce jour là quelque chose de différent qui a eu lieu et qui a mis en marche quelque chose de différent et ça c’est bon quand on sent qu’il y a une relation qui s’est établie et qu’il y a un potentiel de possibilités plus large qui s’ouvre. »

Les élèves qui ont participé à ce projet témoignent d’un certain plaisir retrouvé dans le cadre scolaire: » Il y avait beaucoup d’enthousiasme, de solidarité, tout le monde s’est aidé, on s’est prouvé qu’on était capable de le faire, on est fier de nous! »

L’exposition fut visitée par des groupes scolaires venant d’autres écoles, Madame Botton de l’Institut de l’Enfant Jésus: « Nous étions allés chez Infor-Drogues et l’exposition a permis d’appréhender la problématique sous un angle totalement différent. Mes élèves ont vu des réalisations d’autres écoles et peuvent s’en inspirer pour d’autres projets. »

Cela a permis aux élèves qui ont visité cette exposition de se rendre compte de différents objets de dépendance comme la dépendance au gsm, au chocolat, à la nourriture… ce dont ils n’avaient pas conscience auparavant.

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