Cinq associations en recours contre la loi

La loi relative à la détention de cannabis : grave insécurité juridique pour les consommateurs et violation du principe fondamental d’égalité devant la loi.

Les Fédérations bruxelloise et wallonne des institutions pour toxicomanes (FEDITO), Infor-Drogues, la Ligue des droits de l’Homme et Prospective Jeunesse ont introduit le 28 novembre dernier un recours en annulation auprès de la Cour d’arbitrage contre l’article 16 de la loi du 3 mai 2003 modifiant la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques.

Cette disposition précise qu’en « cas de constatation de détention, par un majeur, d’une quantité de cannabis à des fins d’usage personnel, qui n’est pas accompagné de nuisances publiques ou d’usage problématique, il ne sera procédé qu’à un enregistrement policier ». Elle définit ensuite « l’usage problématique » et « les nuisances publiques ».

Les parties au recours demandent principalement l’annulation de la phrase « qui n’est pas accompagné de nuisances publiques ou d’usage problématique » et de la définition de ces deux expressions.

Elles considèrent que cette disposition viole les principes fondamentaux de légalité en matière pénale et d’égalité devant la loi qui sont consacrés par la Constitution, la Convention européenne des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Grave insécurité juridique et atteinte au principe de la légalité en matière pénale.

La disposition attaquée porte atteinte au principe de légalité en matière pénale, qui prescrit que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun(e) de savoir, au moment où il/elle adopte un comportement, si celui-ci est ou non punissable.

Ce n’est manifestement pas le cas de la loi du 3 mai 2003, qui ne permet pas à un détenteur de cannabis de déterminer s’il sera ou non poursuivi, compte tenu du fait que les critères de poursuite de cette loi, à savoir les nuisances publiques ou l’usage problématique, soit ne correspondent pas à d’autres définitions légales existantes, soit instaurent des critères subjectifs de poursuite.

En effet, « l’usage problématique » est défini comme l’usage « qui s’accompagne d’un degré de dépendance qui ne permet plus à l’utilisateur de contrôler son usage, et qui s’exprime par des symptômes psychiques ou physiques. » Or, un arrêté royal du 16 mai 2003 précise que la constatation d’un usage problématique se fait au moyen de tests standardisés. Il existe donc une incohérence entre la définition de la loi du 3 mai 2003 et celle de l’arrêté royal.

La définition des « nuisances publiques » pose aussi problème dans la mesure où elle est vague et imprécise.

La loi attaquée crée ainsi une grave insécurité juridique à l’encontre des détenteurs de cannabis, qui se trouvent dans l’impossibilité de déterminer les circonstances objectives, claires et précises donnant lieu à des poursuites judiciaires.

Une double discrimination

La loi attaquée crée une première discrimination entre les détenteurs de cannabis dont la détention s’accompagne de nuisances publiques ou d’un usage problématique et les autres. En effet, un procès-verbal sera dressé aux premiers, alors qu’on procédera à un enregistrement policier pour les seconds.

La loi attaquée crée une deuxième discrimination entre les détenteurs de cannabis dont la détention s’accompagne de nuisances publiques et ceux dont la détention s’accompagne d’un usage problématique car les seconds pourront être sanctionnés plus sévèrement que les premiers.

Dans les deux cas, cette différence de traitement n’est pas justifiée car les critères de différenciation sont imprécis ou subjectifs.

Cette double discrimination viole le droit fondamental d’égalité de tous devant la loi, qui est inscrit dans notre Constitution.


Plus d’informations

FEDITO Bruxelles : Antoine Boucher 02/227.52.65
Ligue des droits de l’Homme : Guillaume de Walque, conseiller juridique, 02-209.62.87


Recours en annulation

A Messieurs les Présidents et Messieurs les Juges de la Cour d’arbitrage

Place Royale, 7

1000 BRUXELLES
ONT L’HONNEUR DE VOUS EXPOSER RESPECTUEUSEMENT :

1) L’association sans but lucratif “ FEDERATION BRUXELLOISE FRANCOPHONE DES INSTITUTIONS POUR TOXICOMANES ”, en abrégé “ FEDITO Bruxelloise ”, dont le siège social est établi Rue du Président, 55 à 1050 Ixelles,

2) L’association sans but lucratif “ FEDERATION WALLONNE DES INSTITUTIONS POUR TOXICOMANES ”, en abrégé “ FEDITO Wallone ”, dont le siège social est établi Rue Saint-Denis, 4 à 4000 Liège,

3) L’association sans but lucratif “ INFOR-DROGUES ”, dont le siège social est établi Rue du Marteau, 19 à 1000 Bruxelles,

4) L’association sans but lucratif “ LIGUE DES DROITS DE L’HOMME ”, dont le siège social est établi Chaussée d’Alsemberg, 303 à Bruxelles,

5) L’association sans but lucratif “ PROSPECTIVE JEUNESSE ”, dont le siège social est établi Rue Mercelis, 27 à 1050 Bruxelles,

Ayant toutes pour conseils Maîtres Sandra Berbuto et Marc Nève, avocats, dont le cabinet est établi rue de Joie, 56, à 4000 LIEGE.

I. OBJET DU RECOURS

Le présent recours vise l’annulation partielle de l’article 16 de la loi du 3 mai 2003 modifiant la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques, publiée au Moniteur Belge du 2 juin 2003. Plus précisément, les requérants sollicitent dans l’article 11 de la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques, tel qu’inséré par l’article 16 de la loi du 3 mai 2003, l’annulation, dans le §1er, des termes “ d’une quantité ” et des termes “ qui n’est pas accompagné de nuisances publiques ou d’usage problématique ” ainsi que l’annulation du §2 et du §3.

II. EN DROIT

1) Quant à la recevabilité

La première requérante fait valoir qu’elle justifie d’un intérêt au présent recours en annulation en ce qu’elle a pour objet “ de faire connaître et reconnaître la nécessité de l’existence de structures de préventions, d’aide et de soins spécifiques pour toxicomanes et pour les personnes concernées par les assuétudes au sens large du terme ” et qu’à ce titre, elle se doit “ d’être un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics et des médias dont l’élaboration d’une politique de santé et de recherche scientifique dans le champ de la toxicomanie au sens large du terme ”. Ces mêmes statuts précisent aussi que l’association “ est mandatée à cet effet par ses institutions membres ”.

Ainsi, la première requérante considère qu’elle est dûment mandatée pour être l’un des interlocuteurs des pouvoirs publics dans l’élaboration d’une politique de santé en matière de toxicomanie. Toutefois, malgré les intentions du gouvernement de mettre l’accent sur la santé publique, la loi du 03 mai 2003 attaquée par le présent recours a été mise au point en l’absence de toute concertation avec la première requérante.

La première requérante considère qu’un lien suffisant existe entre son objet social rappelé ci-avant et la disposition législative visée par le présent recours qui se rapporte plus particulièrement à “ la détention, par un majeur, d’une quantité de cannabis à des fins d’usage personnel ”, accompagnée ou non “ de nuisances publiques ” et/ou “ d’usage problématique ” (article 16 visé au moyen).

La deuxième requérante fait valoir qu’elle justifie d’un intérêt au présent recours en annulation en ce qu’elle a le même objet social que la première requérante. La deuxième requérante fait donc siennes les observations de la première requérante sur la recevabilité de son intervention.

La troisième requérante fait valoir quant à elle, qu’elle justifie d’un intérêt au présent recours en annulation en ce qu’elle a pour objet “ d’ouvrir des centres d’accueil ayant pour tâches :

a) d’accueillir des jeunes en quête d’information,
b) d’aider les jeunes en difficultés,
c) d’organiser, si nécessaire des consultations de divers types ”.

Elle considère que la loi du 3 mai 2003 attaquée, et plus particulièrement son article 16 visé au moyen, la met dans une situation inextricable tant il est vrai que cette disposition législative nouvelle contient des approximations et des complications. En effet, il n’est pas douteux que confrontée à la mise en œuvre de ce texte nouveau la troisième requérante ne peut en aucun cas garantir la fiabilité des informations fournies à l’adresse des jeunes qui l’interrogent à ce sujet. Les cas de figure envisagés sont aujourd’hui trop nombreux puisque déterminés par un trop grand nombre de paramètres (l’article 16 visé au moyen fait état notamment “ d’usages problématiques ”, de “ nuisances publiques ”, de “ voisinage immédiat ”, de “ lieux fréquentés par les mineurs d’âge à des fins…(sociales) ”), sujets eux-mêmes à un trop grand nombre d’interprétation.

Par ailleurs, la troisième requérante fait valoir que son objet social vise aussi “ (la) promo(tion) (de) l’adaptation de la législation ” en matière de toxicomanie.

Il en découle qu’un lien suffisant existe entre son objet social et la disposition législative visée au moyen, soit l’article 16 de la loi du 3 mai 2003.

La quatrième requérante fait valoir qu’elle justifie d’un intérêt au présent recours en annulation en ce qu’elle a pour objet “ de combattre l’injustice et toute atteinte arbitraire aux droits d’un individu ou d’une collectivité ”. Cette même disposition précise aussi que la quatrième requérante défend dans ce cadre “ les principes d’égalité, de liberté et d’humanisme sur lesquels se fondent les sociétés démocratiques ” et qui ont été consacrées par plusieurs déclarations et conventions internationales, ainsi que par la Constitution belge. En outre, la quatrième requérante fait également référence à cet égard à Vos arrêts numéros 5/1995, 56/2002 et 69/2003 ayant dit recevables d’autres recours introduits par elle.

L’article 16 visé au moyen établit les critères à prendre en considération dans le cadre de poursuites visant “ (la) détention, par un majeur, d’une quantité de cannabis à des fins d’usager personnel ”, accompagnées ou non “ de nuisances publiques ” et/ou “ d’usage problématique ”.

Comme déjà rappelé ci-avant par les trois autres requérantes, les critères en cause sont de nature à engendrer une grave insécurité juridique à l’encontre des détenteurs de cannabis, qui se trouvent dans l’impossibilité de déterminer les circonstances objectives, claires et précises donnant lieu à des poursuites judiciaires.

La quatrième requérante justifie en conséquence d’un intérêt à agir dans la mesure où l’égalité devant la loi, la sécurité juridique et le caractère non arbitraire des poursuites judiciaires constituent des garanties fondamentales d’un Etat de droit. L’objet social de la quatrième requérante est réellement et directement mis en cause dès lors que la disposition attaquée viole les principes fondamentaux d’égalité devant la loi, de sécurité et du caractère non arbitraire des poursuites judiciaires qu’elle a pour objectif de défendre en vertu de ses statuts. La quatrième requérante perdrait son honneur, sa réputation et sa crédibilité auprès du public si elle ne demandait pas l’annulation de la disposition attaquée.

Enfin, la cinquième requérante fait valoir qu’elle justifie d’un intérêt au présent recours au regard de ses statuts qui disposent , quant à son objet social, que par référence à “ l’information et la sensibilisation d’un large public aux réalités des jeunes ”, l’association “ se préoccupe spécialement des problèmes liés aux assuétudes ”, premier objectif du législateur lors de la mise au point de la loi du 3 mai 2003.

La cinquième requérante considère que les notions “ d’usage problématique ” et de “ nuisances publiques ” sont tellement floues qu’elles tendent à une appréciation subjective et empêchent d’informer correctement le citoyen. Ces confusions ne peuvent qu’amener le public à confondre agents de l’ordre et agents de prévention et de soins. En conséquence, il ne pourra plus accorder à ces derniers la confiance nécessaire. La qualité du travail des intervenants en matière psycho-médico-sociale est dès lors menacée car elle ne peut s’envisager, tant sur le plan curatif que sur le plan préventif, que dans une relation de confiance réciproque.

Il en découle qu’un lien suffisant existe entre son objet social et la disposition législative visée au moyen, soit l’article 16 de la loi du 3 mai 2003.

2) Sur le fond

Premier moyen

Les requérantes prennent un premier moyen, composé de quatre branches, de la violation des articles 12, alinéa 2 et 14 de la Constitution, de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

– Première branche :

En ce que la disposition attaquée vise la “ constatation de détention, par un majeur, d’une quantité de cannabis à des fins d’usage personnel ” sans que cette “ quantité de cannabis ” ne soit déterminée davantage, si ce n’est par voie d’une directive ministérielle du 16 mai 2003 relative à la politique des poursuites en matière de détention et de vente au détail de drogues illicites, qui dispose notamment qu’ “ à défaut d’indices de vente ou de trafic, la détention d’une quantité de cannabis ne dépassant pas le seuil de 3 (trois) grammes doit être considérée comme relevant de l’usage personnel ”, directive publiée au Moniteur Belge du 2 juin 2003 et qui, comme telle, doit être considérée comme un texte susceptible de pouvoir être modifié à tout moment dès lors que cette directive s’analyse comme un texte qui n’énonce aucune règle de droit et ne constitue qu’un simple commentaire législatif ; qu’à cet égard, il importe de souligner que cette directive, bien qu’elle se veuille une ligne de conduite pour les magistrats du parquet, n’a pas été signée par le collège des procureurs généraux ;

Alors que le principe de légalité en matière pénale, garanti par les dispositions visées au moyen, procède de l’idée que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, si celui-ci est ou non punissable ;

– Seconde branche :

En ce que la disposition attaquée vise la “ constatation de détention, par un majeur, d’une quantité de cannabis à des fins d’usage personnel, qui n’est pas accompagnée de nuisances publiques ”, et précise notamment, que l’ “ on entend par nuisances publiques ”, “ la détention de cannabis commise dans une institution pénitentiaire, dans un établissement scolaire ou dans les locaux d’un service social, ainsi que dans leur voisinage immédiat ou dans d’autres lieux fréquentés par des mineurs d’âge à des fins scolaires, sportives ou sociales ” ; qu’il n’est toutefois pas de lieu public ou privé, en ce compris bien entendu son “ voisinage immédiat ”, qui ne soit susceptible de ne pas pouvoir être “ fréquenté ” par un ou “ des mineurs d’âge à des fins (…) sociales ” ;

Alors que le principe de légalité en matière pénale, garanti par les dispositions visées au moyen, procède de l’idée que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, si celui-ci est ou non punissable.

– Troisième branche :

En ce que la disposition attaquée vise la “ constatation de détention, par un majeur, d’une quantité de cannabis à des fins d’usage personnel, qui n’est pas accompagnée de nuisances publiques ”, et précise notamment, que l’ “ on entend par nuisances publiques ”, “ les nuisances publiques visées à l’article 135, §2, 7°, de la nouvelle loi communale ” et que c’est “ (c)onformément à l’article 3.5 de la Convention de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes ” qu’ “ est considérée comme une nuisance publique la détention de cannabis commise dans une institution pénitentiaire, dans un établissement scolaire ou dans les locaux d’un service social, ainsi que dans leur voisinage immédiat ou dans d’autres lieux fréquentés par des mineurs d’âge à des fins scolaires, sportives ou sociales ” ; que l’article 135, §2, de la nouvelle loi communale dispose que “ les communes ont pour mission de faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publique dans les rues, lieux et édifices publics ” et que “ plus particulièrement, et dans la mesure où la matière n’est pas exclue de la compétence des communes, les objets de police confiés à la vigilance et à l’autorité des communes sont : (…) 7° la prise des mesures nécessaires, y compris les ordonnances de police, afin de combattre toute forme de dérangement public ” ; qu’il n’est dès lors pas de comportement qui ne soit susceptible de ne pas relever de la notion de “ nuisances publiques ” ;

Alors que le principe de légalité en matière pénale, garanti par les dispositions visées au moyen, procède de l’idée que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, si celui-ci est ou non punissable.

– Quatrième branche :

En ce que la disposition attaquée vise la “ constatation de détention, par un majeur, d’une quantité de cannabis à des fins d’usage personnel, qui n’est pas accompagnée (…) d’usage problématique ”, soit “ un usage qui s’accompagne d’un degré de dépendance qui ne permet plus à l’utilisateur de contrôler son usage, et qui s’exprime par des symptômes psychiques ou physiques ”, auquel cas, “ il ne sera procédé qu’à un enregistrement policier ”, que la constatation d’un usage problématique, suivant le prescrit de l’article 26bis nouveau, 5° de l’arrêté royal du 16 mai 2003 , se fera “ au moyen de la batterie de tests standardisés visés à l’article 61bis, §2, 1°, de la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée le 16 mars 1968 ” ; que les “ tests standardisés ” précités ne sont cependant pas pertinents, en tout cas lorsqu’une consommation de drogue est détectée dans d’autres hypothèses que celles visées par la loi relative à la police routière ; qu’il en découle que la définition proposée par l’arrêté royal ne se concilie pas avec la nouvelle définition légale ;

Alors que le principe de légalité en matière pénale, garanti par les dispositions visées au moyen, procède de l’idée que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, si celui-ci est ou non punissable.

Second moyen

Les requérantes prennent un second moyen tiré de la violation des articles 22 et 23, alinéa 3, 5°, de la Constitution, de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

En ce que la disposition attaquée dispose qu’“ en cas de constatation de détention, par un majeur, d’une quantité de cannabis à des fins d’usage personnel ”, “ il ne sera procédé qu’à un enregistrement policier ”, si cette détention “ n’est pas accompagnée de nuisances publiques ou d’usage problématique ” ; qu’ainsi, le droit à la consommation de cannabis à des fins d’usage personnel relève de la sphère privée ; que restreindre cet usage par une limite relative à la quantité de cannabis, quantité non précisée par la loi, et par l’exclusion de situations dont les contours sont aussi flous et imprécis que celles de “ nuisances publiques ” et “ d’usage problématique ” revient à nier le droit à la vie privée ainsi qu’à l’épanouissement culturel et social des justiciables ;

Alors que le droit à la vie privée et à l’épanouissement culturel et social, garanti par les dispositions visées au moyen, ne peut être enfreint que dans les cas et conditions fixées par la loi et lorsque l’ingérence est nécessaire, dans une société démocratique, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

Troisième moyen

Les requérantes prennent un troisième moyen tiré de la violation de l’article 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution ;

En ce que la disposition attaquée méconnaît, comme exposé au premier moyen, le principe de légalité, et partant le principe de la prévisibilité sur base duquel une aide juridique peut être effectivement dispensée ; que l’absence de lisibilité de la disposition attaquée prive en effet les justiciables du droit d’être informés des conséquences juridiques des actes posés dès lors qu’il s’agit “ de détention, par un majeur, d’une quantité de cannabis à des fins d’usage personnel ” ;

Que les requérantes sont ainsi dans l’impossibilité d’informer les justiciables concernés avec précision et certitude ;

Que, partant, ceux-ci sont privés du droit à l’aide juridique ;

Alors que le droit à l’aide juridique, garanti par la disposition visée au moyen, procède de l’idée que les justiciables ont notamment le droit d’obtenir une information ou un premier avis juridique sur une situation donnée.

Quatrième moyen

Les requérantes prennent un quatrième moyen, composé de deux branches, tiré de la violation des articles 10, 11, 12, alinéa 2 et 14 de la Constitution, de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

– Première branche :

En ce que la disposition attaquée crée une discrimination entre deux justiciables majeurs, détenteurs “ d’une quantité de cannabis à des fins d’usage personnel ”, la détention de l’un étant “ accompagné(e) de nuisances publiques ”, celle de l’autre, “ d’usage problématique ”;

Qu’au regard de l’article 2ter de la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques et des substances pouvant servir à la fabrication illicite des substances stupéfiantes et psychotropes tel qu’inséré par l’article 2 de la loi du 4 avril 2003 modifiant la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes et antiseptiques, et l’article 137 du Code d’instruction criminelle ainsi que l’article 28, § 2, de l’Arrêté Royal du 16 mai 2003 qui détaille les peines sanctionnant les deux situations en cause, et aussi imprécis et incertains qu’en soient les contours, comme exposé au premier moyen, il en ressort que celui dont la détention s’“ accompagn(e) de nuisances publiques ” peut être sanctionné plus sévèrement que celui dont la détention s’“ accompagn(e) (…) d’usage problématique ”, sans que cette différence de traitement ne soit justifiée ou proportionnelle à l’éventuel objectif poursuivi ;

Alors que les dispositions visées au moyen garantissent l’égalité des justiciables devant la loi et la jouissance de leurs droits et libertés sans discrimination.

– Deuxième branche :

En ce que la disposition attaquée crée une discrimination entre deux justiciables majeurs, détenteurs “ d’une quantité de cannabis à des fins d’usage personnel ”, la détention de l’un, au contraire de l’autre, étant “ accompagné(e) de nuisances publiques ou d’usage problématique ” ;

Que seul le justiciable dont la détention de cannabis s’accompagne “ de nuisances publiques ou d’usage problématique ” se verra dresser un procès-verbal en lieu et place d’un simple “ enregistrement policier ”, sans que cette différence de traitement ne soit justifiée ou proportionnelle à l’éventuel objectif poursuivi ;

Alors que les dispositions visées au moyen garantissent l’égalité des justiciables devant la loi et la jouissance de leurs droits et libertés sans discrimination.

A CES CAUSES,

Les requérantes Vous prient,

Messieurs les Présidents, Messieurs les Juges,

De dire la présente requête recevable et fondée ;

Ce fait,

D’annuler partiellement l’article 16 de la loi du 3 mai 2003 modifiant la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques, publiée au Moniteur Belge du 2 juin 2003.

Pour les requérantes,

Un de leurs conseils

Sandra Berbuto

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