Cannabis : marche arrière toute !
Si l’on en croit la déclaration gouvernementale, il semble que la « tolérance zéro » vis-à-vis du cannabis redevienne prochainement le leitmotiv politique. Si cela se vérifie, cela signifierait un retour à des politiques abandonnées depuis la fin des années ’90. Cette politique de « tolérance zéro » a été abandonnée car elle était tout simplement inapplicable. Les délits en cette matière étaient si nombreux que les policiers et ensuite les parquets, déjà débordés, ont dû trouver des priorités. Ces priorités différaient d’un arrondissement judiciaire à l’autre si bien que le même délit était sanctionné tout à fait différemment d’un arrondissement à l’autre. Inacceptable dans un état dit de droit. En revenir à la « tolérance zéro » ce sera aussi en revenir à ces distinctions entre arrondissements.
Par ailleurs, nous voudrions également souligner le fait que la politique actuelle en matière de cannabis repose sur deux piliers :
-la loi de 2003 qui distingue le cannabis des autres drogues et qui adoucit les sanctions en ce qui concerne la détention pour usage personnel;
-la circulaire du ministre de la justice de 2005 qui prescrit l’utilisation d’un procès-verbal simplifié en cas de détention de moins de 3 gr par un majeur (on simplifie).
Cette politique, aussi imparfaite soit-elle, fut le résultat de discussions entre partis et fut sanctionnée par un vote parlementaire. Mais un problème réside dans la fragilité juridique d’une simple circulaire. En effet, le prochain ministre de justice pourra l’annuler sans débat ni vote parlementaire ! Vu l’impact de cette décision pour des centaines de milliers de Belges, ne mériterait-elle pas un large débat démocratique ?
De plus, n’est-ce pas une décision anachronique à l’heure où plusieurs Etats américains ont été vers une légalisation dans laquelle l’accès au cannabis devient permis mais reste solidement règlementé?
En conclusion, les effets sur le consommateur moyen ne seront pas anodins : il devra obligatoirement s’adresser aux trafiquants puisqu’il ne pourra plus cultiver de plant de cannabis, il aura tout intérêt à acheter de grosses quantités de cannabis (pour en détenir moins souvent) et, last but not least, il sera à nouveau systématiquement poursuivi par la Justice comme un délinquant de droit commun. Bonjour l’angoisse ! Rien de tout cela n’améliore la santé publique, objectif pourtant déclaré des politiques « drogues » !
Quelques extraits médiatiques :
Tolérance zéro pour le cannabis: « Un retour en arrière » — interview de Serge Zombeck, directeur de la fédération bruxelloise francophone des institutions pour toxicomanes, par Camille Wernaers | Le Soir (10/10)