Les jeunes et l’alcool à travers deux exemples de J.T.
Manipulation et Dramatisation
Introduction
Les discours de la presse nous influencent car ils concourent à la production des représentations de notre environnement (au sens large). Que dire alors de ce qu’on voit et entend à la télévision ? Les médias audio-visuels, en mobilisant simultanément nos deux sens principaux (la vue et l’ouïe), modèlent encore davantage nos images mentales. Pour autant, cela ne veut, heureusement, pas dire que les médias (y compris audio-visuels) soient omnipotents et capables de créer toutes nos représentations sur n’importe quel sujet.
Par contre, plus ce processus sera inconscient (à notre insu) plus il sera efficace. Par exemple, les informations qui concernent les faits divers, les sports, les reportages « de société » sont encore, pour de très nombreuses personnes, regardés comme étant un véritable « reflet » de la réalité. Il est vrai que les images et les commentaires de ce type d’ informations sont construits de façon telle qu’ils aient toutes les apparences de la neutralité objective par rapport aux faits et à la réalité. Or, il n’en est rien. Ces reportages, comme tous les autres discours médiatiques, sont (minutieusement) construits par des professionnels. La signification est « imposée » au téléspectateur. Toutefois, si les discours médiatiques nous influencent, et certaines personnes plus que d’autres, ils ne sont pas les seuls à produire ces représentations. Les expériences de vie, les relations et d’autres discours y concourent aussi et de façon bien plus décisive parfois.
L’éducation aux médias constitue pour Infor-Drogues un axe prioritaire de ses missions d’éducation permanente. Il s’agit de donner des outils et des clés pour que le public puisse interroger ce qu’il voit et entend de façon critique dans une perspective d’autonomie.
Objectif
L’objectif de cet outil est d’analyser, à travers l’exemple de deux reportages télévisuels, le discours médiatique traitant des jeunes et de l’alcool. Il s’agira de comprendre :
– les ressorts du discours journalistique concernant cette thématique;
– quelques mécanismes qui permettent une déformation de la réalité.
L’un des reportage fut diffusé au JT de RTL du 25 avril 2010, l’autre par la RTBF durant le JT du 22 mai de la même année. Pour Infor-Drogues, ces analyses s’inscrivent dans une démarche plus large de questionnement du discours journalistique. Ainsi, dès 2006, l’asbl réalisait un outil d’ éducation permanente intitulé « Comment parle-t-on des drogues ? Exemples de trois magazines télévisuels sur les drogues ». En 2007, un outil spécifiquement construit pour questionner le discours médiatique à propos du cannabis était produit : « Le cannabis dans les médias : mais où donc est passé le débat ? ».
Mode d’emploi préconisé
Cet outil d’éducation permanente est destiné à être utilisé par un animateur. Ce dernier présente l’introduction et réalise ensuite l’animation telle que proposée dans cet outil. Il s’adresse à un public d’adultes professionnels de la santé, de l’éducation, de la culture, de l’animation,… il peut aussi s’adresser aux étudiants en cours de formation de ces différentes professions.
1. Matériel nécessaire
– Projecteur ou écran de télévision relié à un ordinateur connecté à internet ;
– Tableau pour noter les interventions des participants
2. Marche à suivre
Infor-Drogues propose de commencer l’animation en montrant les reportages. D’abord celui de la RTBF, ensuite celui de RTL.
Une série de questions sera posée après la vision du premier reportage. Une seconde série viendra après avoir regardé le second reportage.
Nous suggérons de procéder de la sorte pour chaque série de questions : poser la première question oralement et noter les réponses au tableau jusqu’au moment où un consensus de groupe existe sur la réponse. A ce moment poser la deuxième question et procéder de même pour les questions suivantes.
Questions à poser après avoir regardé le reportage de la RTBF :
L’alcool et les jeunes au JT de la RTBF du 22 mai 2010
1. De quel problème parle-t-on dans ce reportage ?
2. Le reportage est-il inquiétant ? Pourquoi ?
3. La voix de la journaliste qu’on entend dans le reportage : de quelle manière commente-t-elle les images ? est-ce fidèle aux images ?
4. A votre avis, quel type de jeunes est-il montré dans le reportage ?
5. Quelle est l’image globale des jeunes donnée par le reportage ?
Après avoir visionné l’extrait du JT de RTL, voici une seconde série de questions :
L’alcool au JT de RTL-TVI du 25 avril 2010
1. L’alcool est-il traité de la même façon dans les deux sujets de RTL ?
2. Les jeunes sont-ils présentés de la même façon par le reportage de la RTBf et par celui de RTL ?
3. Quelles similitudes verriez-vous entre le reportage de la RTBf et celui de RTL ?
4. Quelle image du phénomène ‘jeunes et alcool’ ces reportages proposent-ils ?
5. A quelles attitudes et quelle(s) représentation(s) cela peut-il mener :
- a. les parents ?
- b. les jeunes ?
Après cette séance d’échange et de débat, l’animateur montre les vidéos des extraits des JT commentés par Infor-Drogues. Il est important de préciser d’emblée que ces analyses peuvent être elles-mêmes un nouveau sujet de débat.
Les analyses d’Infor-Drogues
1. L’ alcool et les jeunes au JT de la RTBF du 22 mai 2010
Le reportage est introduit par Nathalie Maleux, la présentatrice du JT en studio. L’auteur du reportage est Coralie Ramon, que l’on entend en voix-off lors du reportage (images).
La voix-off conclut l’interview en ces termes : « des histoires qu’on entend au cours de beuveries plus traditionnelles. La différence ici est dans la finalité recherchée : l’ébriété et tout de suite de préférence ». Autrement dit, les jeunes qui boivent sont pires que les ivrognes adultes dans leurs beuveries traditionnelles. Le commentaire ne fait que répéter ce qu’il a déjà dit et qui n’est toujours pas plus crédible à nos yeux. Les images qui illustrent ces propos sont celles des jeunes filles accompagnées par quelques autres jeunes qui passent sur un trottoir le soir. Visiblement la voix-off compte sur la séquence suivante, l’interview de l’ expert, pour accréditer davantage sa thèse.
S’ensuit donc l’interview d’un expert, « Antoine Boucher responsable communication INFORDROGUE ». Il répond à une question que l’on doit supposer : y-a- t-il une volonté d’être plus rapidement saoul qu’auparavant ? La phrase extraite de l’avis de l’expert par la journaliste, explique : « L’alcool, on lui demande d’aller peut-être plus vite qu’avant. Là où on pouvait attendre une heure ou deux il y a quelques années, quelques dizaines d’années, aujourd’hui il faut atteindre ça en vingt minutes ». Il n’aura pas l’occasion d’en dire plus. L’expert avait pourtant fortement insisté sur le fait que ce type de comportement ne concernait que certains jeunes en exigeant « ne me faites pas dire que cela concerne tous les jeunes ». La journaliste choisit de garder l’élément qui va appuyer son propos et ne laissera pas de place à la nuance : elle manipule la parole de l’expert. De plus, le discours de l’expert n’est pas centré sur l’étude de l’ISSP qui apparaît de plus en plus comme un vague prétexte à ce reportage.
Après cette interview, l’écran repasse en mode split screen (coupé en deux horizontalement). Dans le haut de l’écran, une succession de cinq plans montre différents jeunes qui boivent à une grande bouteille de ce qui semble être du coca et se la passent. Dans le bas de l’écran, une des jeune fille verse un peu d’alcool fort dans la grande bouteille de coca (on comprend qu’il s’agit de la bouteille bue « en haut »). Pendant que ces images défilent, la voix-off nous « explique » : « La mode de la biture expresse implique aussi d’ autres dangers : coma éthylique, décrochage scolaire et même parfois suicide. Chez les 15-24 ans, un jeune sur huit serait adepte du binge drinking ». De quoi tirer la sonnette d’alarme dans la tête du téléspectateur. Encore une fois les émotions fortes, la dramatisation vont capter l’attention. On ne nous explique pas les causes, les raisons mais seulement les conséquences. La voix-off décrit d’ailleurs cette pratique comme, nous la citons, une « mode » ! Et non pas comme un fait de société à interroger et trouvant, par exemple, sa source dans un mal-être plus profondément ancré, dans un contexte social bien précis.
Le reportage se poursuit et la voix-off nous annonce que « Le phénomène vient d’ Angleterre. On le définit comme un problème de santé publique et pour cause ». Le commentaire assimile la consommation d’alcool à une sorte d’événement climatique comme une tempête ou un anticyclone qui « vient d’Angleterre ». Cela rajoute de la véracité par la force de la preuve : si c’est arrivé là-bas, sûr que cela va arriver chez nous. Pas besoin d’autre cause, c’est une évidente contagion géographique depuis un pays voisin comme la pluie ou la grippe aviaire rien de plus. Le ton du « (…) et pour cause » de la voix-off indique que le témoignage qui suit va confirmer qu’il s’agit bien d’un problème de santé publique.
Nous retrouvons « Alex 15 ans » visage toujours flouté. Elle nous raconte une histoire : « elle (nous ne savons pas qui est cette personne) était en train de vomir et l’homme qu’elle ne connaissait pas était en train de profiter d’elle. Et c’était devant une boîte et il y a plein de gens qui étaient là mais les gens ne réagissent pas quand quelqu’un est saoul ». A son ton, faudrait-il comprendre qu’Alex n’était pas témoin de la scène sinon elle aurait réagit ? Si elle n’est pas le témoin direct de ce qu’elle raconte, quel crédit y accorder ? De plus, est-ce un témoignage qui démontre qu’il s’agit bien d’un problème de santé publique ? Non, juste une nouvelle étape dans l’escalade de la dramatisation : après la délinquance, la maladie… le viol. Même si le mot n’est pas prononcé tel quel dans le reportage, c’est bien à cela qu’il est fait allusion.
La voix-off reprend : « Ceux qui ont la chance de s’en sortir sans égratignures connaîtront d’autre triste joie, celle d’être exposé plus tard à une consommation d’alcool problématique ». La journaliste établi allégrement un lien automatique pour ceux qui, aujourd’hui, « ont la chance de s’en sortir » et leur avenir : ils ne s’en sortiront pas. On n’échappe pas à ses erreurs de jeunesse ! Retour ensuite vers l’expert Antoine Boucher qui explique : « Quand on a tendance à traiter ses problèmes tôt avec de l’alcool on a tendance à continuer. Parce que, au fond, l’alcool cache les choses mais ne traite rien ». Le reportage se conclut avec des images de trois jeunes filles6 qui trinquent au café malgré une voix-off affirmant : « les études l’ont démontré, des dysfonctionnements cérébraux inquiétants apparaissent après neuf mois seulement de cette pratique de biture expresse ».
Jusqu’au bout, la dramatisation va crescendo : non seulement les jeunes se mettent dans des situations dangereuses, ont des attitudes et comportements inacceptables et scandaleux, frôlent le coma et le suicide, mais en plus, ceux qui s’en sortiront connaîtront une consommation problématique accompagnée de dérèglements sérieux au cerveau ! Pourtant, à notre connaissance aucune, étude ne démontre autre chose qu’une probabilité de dysfonctionnement.
2. L’alcool au JT du 25 avril 2010 de RTL-TVI : Mauvais pour les jeunes, bon pour les adultes
Nous nous proposons d’analyser chacun des reportages ainsi que leur succession. Le traitement de ces sujets reflète à nos yeux un double discours qu’il est important de mettre en lumière car il est un bon exemple de l’ambiguïté du traitement journalistique général du thème de l’alcool.
Premier reportage : enquête du CRIOC sur la consommation d’alcool chez les jeunes
19h 19’36’’ : la présentatrice du JT nous annonce l’air grave « On revient sur terre7 avec ce constat, inquiétant, observé par le CRIOC : deux tiers des jeunes de 10 à 17 ans ont déjà bu de l’alcool ». Ensuite, une voix-off ouvre la séquence : « Fin des cours, une terrasse, du soleil, des amis et quelques verres pour se détendre. Un premier verre qui tombe tôt…de plus en plus tôt. ». En illustration, une terrasse de café bondée de jeunes sous un soleil radieux.
Le choix de cette illustration est donc interpellant car il ne correspond pas au sujet annoncé: la consommation d’alcool chez les jeunes entre 10 et 17 ans. Par ailleurs, comment comprendre les mots du journaliste « un premier verre qui tombe tôt…de plus en plus tôt » : les jeunes boivent-ils de plus en plus jeunes, ou se mettent-ils à boire de plus en plus tôt dans la journée ? A nos yeux, le discours journalistique entretient la confusion avec le bout de phrase « fin des cours »… Et les images de jeunes buvant de l’ alcool se succèdent dans le reportage…
C’est alors que le reportage fait entrer un expert en scène : un extrait d’une interview d’un médecin, le Dr. Pinto, chef de clinique, qui dit : « De plus en plus de jeunes découvrent et s’adonnent à la consommation d’ alcool en groupe, de manière à consommer vite, beaucoup, et dans le but réellement d’atteindre l’ivresse aussi vite que possible. ». Il est intéressant de revenir un instant sur l’emploi du verbe « s’ adonner », qui n’est pas un choix sans implications. En effet, si l’on ouvre un dictionnaire, voici la définition que l’on trouve : s’adonner veut dire « s’appliquer avec constance à quelque chose ». En plus, cet expert ne commente absolument pas les chiffres de l’étude du CRIOC. On pourrait même se poser la question de savoir s’il a été interrogé dans le cadre de ce reportage ou si l’extrait ne provient pas des archives… Quoiqu’il en soit, on peut supposer que sa vision est influencée par sa position en tant que responsable de clinique confronté aux dégâts des consommations les plus extrêmes. Le placement de cette séquence permet aux journalistes d’adopter un ton alarmiste et de poursuivre avec « la fameuse perte de mémoire causée par l’alcool, 41% des jeunes l’ont déjà connue…presque un jeune sur deux9! ». En utilisant cette interview du Dr. Pinto qui concerne une autre question, les journalistes augmentent la dramatisation de leur propos.
Peu après, autre séquence avec le Dr Pinto : ce dernier déclare que « (les alcopops,) ce sont des produits faciles à boire, qui masquent le goût de l’alcool. Donc, il y a là clairement, de la part de cette industrie de l’alcool, une volonté d’occuper un segment de marché, et de préparer finalement ces jeunes à une consommation future, qui passerait par d’autres alcools par la suite. » Ces propos ont, eux aussi, de quoi inquiéter. Toutefois, pour la première fois depuis le début du reportage, la responsabilité de l’ industrie de l’alcool est mentionnée. Cela ne dure qu’un très bref instant car on se tourne directement vers les parents, le reportage se terminant sur ces mots : « Les parents de 86% des jeunes savent10 que leurs enfants boivent de l’alcool. Trois parents sur quatre acceptent cette consommation. ». Cela fait allusion à la responsabilité des parents. Mais qu’est-ce que les parents acceptent ? Le reportage ne nous le dit pas. D’ailleurs, « accepter » peut être interprété de différentes façons : on accepte parce qu’on est forcé d’accepter, on accepte mais cela n’empêche sans doute pas que l’on soit inquiet et que l’on mette en place des limites, on accepte parce qu’on ne sait pas qu’il y a quelque chose d’inquiétant,… ? En tout cas, le téléspectateur a compris que la consommation des jeunes de 10 à 17 ans est inquiétante voire alarmante. Le fait que « 3 parents sur 4 acceptent cette consommation » rend le phénomène encore plus inquiétant car cela fait allusion à l’ irresponsabilité ou à l’impuissance des parents.
Le reportage n’aborde pas la question des causes éventuelles de ces consommations d’alcool. Les journalistes balayent cette question en deux mots « et quelques verres pour se détendre… » Mais se détendre de quoi et pourquoi ? Mystère… Un tel discours empêche la recherche des motivations et des causes profondes de ces comportements. S’agit-il pour les médias d’éviter toute remise en question des « valeurs » de notre société de… consommation ? En effet, il n’est pas impossible que les médias dominants recherchent avant tout à procurer de l’audience à des annonceurs (ou comme disait le PDG de TF1, procurer des « cerveaux disponibles à Coca-cola »). Cet objectif est poursuivit, entre autres, grâce à la diffusion d’émotions fortes, comme la peur et l’inquiétude mais également le scandale, la dénonciations des travers, l’indignation qui rivent le téléspectateur à l’écran et le fidélisent.Et c’est après ce reportage que le journal de RTL-TVI enchaîne sur la mise à l’honneur des brasseries !
Second reportage : la journée portes ouvertes de quelques brasseries
19h 21’38’’ : retour sur le plateau. La présentatrice lance ainsi le reportage : « La bière, mise à l’honneur ce week-end, est donc à boire avec modération. Au total, 24 brasseries ouvraient leurs portes au public. L’occasion de découvrir un savoir-faire ancestral. » Les journalistes nous emmènent alors près de Mons, pour faire la visite d’une brasserie « traditionnelle ». Nous allons réaliser ici une analyse des champs lexicaux utilisés par la voix–off tout au long de ce reportage. Nous nous arrêterons ensuite pour approfondir certaines séquences.
Les champs lexicaux relatifs à la tradition et à ce qu’elle a de positif en terme de qualité et de compétence sont omniprésents : « un savoir-faire ancestral », « un breuvage qui fait la fierté des belges », « conter l’histoire séculaire de l’une des plus ancienne brasserie artisanale de Belgique », « un produit brassé avec savoir », « déguster » (qui revient plusieurs fois). Or, cette notion de tradition est extrêmement délicate à remettre en question ou à contester car il y a derrière ce terme toute une identité régionale ou nationale. Dès lors, critiquer une tradition, une « fierté nationale » sera vite considéré comme une « trahison ».
Le double discours et l’effet de contiguïté
Nous allons maintenant analyser l’effet de contiguïté des deux reportages. Il est intéressant de comparer les registres lexicaux (inquiétude v.s tradition), ainsi que les tons employés (grave v.s jovial) pour chacun des sujets traités. Cela apparaît clairement lors de l’ introduction de chacun des reportages par la présentatrice : dans le premier cas, elle annonce « On revient sur terre avec ce constat inquiétant observé par le CRIOC : deux tiers des jeunes de 10 à 17 ans ont déjà bu de l’alcool ». Par contre, pour le second reportage, elle dit « La bière, mise à l’honneur ce week-end, est donc à boire avec modération. Au total, 24 brasseries ouvraient leurs portes au public. L’occasion de découvrir un savoir-faire ancestral. » Nous pouvons ainsi observer un double discours qui n’est pas nouveau : « regardez nos jeunes et leur mauvaise consommation (excessive) ! Mais qu’on ne nous embête pas, nous adultes en touchant à nos bonnes vieilles traditions bibitives ! ». Il y a en effet une sorte de schizophrénie dans le discours médiatique. Ce JT la révèle d’autant mieux que les deux types de discours ont étés directement accolés l’un à l’autre.
L’introduction au second reportage est révélatrice du discours de la chaîne. Au préalable, le discours journalistique inquiète à propos de la consommation d’alcool chez les jeunes. Et directement après, le journaliste dit que la bière « fait la fierté des belges ». RTL va plus loin et « incite les belges à mieux connaître [ces] produits ».
Chacun des reportages du JT dure 2 minutes. Il n’y en a donc pas un qui prime sur l’autre. Cependant, on peut s’interroger sur la motivation qui a fait que RTL présente deux reportages consacrés à l’alcool qui se suivent dans le même JT. Un qui inquiète et l’autre qui détend le téléspectateur adulte car cela « ne le concerne pas » (mais bien les jeunes). Dans le premier reportage, les journalistes déplorent la consommation d’alcool chez les jeunes à propos de laquelle ils construisent un discours inquiétant, à grand renfort de chiffres « alarmants ». Parallèlement à ce discours, RTL-TVI offre aux téléspectateurs adultes un message essentiellement publicitaire et normatif qui vante cet alcool. L’objectif de cette juxtaposition ne serait-il pas que le second reportage annule les effets indésirables du premier pour le lobby des producteurs d’alcool ? Cette hypothèse est renforcée par le fait que RTL attende le dimanche soir (et la fin des journées portes ouvertes dans les brasseries) pour diffuser le reportage sur les jeunes filmé dès le vendredi13.
Notes
[1] ISSP : Institut Scientifique de Santé Publique
[2] En fin de reportage, la voix- off précisera : « Chez les 15-24 ans, un jeune sur huit serait adepte du binge drinking ».[5] Le binge drinking est un concept surtout anglo-saxon. Il n’existe pas, à ce jour, de consensus scientifique pour le définir précisément.[6] Le téléspectateur a tendance a les identifier comme celles du début mais une au moins est différente.
[7] Le reportage précédent traitait du télescope spatial Hubble.[8] En fait, dans l’enquête du CRIOC, la moyenne des « 11 ans et 5 mois » ne s’applique qu’aux deux tiers des jeunes. Ceux qui ont consommé de l’alcool avant 17 ans.
[9] Le traitement des chiffres issus de l’étude appelle aussi à un commentaire : il s’agit non pas de 41% des jeunes au total, mais bien de 41% des jeunes qui ont déjà consommé de l’alcool ! Autrement dit, ce sont 41% des deux tiers des jeunes interrogés dans le cadre de l’étude, soit 26,4% (un peu plus d’un jeune sur quatre) et non pas « presque un jeune sur deux ! ».[10] Selon RTL, il y aurait donc davantage de jeunes qui feraient croire à leurs parents qu’ils boivent (86%) que de jeunes qui consommeraient effectivement de l’alcool (2 tiers des jeunes). Visiblement cette contradiction n’a pas été relevée.[11] Infor-Drogues, ainsi que d’autres associations au travers du groupe Jeunes, Alcool et Société, a déjà dénoncé le non-sens de ce slogan qui ne sert pas la prévention. Cfr. l’outil d’éducation permanente réalisé par Infor-Drogues. [12] « Le pays de la bière » est une référence publicitaire comme l’est « Le pays du fromage » ou « L’autre pays du fromage ».
[13] Le vendredi 23 avril 2010 est la date du communiqué de presse du CRIOC. De plus, le reportage évoque « la fin des cours » ce qui exclut un jour de week- end.