Les discours médiatiques sur les drogues : une mauvaise caricature

Pourquoi, comment, par quel moyen et à qui parler de drogue aujourd’hui ?

Au travers de ces quelques questions, Philippe Bastin, ancien directeur d’Infor-Drogues soulève la difficulté du discours sur la drogue. Les médias ont tendance à bombarder le public d’informations superficielles et sensationnelles favorisant l’incompréhension, l’ignorance et la fuite… Mais parler de drogue au grand public nécessite d’informer quant au sens de la drogue, à un comportement, une attitude face à la vie…

Comment alors travailler avec les médias ?

 

Parler de drogues…

Comment parler des drogues ? Le titre de ce texte peut paraître étonnant : en effet, à Infor-Drogues, nous devons le savoir ! C’est notre métier, après tout ! Certes, au cours de notre déjà longue existence, nous avons accumulé suffisamment d’expérience en matière d’information que pour nous sentir à même de répondre de manière sensée aux questions des personnes qui nous appellent ou qui nous consultent. Beaucoup d’entre vous se disent sûrement qu’informer les gens, répondre aux questions, cela va de soi. C’est là chose facile et banale. Je n’en suis pas si sûr et je me propose de vous en écrire quelques mots.

Il y a information et information !

A Infor-Drogues, nous avons élaboré des stratégies et défini des principes de travail. Pour nous, ces questions posées s’inscrivent dans un processus d’échange, de communication. Nous sommes là dans le domaine de la communication directe avec un ou plusieurs interlocuteurs. Nous dialoguons. Que ce soit par téléphone ou de visu, nous pouvons sentir, tant par les mots que par le ton de voix, les attitudes, les gestes … – ce que l’on appelle la communication verbale et la communication non verbale – ce que l’autre nous montre et tente de nous dire. Nous pouvons apprécier au fur et à mesure de la communication l’effet de nos réponses et nous adapter constamment à la situation au fil de la discussion : cela grâce à l’effet de rétroaction ou feed-back. La communication circule et nous avons ces effets-retours qui nous guident. Je pense que ce processus n’est plus un secret pour personne.

Ces demandes d’informations s’inscrivent donc dans un processus dynamique qui nécessite de notre part une attitude de disponibilité.

Un second principe est celui de la personnalisation de la demande. Chaque demande nécessite une attention spécifique et particulière. Vous vous en doutez, l’objet de ces demandes dépasse le cadre du renseignement d’ordre technique ou scientifique, mêmes si elles sont formulées comme telles. Dans les questions relatives aux drogues – en clair, celles que les gens nous posent constamment – il serait sot de nier la composante humaine qui sous-tend la démarche. Le psychologique, l’affectif, l’humain sont en jeu et sont dans la question.

Demander le prix du beurre ou l’horaire des trains ne met pas en scène les mêmes éléments que demander quels sont les effets du haschisch ou les signes qui permettent de découvrir qu’un enfant se drogue. Même si c’est « juste pour savoir, au cas où on vous poserait la question » !

Notre politique est d’éviter les réponses stéréotypées et automatiques qui excluraient toute écoute attentive de notre interlocuteur.

On ne peut esquiver les questions relatives à un sujet aussi lourd de sens. Dans chaque appel, il s’agit d’être à l’écoute de ce qui fait réellement question. Nous voulons laisser à la personne la possibilité d’en dire plus. Avec cette nuance fondamentale que nous lui laissons aussi la totale liberté de rompre à tout moment le dialogue.

Communication ne doit pas être synonyme d’inquisition.

Cela dit, un chat est un chat et à question claire réponse claire. Il s’agit de répondre à ce qui est demandé mais d’être donc aussi à l’écoute de ce qui n’est pas exprimé d’emblée dans les questions.

Mais ce n’est pas tout.

Vous le savez, la réalité humaine est ainsi faite qu’il ne suffit pas de se parler pour se comprendre. Toute communication ne peut être qu’imparfaite. Toute communication ne peut être qu’une tentative, que l’espoir de rencontrer l’autre. Nous vivons tous avec l’illusion d’être maître de ce que nous disons et que l’autre, celui que écoute, est maître de ce qu’il comprend. Quand nous parlons, qu’est-ce qui est entendu et compris ? Jusqu’à présent, personne n’a jamais pu mettre son inconscient de côté. Heureusement, d’ailleurs. A nous, informateurs et communicateurs, de le savoir et de ne pas tomber dans le piège de l’illusion de la communication totale.

Ce dernier élément est une raison supplémentaire de croire que nous ne pouvons pas répondre aux questions à la manière d’un machine simpliste. Un peu comme si on était un guichet ou une aubette de renseignements … Si c’était le cas, il suffirait d’enregistrer des réponses-types sur un répondeur téléphonique.


La communication de masse

Comment parler des drogues lorsque nous prend l’irrésistible ambition de vouloir parler non plus à une personnes mais à quelques millions d’individus ?

Comment parler des drogues au grand public ? Comment faire passer des informations ou des messages que nous jugeons utiles à une population ? Comment communiquer avec le public d’une région, d’une province ou même d’une communauté linguistique comme c’est le cas dans notre pays ?

Nous sommes ici dans le domaine de la communication indirecte. Il s’agit de lancer des messages sans pouvoir en mesurer instantanément l’impact et sans pouvoir les corriger rapidement si cela s’impose.

Comment mais aussi QUELS messages et QUELS objectifs ?

J’en suis déjà à la question du COMMENT alors qu’en cartésien occidental j’aurais dû d’abord poser la question du POURQUOI ? En effet, notre métier nous enseigne chaque jour que la question du comment est toujours plus féconde que celle du pourquoi. Le pourquoi limite bien souvent les choses dans un registre causaliste : l’effet résultant de la cause. Le piston monte dans le cylindre et la machine avance. Mais sommes-nous des machines ?

Pourquoi vouloir communiquer avec le grand public ?

Je pense que les spécialistes des toxicomanies ne peuvent plus laisser de côté le secteur des communications de masse. En nous taisant, nous laissons la place vacante à l’information le plus souvent anarchique à propos des drogues.

A défaut de la diffusion d’une information claire et objective par les pouvoirs publics, c’est la presse qui informe. Elle a comblé ce manque et ce vide en parlant à sa manière des drogues à un public qui lui était d’ailleurs toute ouïe et tout regard. Elle en a aussi fait ses choux gras au passage. Business is business.

Au travers de l’exploitation de faits divers notamment, toute une mythologie de la drogue s’est construite. Le discours passionnel et superficiel l’a le plus souvent emporté sur l’information soigneusement documentée et surtout sur une parole qui s’attache au sein, à ce que la drogue recouvre. La passion l’emporte sur la raison : c’est probablement la loi des mass-médias et du marché de l’information.

Etre dur et critique à l’égard des médias, ce n’est pas pour cracher dans la soupe, comme on dit. Cette question de la drogue est trop importante que pour se répandre en de vaines critiques. Les journalistes font leur travail, à nous de faire le nôtre et d’innover si cela nous est possible.

Ce qu’il s’agit de mettre en évidence en parlant de la presse et des médias, ce sont des constatations et tirer des leçons. Il s’agit de repérer les carences, les limites et les faillites actuelles de ce que l’on appelle communément l’information de masse.

Nous sommes tous, d’heure en heure, bombardés d’informations. Les différents médias qui peuplent notre paysage audio-visuel nous arrosent de sons, d’images, de mots … d’idées, de désirs, de sentiments.Et la drogue surgit pêle-mêle ici et là.

Les médias nous vendent du scoop. Du sensationnel et du terrifiant à la une. Le poids des mots et le choc des photos nous mobilisent. Cela reste à démontrer ! Mais quoi ? Que faire de tout cela ? De cette avalanche de données ?

Il suffit de reprendre quelques infos récurrentes en ce domaine :

– L’année passée en Russie, une nouvelle drogue terrifiante, le Krokodil, fait son apparition et tue ses adeptes;
– la ritournelle des saisies aux frontières ;
– le dopage dans le sport ; – la destruction des chants de coca en Amérique du Sud ;
– Les témoignages poignants de vedettes (telles que Jean-Luc Delarue) prises en flagrant délit ;
– Les statistiques de consommation, d’âge, etc, provenant des nombreux rapports existant à tous niveaux;
– etc.

Qui a dit que nous manquions d’informations ? Avec toutes ces données, nous devrions savoir ! Mais, qu’est-ce que cela change ? Ou plutôt qu’est-ce que cela ne change pas ?


Les limites des médias

l y a erreur sur la nature de ce que nous attendons. Nous sommes gavés mais d’informations superficielles et spectaculaires. Présentées ainsi, à l’état brut, sans recul possible, ces informations s’accumulent et s’entassent dans nos têtes, nous cristallisant un peu plus sur nos positions retranchées. Devant les faits ainsi présentés, nous ne pouvons que rester ignorants de ce qui sous-tend les toxicomanies, mais aussi paralysés et donc incapables d’agir et de réagir. A nous de nous débrouiller pour retrouver l’envers du décor : tout ce qui n’est pas dit. C’est un peu comme si on lisait un roman auquel il manquerait des pages : toutes celles qui permettent de comprendre. Celles qui constituent le fil du récit et lui donnent tout son sens.

L’ignorance et l’incompréhension de tels phénomènes suscitent et entretiennent l’angoisse et le drame. Or, la peur n’est pas bonne conseillère. Elle ne pousse ni à agir sainement ni à réagir en adulte responsable et lucide.

L’ignorance et l’incompréhension fabriquent aussi chez certains l’indifférence : cette carapace qui rend imperméable à toutes les questions et les remises en question. Par ignorance et/ou incompréhension, j’entends la signification de la drogue, toutes choses qui ne sont que rarement évoquées par les médias. Bien sûr, les données techniques sont importantes, les substances, les lois, l’action des drogues sur l’organisme, les modes de traitements, etc.

Les médias éludent systématiquement que ce comportement là, cette attitude face à la vie, ce choix dans la vie, n’est qu’une manière de colmater un manque, une faille, une souffrance profonde, l’angoisse de vivre, la non-acceptation de soi, la peur des autres, les pressions de la société, les inégalités et les injustices …

Nous vivons tous avec en nous ces questions de la vie, de la mort, et de la jouissance. Mais certains sont plus fragiles que d‘autres. Ils tentent de trouver des solutions dans les substances : l’alcool, les drogues, les médicaments … Et il faut bien le reconnaître, nous vivons dans un univers où les substances chimiques nous sont proposées à toutes les occasions. Elles sont de plus en plus présentes dans notre environnement et « nous ne sommes pas équipés pour vivre sainement dans un tel environnement » comme le dit Helen Nowlys, une éminente scientifique américaine « les produits de la chimie moderne sont une bénédiction, mais ils sont aussi un fléau ».

Mais prenons du recul…


Les dangers des médias

Le problème complexe de la drogue et des médias n’est pas qu’une illustration parmi d’autres du problème posé par la communication de masse en général. De nombreux auteurs ont déjà souligné dans les années 1960 le risque du conditionnement industriel des esprits façonnés par les médias.

Marcel Hicter, ce grand homme belge de la culture, disait ceci : « Les moyens de communication de masse ne tendent pas à nous expliquer les situations mais à les dépeindre dans leur état de crise ; ils ne nous apportent pas d’analyse d’une situation, mais l’événement … C’est l’épisode et non la synthèse ».

Et Abraham Moles, professeur de sociologie à Strasbourg, écrivait en 1968 : « L’homme contemporain subit un arrosage de culturèmes, c’est-à-dire de fragments d’informations qui lui pleuvent de partout, sans ordre, fragmentaires dans la nature de l’information et dans le temps qui lui est consacré, contrastant en permanence, sans liaison profonde … Cet arrosage provoque une culture mosaïque non structurée et fait des cerveaux en feutrine. La feutrine, c’est cette matière sans trame qui ne tient que par une pression extérieure, qui tient ensemble des millions de petits fragments de poils, placés dans tous les sens d’ailleurs, mais qui ne constituent pas un tissu. Dans un tissu, il y a trame et construction ».

Mac Luhan, l’auteur de la Galaxie Gutenberg, précise ceci dans son ouvrage : « Personne ne lit un journal intelligemment ou d’un point de vue critique. Ce n’est pas là la véritable fonction d’un journal … Ce dernier est là pour donner un sentiment collectif de partage, d’une pataugeoire. « Entrez donc, l’eau est délicieuse ». On peut ignorer pratiquement tout au sujet du quotidien qu’on a lu, mais on l’a lu pour se jeter dans le bain commun ».

Enfin, Michel de Certeau, dans la Culture au Pluriel, décrit lui aussi les processus à l’œuvre : « On voit d’autant plus qu’on prend moins … Ainsi, « l’actualité », ce reste visuel de l’action, montre les heurts et malheurs des autres selon une loi qui combine le luxe de l’information avec la passivité des témoins. L’inaction semble être le prix de l’image … Réciproquement, la communication devient une obsession dans la pratique sociale. La presse et la radio trompent ou satisfont, comme elles peuvent, cette « foule solitaire » avec les magies célestes, les exotismes de l’amour facile ou les terreurs de la drogue ». Et l’auteur ajoute, plus loin : « On ne peut supposer que les discours des mass médias « expriment » ceux qui les lisent, les voient ou les entendent … Le public n’est plus là ; il n’est plus dans ces images, pris à leurs pièges ; il est ailleurs, en retrait, dans une position de récepteur amusé, intéressé ou ennuyé… (…) Sans doute est-ce la conséquence la plus importante et la plus paradoxale du développement des mass médias. Un clivage se produit entre ce qui se dit mais n’est pas réel, et ce qui est vécu, mais ne peut plus se dire. (…) Les messages abondent … mais leur bourdonnement crée une absence de parole ».

Voilà pourquoi nous disons « Oui » aux médias mais pas à n’importe quel prix, pas n’importe comment !


Comment utiliser les médias ?

Utiliser le potentiel médiatique qui s’offre à nous nécessite l’élaboration de campagnes minutieusement préparées et parfaitement exécutées. Il s’agit de définir précisément les objectifs que l’on souhaite atteindre, cerner le plus soigneusement possible le ou les public(s) visé(s) et élaborer la forme et le contenu des messages de manière subtile et nuancée.

Outre ces divers paramètres, ô combien complexes, le public visé n’acceptera ces campagnes et ne comprendra ces messages que s’ils ont été élaborés en tenant compte des croyances, des valeurs et des modes de vie liés à la culture de sa région, ou de sa socio-communauté. Ce sont ces variables socio-culturelles qui donneront un sens et une signification aux messages diffusés. (Dans des régions vinicoles, dire que le vin est un produit dangereux risque de ne pas être du tout entendu).

En effet, en ce qui concerne les objectifs visés, il faut faire preuve d’intelligence et de lucidité.

Les messages qui se bornent à n’être que des exhortations n’ont aucun effet : ceux qui étaient d’accord avant le restent, ceux qui ne sont pas d’accord refusent le message ; et le pourcentage restant flotte tantôt d’un côté, tantôt de l’autre.Des arguments massues, effrayants, terrorisants, ou profondément logiques, qu’ils soient scientifiques ou non, ne changent rien.

Comme le dit Raymond Devos : « On a toujours tort d’essayer d’avoir raison devant des gens qui ont toutes les bonnes raisons de croire qu’ils n’ont pas tort ». Et comme le souligne Helen Nowlys, « Les contre-vérités, les demi-vérités, l’exagération, les généralisations excessives, la recherche du sensationnel tuent toute crédibilité ».

Bien plus, il est tout à fait évident que ces types d’arguments entretiennent la psychose drogue dans l’inconscient collectif. Ils peuvent aussi avoir un puissant effet incitateur sur les individus fragiles, ceux précisément que l’on veut peut-être toucher et mettre en garde.

Des campagnes visant des changements d’attitudes ne pourront avoir des effets réellement positifs que si elles s’inspirent d’analyses extrêmement nuancées du sens et de la fonction de ce qu’ils s’agit de modifier ou dont il s’agir de faciliter l’adoption.

Alors, comment parler des drogues au grand public ?

Comment atteindre notre objectif et éviter ces effets pervers ?

Le déchaînement des passions mais la démobilisation.
La fureur mais l’impuissance.
L’ignorance et l’incompréhension.
La passivité et la fatalité.

C’est-à-dire toujours un peu plus de la même chose.

Rappelons une phrase très belle de Jacques Seguela : « L’art d’un communicant, c’est de laisser un espace moins vide en sortant ».

Objectif grandiose et gageure incomparable que de ne pas laisser un espace plus vide encore après notre passage. La drogue pose des questions sur la vie, sur le sens de la vie, de la destinée humaine. La toxicomanie, ce n’est finalement qu’une réponse, qu’une solution, épouvantable certes, à cette plaie profondément douloureuse pour certains qui s’appelle la condition humaine.

Parler des drogues nécessite de parler des hommes. Thomas Szasz, un psychiatre américain dit ceci : « Il est beaucoup plus facile d’examiner les effets chimiques que produit une drogue donnée sur un individu, que d’étudier les conséquences sociales de la cérémonie qu’il célèbre … »

Pour comprendre ce qu’est l’eau bénite, il faut évidemment étudier les prêtres et les fidèles, mais pas l’eau ; pour comprendre les drogues qui créent la dépendance, il faut étudier les médecins et les drogués, les hommes politiques et les populations, mais pas les drogues ».

Pour que nos messages aient un minimum de crédit auprès des gens, il s’agit de parler de ce qui les préoccupe en tant qu’êtres humains. Ces questions de toxicomanies sont des questions d’hommes et ce n’est pas tellement de données techniques ou scientifiques dont nous avons besoin, mais de points de repère dans notre vie de tous les jours. De trouver des échos aux questions contre lesquelles nous buttons en tant qu’être, en tant qu’homme, que femme, que parent, que conjoint … en tant qu’adolescent.


Changer d’état d’esprit

Finalement, bien plus que de vouloir changer des comportements, il nous faudrait avant tout changer d’état d’esprit. Si la drogue pose des questions sur la vie et sur la destinée humaine, il s’agit donc bien de questions de morale et d’éthique et donc de questions culturelles. Changer notre état d’esprit afin d’être moins désarmés face aux fléaux modernes.

Cette perspective pourrait ouvrir de nouveaux horizons en ce qui nous concerne. Il s’agirait de revoir le contenu de nos messages. Ils devraient plus relever de la culture et de l’éthique que de la science. Utiliser les mass médias non plus pour bombarder les gens d’injonctions dont on ne sait pas trop ce qu’ils en feront mais faire appel à leur intelligence d’hommes. Amener l’homme à penser. Susciter sa réflexion. Faire surgir les questions cachées. Que nos messages amènent un plus de dignité là où le langage actuel entretient la peur et la dépendance.

Il s’agirait d’éviter que nos messages soient des instruments de domination qui cultivent la passivité de l’individu mais qu’au contraire ils constituent pour lui un facteur d’enrichissement.

Pour éviter d’emblée toute équivoque à propos de la notion de « culturel », citons à nouveau Marcel Hicter : « Par culturel, nous entendons ici la culture vécue c’est-à-dire, fondamentalement, tout ce qui peut permettre à l’homme d’accéder à une vie véritablement humaine. En tant que moyen d’émancipation, la culture doit paraître aux intéressés comme l’instrument dont ils ont besoin pour se situer de plus en plus consciemment dans le contexte social et historique de leur époque et éventuellement pour se modifier ». Ou encore, cette phrase terrible du livre d’Eric Gill : « Au diable la culture qui ne serait qu’une sauce ajoutée pour rendre vaguement mangeable quelque chose de profondément dégueulasse ». Eric Gill qui écrit également : « La culture, redisons-le sans cesse, n’est pas la formation, n’est pas l’érudition, n’est pas la connaissance. La culture, ce n’est pas une matière extérieure à l’homme ; on n’a pas accès à la culture ; on ne contre-plaque pas la culture ; on la fait surgir des hommes ; on la fait surgir des individus ».

Voilà tout un programme à méditer et pourquoi pas à mettre en œuvre. En tout cas, en pensant à tous les toxicomanes jeunes et adultes, je ne peux m’empêcher de croire que nous avons tous, tout à gagner d’un surcroît de dignité, d’éthique et de culture … même si cela paraît loin de la logique scientifique ou médicale, car c’est bien d’une guerre d’idées dont il s’agit avant tout.

Communiquer sur le thème de la drogue et des toxicomanes n’est donc pas chose aisée. C’est un problème vaste, complexe et extrêmement délicat et nous devons être très modestes à l’égard de cette question. Mais communiquer c’est déjà faire face aux problèmes posés et nos citoyens ont besoin de savoir et d’être éclairés. Si les scientifiques, hommes de communication et spécialistes de la toxicomane travaillent la main dans la main, alors des moyens de communiquer efficacement pourront être trouvés.

Peut-être alors cessera-t-on de penser que finalement ces gens-là, Monsieur, il vaudrait mieux leur coller douze balles dans la peau.