Tendances 2017 : ce que disent nos statistiques
Chez Infor-Drogues comme en de nombreux autres endroits, la nouvelle année est l’occasion de jeter un œil sur celle qui vient de s’écouler, dans l’espoir de donner un sens à certains phénomènes observés. En 2017, le site internet de l’association a été visité près de 207 000 fois, et plus de 511 000 pages ont été consultées. Autant de visites qui nous permettent de faire des parallèles entre les recherches des internautes et les tendances actuelles en matière de produits stupéfiants.
L’année dernière, les pages dédiées aux produits étaient celles qui recevaient le plus de visites, avec la page d’accueil (8 %). La page la plus recherchée était celle concernant les amphétamines et le speed, avec presque 28 % de vues, suivie par la kétamine (4,74 %), l’ecstasy (4,42 %) et les hallucinogènes (2,81 %). Des résultats qui, couplés aux observations de notre équipe de permanence, aussi bien lors de consultations que sur le terrain et au contact d’autres associations, indiquent d’après nous que la tendance actuelle s’oriente plus qu’avant vers les produits synthétiques.
Il semble en effet que les usagers s’essayent de plus en plus aux drogues de synthèse, c’est-à-dire créées artificiellement, contrairement aux drogues d’origine naturelle comme le cannabis ou la cocaïne. Ainsi, cette dernière est en train d’être rattrapée par le speed sur le terrain des produits stimulants et la kétamine tend à remplacer la MDMA. Par ailleurs, on observe que les usagers parlent beaucoup plus facilement de leur consommation d’amphétamines et de kétamine. Ces deux produits, dont la consommation est parfois liée, ont chacun été évoqués 17 fois lors d’appels par des consommateurs l’an dernier. En 2016, les amphétamines avaient été mentionnées par 11 personnes et la kétamine dans 8 cas.
Ces substances, disponibles aussi bien sur Internet que dans l’espace physique, sont en ce moment plus « à la mode », elles génèrent donc plus de recherches sur Internet. Les produits synthétiques sont généralement associés aux soirées en boîte de nuit (clubbing), mais aussi au chemsex [1], une pratique qui consiste à avoir des rapports sexuels en ayant consommé des stupéfiants. Ce phénomène est déjà ancien, mais actuellement en pleine expansion, surtout parmi les hommes gays et dans le milieu de la prostitution, aussi bien masculine que féminine. Les travailleurs du sexe peuvent dans ce cas faire office de dealers, en particulier quand des substances plus difficiles à se procurer, comme le crystal meth, sont demandées.
Nous constatons enfin que les pages concernant le cannabis et la cocaïne ne sont plus consultées que très marginalement, bien qu’ils restent, avec l’alcool, les produits les plus évoqués dans nos permanences et consultations. Nous pouvons peut-être en déduire que le public a l’impression mieux connaître ces produits parce qu’ils sont plus présents et plus consommés qu’avant. Il pense donc ne plus avoir besoin de se renseigner à leur sujet. Nous déplorons que — à l’opposé des produits très cherchés, car en ce moment plus à la mode et disponibles — les produits plus souvent abordés et supposément mieux connus fassent l’objet de moins de recherches, et ce, peut-être au détriment de l’information et de la sécurité.
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[1] Le « chemsex », mélange de sexe et de drogue, une pratique qui se développe en Europe / AFP. La Libre, 2017.