Drogues et médias, un couple infernal

L’allocution Drogues et médias, un couple infernal de Jean-Jacques Jespers (secrétaire de rédaction au Journal Télévisé et responsable de la rubrique « Société », maître de conférence à l’Université Libre de Bruxelles) fut prononcée à l’occasion du colloque « Comment parler des drogues ? » organisé par Infor-Drogues en 1987. Nous considérons que le discours de M. Jespers n’a rien perdu de sa pertinence, bien au contraire…

Se considérant comme « fournisseur » et « trafiquant » de médias, Jean-Jacques Jespers situe la télévision dans le champs de assuétudes. La télévision comme la drogue associe étroitement la notion de plaisir à celle de consommation, et le spectateur devient consommateur. Le besoin de montrer des images qui frappent et émeuvent remet en question l’adhésion au réel et la télévision n’a finalement que très peu de fonction informative ou dissuasive…

 

La télévision comme assuétude

Les quelques réflexions que je vais vous soumettre sont, sur le mode ironique, une tentative de penser autrement la pratique de quelqu’un qui est impliqué dans la vie quotidienne des médias et qui a déjà été confronté au problème de l’information sur la toxicomanie.

D’abord, je pense qu’il manquait à ce colloque, pour qu’il soit vraiment pluraliste – et vous savez que le pluralisme est absolument obligatoire dans la Communauté française de Belgique ! – un point de vue, celui du trafiquant et du fournisseur.

C’est ce point de vue que je suis venu vous exposer, puisque je représente ici les fournisseurs, et pas n’importe lesquels : des fournisseurs très importants.  Certains vous proposent une ou deux « lignes » par jour, alors que nous, nous vous proposons 625 lignes, 25 fois par seconde et 8 heures par jour !

De plus, nous sommes en mesure de vous assurer contre les mauvais trips.  Le produit que je représente n’a que très peu d’effets secondaires, du moins physiques ; mais l’assuétude peut être terrible et elle est même quasi irréversible chez un grand nombre de consommateurs réguliers.  Si on la considère sous l’angle des conduites d’évitement, de refus du monde réel, de la fascination, de la fuite dans les paradis artificiels, on peut dire, effectivement, que la télévision est peut-être la pire et la plus répandue des drogues.

Mais elle est aussi la plus encensée, la plus respectée, la moins réprimée, parce que c’est la plus bénéfique pour l’ordre social : elle présente cet avantage de maintenir les sujets en état d’hébétude (parfaitement réversible, heureusement) pendant plusieurs heures et de les empêcher ainsi de se livrer à des activités d’un très haut niveau de dangerosité sociale comme l’amour, la pensée, l’échange de paroles et d’idées, l’action collective, l’acquisition de connaissance etc.

Je ne vous étonnerai certainement pas en vous disant que c’est dans le registre de la fascination que la télévision trouve son effet et son action les plus durables.  Les images sonores et animées que procure la télévision ne sont pas aussi riches que celles que peut procurer le L.S.D., par exemple, mais elles ont pour effet de susciter une sorte de sentiment de communion mystique avec le groupe social ou avec le monde, en dehors de toute communication articulée, et c’est là leur avantage sur les fantasmes suscités par d’autres drogues.

On dit souvent que la télévision est un moyen de communication.  Moi, je dis : la télévision est la plupart du temps, à quelques notables exceptions près, un moyen de communion, pas de communication.

L’action de la télévision se situe au niveau affectif, dans le « ça », si vous voulez.  Et elle perturbe plutôt qu’elle n’avive la conscience critique du moi et son contrôle.  Elle procure un sentiment assez fallacieux de paix intérieure, en fournissant un exutoire imaginaire aux impulsions agressives nées de l’impossibilité d’assouvir les désirs suscités et entretenus par le discours social dominant.

Du moins en est-il ainsi de certaines espèces de télévision.  Car il arrive que des chimistes mieux intentionnés concoctent des mélanges moins toxiques et dont les effets peuvent même être éclairants pour la conscience, d’une certaine manière.

Ces types de télévision agissent alors à la manière des amphétamines ou des « poppers ».  Elles procurent un sentiment d’énergie, d’hypersensitivité, qui peut conduire le sujet à des états proches de ce que les psychiatres soviétiques appellent la névrose réformiste.

Dans des stades maniques aigus, certains consommateurs de ce type de télévision, qu’on a aussi appelée dérangeante ou éveilleuse, ont même le sentiment d’avoir une meilleure compréhension du monde qui les entoure.

Mais ce sentiment est illusoire et ils retombent bien vite, après cette phase manique, dans une phase de décompensation accompagnée de dépression, d’angoisse, d’impuissance, de phobie de rejet, etc.

Essayons, si vous le voulez bien, de parler autrement.

Connaître par la télévision : réel ou fiction ?

Je crois qu’il existe une télévision (la plupart du temps, de service public, il faut bien le dire) où la préoccupation n’est pas uniquement de fournir quotidiennement une certaine dose d’émotions en conserve, mais où l’on songe aussi, parfois, à accroître la connaissance du milieu.  C’est dans cette télévision là que vous trouverez épisodiquement la préoccupation, soit de mettre en garde contre la drogue, soit d’éclairer les mécanismes de la toxicomanie, soit encore – ce qui est déjà plus douteux – de dévoiler les chemins du trafic.

On a dit ce matin, je crois, beaucoup de choses sur ce qu’il fallait penser de toutes ces préoccupations.  Mais ce que je voudrais vous dire surtout ici, c’est qu’il y a une espèce de loi d’airain de la télévision, une loi implacable qui est la suivante : pour trouver des consommateurs en nombre pour cette drogue-là il faut respecter, au moins en partie, une recette de base : montrer des images qui frappent, qui émeuvent, qui touchent.

Malheureusement, cette loi s’impose avec de plus en plus de netteté, de force, aussi bien dans les télévisions de service public bien intentionnées au départ, que ans les autres.  Elle est ressentie comme indispensable pour franchir la barrière d’indifférence du public, pour susciter l’envie de consommer encore par la suite cette drogue, qu’elle soit bonne ou mauvaise.

La télévision utilise ainsi, dans la relation qu’elle donne du réel, toujours les mêmes procédés : emphase, « effet », dramatisation; mise en évidence de l’exceptionnel, de ce qui tranche sur le continuum de la vie quotidienne; caricature, grossissement, réclame.  dans ce choix des images et des mots comme dans le style ou le ton des présentations, l’information télévisée vise à représenter chaque jour un « opéra du réel » en utilisant toutes sortes de procédés qui finalement, si vous y réfléchissez bien, sont empruntés à la fiction.  Il y a donc un mélange de plus en plus indistinct, dans les médias en général, entre la fiction et ce qui est censé être la relation de la réalité, à savoir l’information.

Ainsi l’ambition cachée des organes d’information et de ceux qui y travaillent, c’est peut-être de conter une espèce de sage, de chanson de geste de la société, en y ajoutant sans cesse de nouveaux épisodes.  Songez à des exemples récents, comme les magazines que nous avons produits sur la famille, le SIDA, le « crack ».  On ne peut pas s’empêcher de penser, en les regardant, à une sorte de chant épique, de glorification lyrique des forces du mal, dans laquelle les journalistes et ceux qui se considèrent comme tels prennent le rôle de griots ou de bardes; ils viennent ajouter une nouvelle page à l’immense récit des heurts et malheurs de l’humanité (ou plutôt de l’humanité occidentale).

Un récit où les périls que l’homme affronte sont délibérément magnifiés, c’est-à-dire exagérés mais aussi grandis, ennoblis, transcendés pour accroître le mérite que nous avons éventuellement à les affronter.  Bref, la création sans cesse renouvelée de mythe, au sens que donne à ce mot l’anthropologie sociale.  Je ne sais pas si vous comprenez bien, mais il me semble qu’il y a là quelque chose de fondamental à laquelle il faut être très attentif.

La consommation et le plaisir

Pour dire les choses encore autrement (parce qu’il faut tout dire trois fois, c’est une des règles du journalisme), il est difficile de croire aux vertus formatives ou dissuasives de la télévision, en raison de la forme même de la communication télévisuelle.  Même si ceux qui la font sont animés des meilleures intentions du monde, ils sont victimes de cette nature profonde du média avec lequel ils travaillent, car comme vous le savez tous, ce n’est pas le message qui compte, c’est le média, c’est la manière dont il interagit avec son public.  On dit ça, maintenant : c’est interactif !  Mais l’interaction, ici, est d’un genre très particulier.

La télévision, comme la drogue, associe étroitement la notion de plaisir à la notion de consommation.  On consomme pour acquérir un plaisir.  C’est un média dont la fonction même est de maintenir un nombre important de personnes dans un état de contemplation passive en ne leur laissant qu’un seul choix : consommer ou ne pas consommer, absorber ou ne pas absorber.

Et finalement, j’ai l’impression que la nature de ce média pervertit en quelque sorte tous les messages qu’on tente de lui faire véhiculer.

Je peux nommer le mal, le montrer du doigt, le dénoncer, le disséquer, mais le média m’impose la forme de ma dénonciation et, comme cette forme se doit d’être fascinante, je risque de ne faire qu’accroître la fascination pour le mal tout en le dénonçant.  Or, vous le savez, dans le cas de la toxicomanie, c’est précisément la fascination pour le mal qui est un des facteurs fondamentaux de l’assuétude.

L ‘effet de la concurrence

La situation était peut-être différente, il y a 25 à 30 ans, quand les télévisions de service public étaient dans des situations de monopole absolu, avec des cahiers de charges très stricts.  Le choix laissé était alors différent : on pouvait regarder ou ne pas regarder, mais si on regardait, on découvrait chaque soir un univers et un type de programme radicalement différent de ceux de la veille ou du lendemain.  Tandis qu’aujourd’hui, disposant de 15 chaînes, le téléspectateur unidimensionnel peut, chaque soir, voir à peu près le même film policier anglo-saxon.  Et, de plus en plus, la concurrence de plusieurs chaînes sur un même marché s’est développée.  On va vers une trentaine de chaînes captables en Belgique.  On ouvre sans le moindre contrôle l’éther à tous ceux qui veulent diffuser leurs messages (des messages de plus en plus marchands).  On risque de se trouver bientôt dans une situation catastrophique d’éthéromanie généralisée… et de choix de plus en plus limités.

Car il y a une caractéristique propre à la concurrence en télévision, c’est ce que Robert Wangermee appelait « loi de Gresham » de la télévision.  La « loi de Gresham » dit : « La mauvaise monnaie chasse la bonne ».  En télévision, la mauvaise chaîne chasse la bonne sur un marché donné, c’est-à-dire que la télévision de diversion (parce qu’elle impose ses normes, ses modes de fonctionnement) finit toujours par l’emporter sur la télévision de réflexion ou d’action quand on place ces télévisions, intrinsèquement différentes, en situation de concurrence.

La concurrence entraîne à hausser sans cesse le seuil dans la recherche de l’image qui va toucher, de cette image choc dont je parlais tout à l’heure.  Elle conduit à rechercher sans cesse plus d’images, si possible les plus étourdissantes, au sens propre du terme, en tout cas plus étourdissantes que celles du concurrent; de plus en plus étourdissantes.  Il y a là-dessus une sorte de consensus.  C’est « comme ça qu’il faut faire », c’est admis par tous les professionnels comme une loi, souvent implicite mais toujours appliquée.

Les professionnels eux-mêmes se jugent mutuellement en fonction de leur réussite sur ce terrain-là, ,car il y a des chiffres qui viennent attester leur réussite. Ce sont les images les plus percutantes, les plus fortes, qui attirent les spectateurs, qui font monter les taux d’audience et qui par conséquence confirment la légitimité et la réussite de l’entreprise des hommes de média. Et, vous le savez, ce sont les images de violence qui sont les images les plus percutantes. Ce sont donc les images de violence qui sont les plus recherchées et qui suscitent l’intérêt et l’adhésion. Sans doute aussi parce qu’elles contiennent un certain nombre de vertus cathartiques ou projectives, mais ça, c’est un autre débat.

Le spectateur – consommateur

Il faut constater que l’information utilise de plus en plus ces procédés dramatiques, ces formes qui sont propres à la fiction, avec cet avantage supplémentaire que « c’est vrai ». On vous raconte une histoire qui se présente avec les mêmes structures et les mêmes modes de récit ou de représentation que la fiction, et en plus, vous savez (parce que c’est sous-entendu) que « c’est la réalité », que « c’est vrai ».

C’est un processus inconscient, je crois, dans le chef des journalistes. Mais il y a un divorce de plus en plus évident entre les objectifs avoués, officiels, et la fonction réelle de l’information. L’objectif avoué, officiel, c’est accroître le niveau de connaissance, le niveau de conscience individuel et collectif, pour donner de meilleurs chances au citoyen et pour lui permettre de dominer son milieu au lieu d’être dominé par lui. Ce discours-là, on le connaît. Mais cette conception théorique d’un public acteur du monde s’efface malheureusement de plus en plus devant la réalité d’un public spectateur et consommateur, non pas du monde, mais de l’image du monde. A force, d’ailleurs, de confondre (et de ne pas dire qu’on confond) le réel et sa représentation, le monde et son image ; à force de faire croire aux gens que ce qu’on montre, c’est le monde (alors que ce n’en est évidemment qu’une représentation), les hommes de média, dont je suis (et ceci est évidemment une autocritique), ont progressivement changé de rôle.

Ils sont passés d’un rôle d’informateurs et d’éducateurs à un rôle d’incantateurs ou d’imprécateurs. Et dans cette incantation, dans cette imprécation, tout se mélange, tout fait farine au moulin, tout devient partie d’une sorte de composite extrêmement difficile à l’analyser, à séparer : les malheurs, les bonheurs, les guerres, les catastrophes, les triomphes sportifs, les vices privés, les vertus publiques, la météo, les découvertes scientifiques…). Tout cela se fond pour former une sorte de mythe, au sens ethnologique du terme; un imaginaire collectif, une saga qui vous dit, qui vous répète, qui vous fait accepter que « ainsi va le monde, ainsi est l’homme, ainsi est l’humanité avec ses grandeurs et ses petitesses » et finalement, nous ne pouvons qu’accepter qu’il en soit ainsi, c’est un destin immanent qui fait partie en quelque sorte de notre naturel ; il n’y a rien à faire.

Dans la structure même de cette représentation collective, les oppositions s’annulent, les contraintes se dissolvent et il en reste une sorte de grand chœur du consensus. Toute voix dissonante est d’ailleurs par avance bâillonnée, puisqu’elle risque de faire baisser les taux d’audience.

Les lacunes de la télévision

Je veux simplement vous dire par là qu’il ne faut pas, à mon avis, fantasmer sur la capacité informative ou dissuasive des médias.

Mais je voudrais peut-être, quand même, rouvrir quelques-unes des portes que j’ai claquées. Je pense qu’il n’est pas interdit d’essayer quand même. Il n’est pas interdit, par exemple, d’essayer d’utiliser la télévision pour faire un peu peur aux détenteurs du pouvoir, parce que, eux, ils croient que la popularité des dirigeants dépend de ce que la télévision dit ou montre. Il faut profiter de cette illusion qu’ils se font, pour essayer, peut-être, de faire pression sur eux. Ce n’est qu’un exemple. Ou alors, on pourrait imaginer une télévision de diffusion plus restreinte, didactique, à l’usage de professionnels tels que les parents, les formateurs, les thérapeutes, etc ; Pour dire à toutes ces bonnes gens quelles sont les gaffes à ne pas commettre en face d’un toxicomane, par exemple ; une petite chose simple…

Mais je crois profondément que la télévision de grande audience et les grandes émissions promotionnées abondamment et très largement dans un public, quel que soit le message qu’elles véhiculent, ne peuvent finalement rien faire pour améliorer la communication, entre parents et enfants, ou simplement entre êtres humains.

Je pense que la télévision ne peut rien faire (malheureusement, et je le déplore parce que je voudrais bien que ce soit autrement) pour augmenter la qualité et quantité de tendresse et d’amour dans l’humanité.

DÉBAT « Drogues et médias »

Une institutrice maternelle et maman (les enfants et les médias)

Les enfant dont je m’occupe ont environ 5 à 6 ans et je remarque, au fil des années, qu’il y a des enfants qui ont de moins en moins envie de grandir. Quand on dialogue avec eux, on s’aperçoit qu’ils n’ont pas envie de grandir, parce que ce n’est pas très gai d’être adulte.

Pourquoi n’est-ce pas très gai d’être adulte ? Parce que quand on nous montre un journal télévisé, par exemple (qui passe à une heure où les enfants sont là, où on les fait taire la plupart du temps pour pouvoir écouter le journal en silence), on ne présente que des choses tout à fait catastrophiques. Elles existent, bien sûr, mais n’y aurait-il pas moyen de montrer également l’aspect positif de la vie, de façon à ce que les enfants aient envie d’avoir quelque chose à quoi se raccrocher ?

J’ai été effrayée de voir et d’entendre les enfants raconter tout ce qu’ils ont vu la veille, sans commentaires de la part des parents, parce que la plupart de temps on ne discute pas avec les enfants ; ils sont imprégnés d’informations de toutes sortes, sans pouvoir discerner le réel, sans pouvoir faire la part des choses, sans pouvoir relativiser.

Et tous ces enfants sont soumis à des situations très décourageantes. On parle de l’Ethiopie et on leur montre des enfants qui meurent de faim. Eux, ils sont pleins d’enthousiasme, ils ont envie de faire quelques chose, mais ils se heurtent à une absence de solutions parce qu’on leur présente très peu de solutions. Ils entendent parler tous les jours de Tchernobyl, où il y a un mort qui alourdit la liste. Mais quelle importance, finalement ?

N’y aurait-il pas un moyen d’envisager que le journal télévisé se termine, au moins, par un événement positif, et qu’on présente de temps en temps des modèles valables et pas des espèces de supermen (Mac Enroe et compagnie) mais des gens possibles ?

J.-J. Jespers

Votre discours est très touchant et je partage votre préoccupation. Quelle que soit la bonne volonté d’un certain nombre d’entre nous, il y a une sorte de loi « intrinsèque’’ des médias qui est de fournir cette image-là du monde. C’est ce que j’appelle : la saga, le mythe.

De quoi décide-t-on de traiter ? On décide de traiter de ce dont on sait que les autres vont traiter, ou de ce dont on imagine que les autres vont traiter. Et ainsi les journaux, les téléspectateurs, les radios interagissent les unes avec les autres, de manière inconsciente, par un mécanisme qui est un peu difficile à percevoir, mais qui est tout à fait réel : est considéré comme événement (et donc digne d’être montré) ce qu’on pense que les autres médias vont considérer comme un événement. Donc, ce qui est pris en compte par le système concurrentiel des médias. Et l’existence même de ce système concurrentiel fait en sorte qu’il y a un discours social commun qui passe par les médias. Le reproche que vous adressez à la télévision, on peut le faire à l’ensemble des médias. C’est comme cela que la représentation du monde circule à travers les médias, partout dans le monde. En tout cas, partout où il y a liberté de la presse, ce qui est bien mais qui peut-être aussi parfois un mal, à cause de cela. Parce que la liberté de la presse, ça veut dire surtout la liberté de concurrence dans la presse, c’est-à-dire la liberté d’aller toujours plus loin pour battre l’adversaire.

Et malheureusement, quand vous mettez en situation de concurrence un service public (avec, en principe, des missions comme celles que vous venez d’évoquer), de lui-même, sans qu’il soit nécessaire de lui imposer quoi que ce soit, simplement parce qu’il ne veut pas mourir, il va se mettre à suivre cette forme de compétition, à faire plus au moins « comme les autres ». Je constate que, quelle que soit la bonne volonté d’un grand nombre d’entre nous, on est pris par ce système de compétition. C’est presque un problème existentiel, à certains moments. Mais soyons un peu moins négatif. Je pense que l’information en télévision véhicule souvent un message d’impuissance, comme vous l’avez justement constaté, ce n’est pas un hasard.

On vous montre un monde, ou plutôt l’image d’un monde, une image déformée, grossie, transformée par l’intervention même du média. Cette image elle-même, quelle qu’elle soit, peut-elle réellement vous mobiliser ? Je ne crois pas. On sait depuis longtemps que la télévision n’a pas d’effets sur le conscient, si ce n’est à travers le dialogue qui peut s’établir par après, dans un milieu déterminé, plus restreint. Je pense évidemment surtout à la famille, mais aussi à l’école, à l’entreprise, aux associations ou, pourquoi pas, à la relation thérapeutique, à la formation, etc… Et ce qui peut être plus préoccupant encore que l’évolution de la télévision, c’est la disparition de ce dialogue-là. C’est le fait qu’effectivement, comme vous le disiez, cette image reçue par les enfants (ou même par les adultes, parce que le sentiment de découragement est aussi perceptible chez les adultes), cette image-là n’est pas médiatisée par un discours, un dialogue qui soit intense, et où la parole s’échange vraiment. Nous recevons, chacun pour soi, cette image et nous ne partageons avec personne les impressions qu’elles a suscitées en nous. C’est la parcellisation du vécu. La télévision est-elle responsable de cette parcellisation ? Partiellement, sans doute. En tout cas, elle est un des éléments qui la matérialisent et qui l’expliquent, simplement par le mode de consommation qu’elle induit : une consommation purement individuelle, surtout depuis qu’on ne va plus au café pour « voir la télé ».

Mais il ne faut pas tout faire reposer sur les médias. Il y a en amont, en aval, tout une série de phénomènes sociaux, notamment l’individualisation du mode de vie, l’échec du couple, la disparition des structures familiales, la chute des valeurs collectives, etc… Bref, comme par hasard, des facteurs qu’on retrouve aussi dans l’étiologie de la toxicomanie !

C’est pour cela que j’ai dit que la télévision était une des nombreuses toxicomanies qui tiennent à l’évolution de la société, sans y être étrangère mais sans en être (loin de là) l’unique moteur.

Un monsieur

J’avais posé une question tout à l’heure : quelle est la meilleure façon d’informer les élèves sur les problèmes de la drogue à l’école ? Tout ce que j’ai entendu aujourd’hui me fait penser qu’il serait peut-être utile, plutôt que d’informer les élèves de la drogue à l’école, de les informer sur la meilleure manière de s’informer, tout simplement, et peut-être aussi la meilleure façon de vivre,  de vivre en famille, de vivre avec les enfants qu’ils auront plus tard. Parce que tout ce qui se dit ici me fait penser qu’il est, hélas, peut-être un peu tard pour informer, pour éduquer les parents. Mais il ne faut pas oublier que les élèves sont des futurs parents, c’est peut-être dans ce sens-là qu’il faudrait travailler.

J.-J. Jespers

Vous avez tout à fait raison.

Jacques Zwick

Je voulais simplement demander ceci : est-ce qu’il est impensable de multiplier certaines expériences ? Par exemple, les enfants au J.T. pendant la période de Noël.  Nous y avons d’ailleurs participé à la Ligue de Familles. Chacun venait d’une province Wallone et du Brabant, chacun a fait son petit reportage. Bien entendu, ça ne peut pas se rééditer quotidiennement, c’est impensable. Mais est-ce que, de temps en temps, on ne peut pas avoir une respiration de ce genre ? Est-ce que d’après les informations que vous avez, une réalisation comme celle-là a été bien ou mal perçue par les téléspectateurs ?

J.-J. Jespers

Je vais avoir l’air du prédicateur qui vous met en garde contre la présence du malin jusque dans les manifestations divines.

Il me semble que, dans ce type d’opération, il y a des motivations contradictoires. Il est évident que, de la part de la Ligue des Familles et de ceux qui y ont participé, il y avait des motivations très positives, et sans doute de la part de ceux qui l’ont imaginée à la télévision aussi. Mais il y a aussi des motivations plus inconscientes, qui s’inséraient justement dans le cadre de cette pratique qui consiste à trouver l’image la plus émouvante, la plus touchante, etc ; celle qui va favoriser le plus le sentiment de consensus, d’adhésion, donc le succès d’audience de la chaîne.

Il n’y a rien de plus émouvant, de plus touchant que les enfants. D’une certaine manière, je pourrais donc dire aussi qu’on a instrumentalisé les enfants pour produire des émissions qui allaient susciter chez les spectateurs un sentiment d’adhésion, d’émotion, etc. Il est évident que dans cette mesure-là, sans doute, la télévision souhaitera refaire ce type d’expérience, parce que les taux d’audience étaient excellents et les cotes étaient très bonnes ; on a obtenu 7.5 ou 8 sur 10, ce qui est très bien, chaque parent aimerait que ses enfants obtiennent cette cote moyenne. Mais il y a derrière ce souhait bien plus qu’une velléité éducative ou formative.

Docteur Curtet (Le manque de social à la télévision)

Je vous ai trouvé quand même très pessimiste. Je pense que c’est vrai : quand on travaille à la télévision, on ne peut se permettre le luxe de faire baisser l’audience pour faire du social. Mais je me demande si vraiment on ne pourrait pas  faire du social sans pour autant baisser l’audience. Prenons un exemple : vous prenez une émission d’une heure et demie : « La drogue », vous allez faire venir des gens bien sérieux, des scientifiques bien barbants, des reporters… et pendant 1h30 vous parlerez de la drogue, de ses effets, de ses dangers. Catastrophe ! Effectivement, le téléspectateur va changer de chaîne parce que c’est l’horreur. Il vaut mieux regarder autre chose. Mais on peut parler autrement du social !

Vous savez très bien comment on fait la télévision, vous l’avez très bien dit, vous êtes mieux placé que quiconque. C’est quoi ? De l’intérêt, du mouvement, de l’image, de l’émotion, et même à la limite du rire ? Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas faire du social avec tous ces ingrédients. C’est là qu’il faut être inventif et créatif. Mais je vois pas pourquoi ce ne serait pas possible.

J.-J. Jespers

Je vais vous dire : c’est notre souhait ! C’est l’objectif de chaque homme de média d’arriver à aborder des thèmes importants et de le faire de manière attractive.

Mais ce que je voulais souligner, de manière un peu pessimiste, parce que je crois qu’il faut être parfois un peu provocateur, c’est qu’il y a, à l’intérieur même de cette démarche et de cette envie, un danger.

La forme même que vous allez utiliser pour séduire et conserver l’audience contient une sorte de poison. Je prends le modèle de l’image fascinante, je désire une communication sur le mode de fascination  – celle qui marche, qui assure les taux d’audience – et finalement, quel que soit le message que j’essaie de faire passer de cette manière-là, j’aboutis simplement au résultat de créer la fascination. Mais je n’aboutit pas – et, malheureusement, les enquêtes qu’on a faites ne sont pas très encourageantes à cet égard – à cet objectif qui est l’élévation de la capacité d’agir. Je parviens peut-être a répandre un certain nombre d’idées, mais elles seront, la plupart du temps, mal intégrées, mal comprises, ou à la moitié, ou à l’envers.

Elles le seront d’autant plus qu’on aura utilisé, comme techniques ou comme moyens de médiation, ce que vous avez suggéré, c’est-à-dire l’appel aux sentiments, à l’affectif plutôt qu’à la raison…

Un participant

Vous essayez de communiquer de manière performante, mais le feed-back n’a jamais été pensé qu’en terme de taux d’écoute, ou alors, quand il y avait un contact direct, c’était par rapport à des jeux, à des programmes amusants.

La télévision aurait pu consacrer un pourcentage de son budget annuel à donner la parole, de manières très diverses, à mettre une dynamique en place où des interactions réelles pourraient se passer entre le public et la télévision. Je pense qu’il s’agirait là d’une démarche qui pourrait aller à l’encontre de ce que vous avez décrit tout à l’heure. Mais elle ne peut se faire que s’il y a une interpellation, si les gens qui sont en face de la télévision réagissent.

C’est peut-être ainsi qu’il y aurait une voie vers la raison davantage que vers la séduction. Mais il n’y a pas eu cette volonté dès le départ. La télévision est restée dans une démarche à sens unique, qui était : « je communique à d’autre et je ne cherche pas autre chose, ou si je le cherche, c’est avec l’objectif d’améliorer le taux d’écoute’’. Il n’y a pas eu de travail à long terme pour améliorer ces intercations.

Maintenant, dans des radios locales par exemple, ça se fait peut-être un peu, mais à mon avis, il est très possible même au niveau d’un Etat, d’organiser les choses de telle façon. Evidemment, cela veut dire une critique, une interpellation, des conflits que les pouvoirs en place vivent très difficilement.

J.-J. Jespers

Vous avez tout à fait raison, ce n’est sans doute pas un hasard qu’on n’y ait pas consacré plus d’attention. Mais il faut aussi être prudent. Si la suggestion que vous faites aboutit, simplement, à faire venir plus de gens à l’antenne, cela participe à nouveau de cette fascination que je décrivais. Le spectacle s’autoreproduit et on ne change rien. C’est la forme qui est en cause.

Je pense que la véritable interaction se déroulera en dehors de l’écran dans des milieux où, justement, on peut réagir les uns par rapport aux autres et où le spectateur cesse d’être passif, devient acteur, grâce à sa participation active à un dialogue réel avec des gens proches.

Docteur Curtet (La télévision comme outil de prévention ?)

La télévision m’intéresse beaucoup. Utopiquement elle pourrait constituer un formidable outil de prévention. Et penser l’utopie permet parfois d’en amorcer la réalisation…

Ceci dit, je n’ai pas vu l’émission sur la crack à laquelle vous faites allusion. Y-a-t-il du crack en Belgique ?

Un conférencier

On ne sait pas, un petit peu.

Docteur Curtet

Dans ce cas, parlons-en.

Mais d’abord, abordons la question de savoir si parler des trafiquants peut avoir une vertu préventive. A mon avis, les seules informations utiles concernant les trafiquant sont les suivantes :

1. Le trafic de drogues est un phénomène énorme, à l’échelle planétaire. Dans ce contexte, la répression aura forcément des effets limités.
2. L’économie entière de certains pays repose sur la drogue.
3. Croire résoudre le problème de la drogue en supprimant les sources d’approvisionnement est totalement utopique. En conséquence, même si  la répression n’est pas inutile, l’accent doit être mis sur la prévention, réduire la demande étant finalement plus réaliste que réduire l’offre.

Par contre, décrire les filières et les astuces utilisées par les trafiquants, parler des saisies, etc… c’est raconter une histoire policière qui plaît au public mais ce n’est en aucun cas faire de la prévention. C’est autant de temps utilisé pour ne surtout pas faire de prévention. L’information de ce type n’apprendra rien d’utile aux parents pour prévenir la toxicomanie de leurs enfants.

Venons-en au crack. Depuis six mois environ, les spécialistes du terrain sont sollicités régulièrement par les journalistes qui leur demandent de parler du crack, « car il paraît que le phénomène risque d’apparaître en France ». La réponse de spécialiste est : « quand le crack sera arrivé en France, on en parlera ; pour le moment nous n’en voyons pas l’utilité. C’est votre boulot de journalistes de parler de cet événement qui a lieu aux Etat Unis. C’est la signification de la consommation de ce produit qui importe ». Parler d’un produit qui n’existe pas encore en France ne peut qu’inciter la curiosité de personnes fragiles ou toxicomanes. Expliquez à un toxicomane que le crack coûte 10 à 20 fois moins cher que la cocaïne pour donner à peu près les mêmes effets ; il vous répondra : « si tu vas aux USA, sois sympa, ramène en ! ». Il s’agit donc d’information incitative et non préventative ! La plupart des spécialistes ont refusé d’entrer dans ce jeu.

Il y a peu, un journaliste du Figaro m’a contacté pour faire un papier sur le crack. J’ai refusé d’en parler et j’ai envoyé le journaliste à l’hôpital Fernand Vital, au Dr. Dugarin, qui s’occupe des problèmes d’urgence et qui est donc le mieux placé pour savoir si le crack a fait son apparition en France. Sans que nous nous soyons concerté, Dugarin lui a donné la même réponse que la mienne : il n’avait pas encore rencontré le crack en France et ne voulait pas en parler pour éviter les effets incitatifs. Malheureusement, il s’est trouvé un autre médecin, assez irresponsable, pour donner des informations. Le Figaro a donc fait une pleine page sur le crack, ses effets, ses dangers, sa préparation. C’était formidable : un vrai mode d’emploi… De la même manière que le film « Moi, Christiane F… » constitue le mode d’emploi de l’héroïne et a donc un effet incitatif et non préventif. Dans ces cas-là, la responsabilité des journalistes est gravement engagée.

Un participant

Juste une réaction comme ça, à vif. Après l’émission sur le « crack », on en a parlé, et puisqu’on en a parlé, c’est vrai que cela a eu des effets dans la population des élèves, des jeunes. A certains moments et à un certain niveau, cela a été l’occasion d’une discussion. Mais peut-être pas le lendemain de l’émission et, contrairement à ce qu’on peut croire, non pas sur le crack, la drogue, mais sur la fonction du crack aux Etats-Unis, sur l’image des Etats-Unis qui n’était renvoyée dans cette émission. En fait, toutes ces questions ramènent toujours au questionnement politique. Et l’information que vous passez, à la RTBF, me fait dire : « C’est vraiment la meilleure qu’on puisse avoir », parce qu’on ne peut pas l’écouter sans réagir, en tout cas en famille.

J.-J. Jespers

Merci. Mais je crains qu’il n’y ait à l’avenir, dans le chef de ceux qui programment les émissions, cet effet d’entraînement dont je parlais tantôt. Qu’ils se disent : « Nous devons rester à flot avec les autres chaînes, il faut avoir le document que les autres n’ont pas, ou avant eux ; le document le plus touchant, le plus terrible, le plus inquiétant ou parfois, aussi, heureusement, le plus enthousiasmant ».

Il faut aussi que nous fassions notre examen de conscience : nous manquons, nous aussi, d’informations sur les effets potentiels du travail.

Souvent, la décision de programmer est prise dans une sorte d’enthousiasme. On dira : « On a un document fantastique ». On visionne le reportage monté, on dit : « Ca, c’est formidable ! On ne peut pas ne pas le passer », dans une optique qui est toujours la même, c’est-à-dire la fascination, la séduction.

Et rares sont ceux qui disent : « Attention, réfléchissons d’abord, imaginons ce que ça va donner ou bien essayons de faire en sorte que ce soit l’ébauche d’un développement ». Ou alors, la recette habituelle : on met un débat après l’émission. Mais cette solution de facilité ne prolonge pas vraiment le document et n’en modifie pas les effets éventuellement pervers.

Docteur Curtet

Je voudrais vous faire part de quelques réflexions personnelles concernant la prévention. Je pense que ce qui fait sa difficulté c’est qu’elle suppose une remise en cause des adultes.

Il est très significatif de constater que face à un problème de toxicomanie, les parents se posent toujours la question du « comment » et jamais du « pourquoi ? ». En effet, la réponse à la question du « pourquoi ? » risque de renvoyer les adultes à leur part de responsabilité. Or, ils confondent « responsabilité » et « culpabilité ». Lorsqu’on leur demande : « Ne pensez-vous pas avoir une petite part de responsabilité dans le fait que les jeunes se droguent ? », ils répondent : « Mais ce n’est pas notre faute ! ». On ne leur a pourtant pas parlé de culpabilité.

Les adultes n’aiment pas se remettre en question, et pourtant, la prévention de la toxicomanie suppose une remise en question. Les enfants n’ont pas envie de grandir, peut-être parce qu’ils n’ont pas envie de nous ressembler, parce que les images d’adultes dont ils disposent ne leur semble pas fiables.

Refuser un minimum de remise en cause, c’est ne rien comprendre à la toxicomanie, c’est ne rien comprendre à ses enfants. Mais il est plus facile de croire avoir réponse à tout que de se remettre en cause. Lorsqu’on demande à des parents : « Etes-vous capables de répondre aux questions de votre enfant concernant la drogue ? », la majorité répond « oui ». Ils sont convaincus de pouvoir répondre, mais je suis persuadé que leurs réponses seraient inadéquates, à côté de la plaque.

Les responsables de télévision partagent ce refus de remise en cause : ils n’ont pas envie d’aborder l’effrayant sujet de la signification de la consommation des drogues.

Je suis frappé (ne le prenez pas mal : ils ne sont pas les seuls) par le nombre élevé de toxicos dont les parents sont très précisément journalistes, médecins, PDG, publicitaires, c’est-à-dire des boulots où l’on travaille beaucoup mais où on n’a pas toujours le temps de se remettre en cause. On n’a pas non plus beaucoup de temps disponible pour ses enfants et on est souvent des toxicos du travail.

Cette peur farouche et ancrée de se remettre en question est l’obstacle de la prévention.

Madame C. Radoux (Vivre sans télévision)

Je voudrais faire part à l’assemblée de la manière dont, en famille, nous avons été amenés à aborder le problème de la télévision.

Durant de longues années, nous avons eu la télévision et celle-ci occupait la place que vous imaginez au sein d’une famille avec plusieurs enfants.

Nous avons consommé de la télévision jusqu’au jour où celle-ci est tombée en panne… sa réparation étant trop coûteuse, nous devions en racheter une neuve.

Pendant un certain temps, nous avons vécu sans télévision.

Ce qui s’est passé alors fut extraordinaire. Petit à petit, diverses choses ont changé : l’ambiance des fins de journée, les horaires conçus en fonction des programmes que chacun souhaitait regarder, les repas pris souvent à la hâte, les soirées taiseuses et monotones devant le petit écran… Tout cela a basculé. N’étant plus régentés par la loi de la télévision, notre repas du soir s’est allongé et est redevenu un moment de rencontre, de dialogue, d’échange, de rires… Nous avons ressorti les jeux de société…

Lorsqu’au bout d’un certain temps, nous nous sommes reposé la question de racheter un téléviseur, nous en avons parlé avec les enfants. Ils nous ont déclaré qu’ils n’en ressentaient ni la nécessité ni l’envie, craignant que la télévision ne réimpose sa dictature.

A ce jour, nous n’avons toujours pas de télévision. Personne n’en souffre et les enfants se sentent pas anormaux ou « hors du coup » par rapport à leurs copains de classe.

C’est ce que je voulais communiquer : on peut aussi se passer et vivre sans télévision.