Notre approche de la prévention et de l’aide

Prévenir, c’est venir avant. Mais avant quoi ?

Aider, mais aider à quoi ?

La vision médicale serait de connaître ce qui cause les consommations de drogues. Dans ce cas, la prévention serait un processus linéaire, comme pour certaines maladies : il y a un virus, une bactérie qui les déclenche. Il faut détruire ou empêcher l’action du virus, de la bactérie, ainsi la maladie n’apparaîtra pas.

Il faut donc agir sur les causes des consommations. Quelles sont-elles ? Le discours social, basé sur l’interdiction de nombreuses substances stupéfiantes, présente les produits eux-mêmes comme cause de leur consommation : « Untel est pris par la drogue ! » La prévention est donc souvent présentée comme tout ce qui empêche la consommation de drogues : la police, la prohibition, les douanes, les fouilles, etc. L’aide, quant à elle, se concentre essentiellement sur le produit : désintoxication médicale, éloignement du produit, remplacement/substitution du produit, etc.

Mais en matière d’usages de drogues, les choses sont souvent plus complexes. D’une part, on ne peut pas mettre en évidence un processus linéaire : il n’existe pas de produit déclenchant automatiquement sa propre consommation, il n’existe pas non plus de situation familiale ou personnelle suffisant à expliquer une consommation. D’autre part, l’interdit, même accompagné de peines très lourdes, ne fonctionne pas. Il existe davantage de consommateurs de cannabis en France, pays très répressif, qu’aux Pays-Bas, pays beaucoup plus tolérant. En effet, tant pour les produits légaux comme l’alcool ou le tabac que pour les produits illégaux comme le cannabis ou l’héroïne, il existe des personnes qui en consomment malgré le discours alarmiste quant à la dangerosité du produit ( « Fumer tue » ) ou les ennuis judiciaires. Le caractère licite ou illicite du produit n’influence pas significativement la consommation du produit.

Chez Infor-Drogues, nous pensons qu’une société sans drogues est irréaliste et irréalisable. En effet, de tous temps et dans toutes les sociétés, les humains ont eu recours aux drogues et ces usages ne furent jamais le fruit du hasard. Les fonctions des drogues sont différentes d’une société ou d’une époque à l’autre : sacrées, thérapeutiques ou sociales. Dans nos sociétés plus individualistes que par le passé, les fonctions des drogues varient sensiblement d’une personne à l’autre mais aussi parfois d’un jour à l’autre, voire d’un moment à l’autre.

Néanmoins, s’il est vrai que chaque usage de drogue a une fonction spécifique pour chaque individu, celle-ci est souvent inconsciente, de la sorte qu’il est difficile de réfléchir collectivement et individuellement aux motivations et aux causes qui poussent aux consommations. Cette difficulté est renforcée par les représentations sociales souvent très négatives, voire dramatiques, liées aux consommations de drogues.

Ce que l’on peut dire cependant c’est que les usages de drogues sont toujours causés par une motivation. Le fait que cette motivation n’est souvent pas explicite, ni même consciente, va compliquer fortement la tâche de tous ceux qui vont tenter de la comprendre (les parents, les éducateurs et les consommateurs eux-mêmes).

Pour Infor-Drogues, la prévention et l’aide sont liées à la compréhension des situations vécues. Ce n’est qu’à travers cette compréhension que tout un chacun peut agir pour améliorer sa propre santé. Ce que nous voulons prévenir, ce sont les situations où les professionnels et/ou les proches se sentent impuissants, dépassés par les situations auxquelles ils sont confrontés. Il en va de même pour les consommateurs : parfois (ou souvent) le sens profond de leur comportement leur échappe. Dans ce cas, ils ne comprennent pas le rôle que joue cette consommation pour eux. Sans cette compréhension, il est difficile d’être véritablement aidant pour un proche ou un professionnel et d’agir de façon vraiment pertinente pour un consommateur.

Revenir aux motivations permet de comprendre le sens de la consommation de drogue ou des comportements addictifs. Cela va (re)donner une place centrale au consommateur, au cœur des démarches de prévention et/ou d’aide.

Si on accepte cette manière de voir, la prévention visera toute action favorisant la réflexion et la prise de conscience des motivations et des contextes de consommation (c’est ce qu’on appelle la Promotion de la Santé). Ensuite, la prévention et l’aide viseront à agir sur les contextes et donc sur les motivations engendrées par ces contextes. En gros, il s’agira de favoriser tout ce qui contribue au bien-être.

Ainsi, la prévention telle qu’Infor-Drogues l’envisage, se départit de la fixation sur son objet – les drogues – pour s’élargir aux causes personnelles et contextuelles des consommations, qu’elles soient partagées par un groupe ou liées à un vécu particulier.  La prévention vise donc à donner les moyens aux professionnels, aux adultes-relais pour agir sur ces causes et pour créer des contextes de vie favorables au bien-être et à la santé.  Ces moyens passent par une compréhension des motivations à consommer et des situations qui les suscitent. De la même manière, l’aide que l’on souhaite apporter aux consommateurs devrait viser également les causes contextuelles (solitude, échec sentimental ou professionnel, problème d’orientation, ennui, etc.) des consommations.

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